4 juin 2000 : ce jour qu'aurait dû avoir redouté les pays du sud

   Jour terrible ! Effrayant s'il en est...

   Jour dont aucun grand politologue arabe, sociologue indien, économiste chinois, militant décolonial sud-américain ou caribéen, activiste panafricaniste et autre partisan du mouvement des non-alignés n'a eu conscience. Leurs collègues occidentaux non plus, il est vrai...

   Etait-on ce jour-là au bord d'une recolonisation de l'Afrique par l'Europe ? D'une invasion de Cuba par les Etats-Unis ? D'une attaque nucléaire d'Israël contre l'Iran ? Etions-nous "au bord d'un grand désastre" pour reprendre un vers d'Aimé Césaire ? 

   Rien de tout cela ! 

   Ou plutôt pire que tout cela. Bien pire. Mille fois pire. La chose se passe à Moscou lors d'un diner officiel : le président russe, Vladimir Poutine, organise un grand dîner en l'honneur d'un visiteur de marque à savoir Bill Clinton, président des Etats-Unis. Oui, et alors, direz-vous ? C'est juste de la courtoisie diplomatique entre grandes puissances. Point à la ligne. Pas de quoi fouetter un chat en tout cas. Suffit que la vodka soit de bonne qualité, c'est tout...

   Sauf que lors de son discours le maitre du Kremlin déclare, urbi et orbi donc puisque tous les grands médias internationaux étaient présents, que la Russie était disposée à adhérer à... l'OTAN. Cette annonce incroyable a agité le landerneau médiatique occidental pendant deux jours et demi et puis tout le monde est revenu à ses affaires courantes comme si de rien n'était. Dans les pays dits du Sud, aucun politicien, intellectuel ou activiste n'avait eu froid dans le dos.

   AUCUN !

   Pourtant, il y avait de quoi trembler, paniquer même. 

   Pourquoi ?

   Imaginons une seconde que la demande de Poutine ait été acceptée et que la Russie ait adhéré à l'OTAN ! Cela aurait signifié quoi au plan de la géopolitique mondiale ? Ceci : la totalité du monde dit "Blanc" s'en serait trouvé unifié. Ou en tout cas rassemblé sous une seule et même bannière. De Vladivostok à Paris, de Paris à New-York, de New-York à Los Angeles. Plus ses appendices : Australie, Nouvelle-Zélande et Israël.

   Brrr ! Si vous êtes originaire d'un pays du sud, ne dites pas que cette perspective ne vous fait pas froid dans le dos ! Car enfin, elle aurait signifié l'alliance de 5 puissances nucléaires (Etats-Unis, Russie, France, Angleterre, Israël) et surtout l'avènement d'une puissance économique, scientifique et technologique jamais vue jusque-là. En outre, ce "Monde blanc unifié" n'aurait plus guère besoin des matières premières des pays du sud. Pas de manière aussi cruciale qu'aujourd'hui en tout cas. Ce "Caucazistan" souhaité par Poutine aurait, en effet, pu disposer de tout le pétrole, le gaz, le cuivre, le nickel, l'uranium etc... et même les terres rares dont il aurait eu besoin. 

   Dieu merci, l'OTAN a refusé l'adhésion de la Russie ! 

   Donc tous ceux qui, dans le Sud, sautent de joie comme des cabris en chantant les mérites du tsar du Kremlin et ne jurent que par sa milice Wagner, devraient savoir que ce 4 juin 2000, on est passé à deux doigts d'une reconquête de la planète par un Occident unifié de la Sibérie à la Californie. Poutine ne s'intéresse aujourd'hui à l'Afrique que parce que l'OTAN lui a fermé la porte. Rien d'autre ! L'OTAN aurait intégré la Russie en son sein qu'il n'y aurait eu aucune guerre en Ukraine et cette méga-puissance mondiale qu'aurait été le "Caucazistan" aurait tranquillement exploité les ressources de ce qu'autrefois, on appelait le Tiers-Monde, mais cela de façon encore plus féroce qu'aujourd'hui.

   Il n'y a dans toute cette affaire qu'un point positif au regard de l'humaine condition. Un seul : la "race" n'est qu'un épiphénomène dans les conflits qui agitent la planète contrairement à ce que croient bon nombre d'intellectuels et d'activistes des pays du Sud. Irlandais catholiques contre Irlandais protestants, Catalans contre Espagnols, Corses contre Français, Algérie contre Maroc, Pakistan contre Inde, Corée du Nord contre Corée du Sud, Yéménites, Somaliens, Ethiopiens etc... n'appartiennent-ils pas à la même "race" ?

   En tout cas, du point de vue du Sud, comment ne pas dire merci à l'OTAN même si ce mot nous reste au travers de la gorge ? Hélas, dans les livres d'histoire, il y a gros à parier que cette terrible date du 4 juin 2000 ne figurera même pas... 

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