Petit manuel de survie en Thaïlande

Patrick Chesneau

   En toutes circonstances, place à la jai yen yen attitude... ( cool, tranquille, relax ).

   Au pays du sourire, les Thaïs sont souriants. C'est bien plus qu'un truisme. Et tolérants. Vrai. Indubitable. Pourtant, ils ont la susceptibilité à fleur de peau. Toujours adossée à un sentiment national exacerbé. La fierté thaïe, ingrédient de base de la thainess, est la pierre angulaire de la cohésion du " peuple  des hommes libres " comme il aime à  s'appeler lui-même. Un étranger est accepté d'office aussi longtemps qu'il parle comme un thaï. S'il introduit dans les échanges, une contradiction trop marquée, voire une critique un tant soit peu virulente, la défiance s'installe. Quand le silence tient subitement lieu d'échappatoire, mieux vaut s'inquiéter. 

   L'hyper sensibilité prend le dessus. Devient la norme. 

   De la part d'un touriste ou d'un expatrié occidental, une perte de self-contrôle, un énervement brusque et intempestif, un geste agressif, pire, un coup de poing, un coup de pied, une propension au blasphème, des insultes caractérisées seront jugés au minimum inconvenants. Assimilés le plus souvent à une offense irréparable. Un outrage. Ce qui confine à une atteinte irréversible à la dignité. Dans un tel contexte, la seule voie de sortie est alors l'incident notoire qui se solde généralement par l'expulsion du Royaume. " Menace pour l'équilibre de la société " est-il officiellement édicté. Il faut impérativement éviter toute provocation et surtout toute confrontation directe. 

   Pas de pugilat frontal, ne serait-ce que par les mots. 

   S'excuser et faire acte de contrition honore. Rien n'est plus grave à cet instant que d'infliger une perte de face à son interlocuteur thaï. Douceur apparente, bonne humeur, jovialité affichée peuvent basculer en furie débridée. Physique y compris. Avec recours aux armes dans de nombreux cas émaillant régulièrement l'actualité. Moins d'un quart de seconde suffit à l'irrémédiable. A l'occasion, le sang coule pour ce qui peut sembler une peccadille au voyageur venu d'horizons lointains. En toile de fond, il faut savoir que l'échelle de ce qui est grave et de ce qui est sans importance diffère des codes farang. Le rapport au temps et à l'espace est également autre. Donc, sous cette latitude, on jauge et relativise autrement. Une approche différente de ce qui fait et vaut conflit induit des perpectives de règlement dissemblables à l'Ouest et à l'Est. Les modes de régulation des conflits et de la brutalité sont une caractéristique propre à chaque société. La quête de sérénité et la recherche de l'harmonie au plan individuel comme collectif s'expriment de manière spécifique dans les sociétés de l'Asie du Sud-Est, fortement imprégnées par le bouddhisme. Résultat immédiat: la distorsion constatée est béante entre les comportements sociaux en Occident et en Orient. 

   Les notions de respect et d'irrespect varient considérablement entre deux mondes certes compatibles mais initialement en large dissonnance culturelle. L'accord parfait ne va jamais de soi. Il suppose une  démarche de curiosité attentive, d'ouverture et de compréhension inépuisable.

   Le crescendo apparemment immaitrisable observé dans la panoplie des réactions thaïes est une donnée ordinaire de la vie quotidienne. Le " kreng jai " ( sentiment de politesse, respect, considération à l'égard d'autrui ) cède le pas, le cas échéant, à une explosion de violence hors de proportions. Dans un tel contexte, l'étranger doit à tout prix s'initier aux mystères insondables que recèle la psyché siamoise. Cela prend du temps. Un temps indéfini.  Cependant, la nécessité de ce parcours initiatique est absolue. Ou alors la mentalité qui l'environne restera pour le visiteur allogène une énigme. Donc source de malentendus. 

 

Sabai sabai.... 

Il n'empêche...le pétage de plombs peut surgir à tout moment. 

 

Patrick Chesneau

Media / Document
Image
Image

Connexion utilisateur

Dans la même rubrique

Commentaires récents