Abaim célèbre le «Kreol Morisien», langue maternelle et héritage

Le centre Abaim, à Beau-Bassin, a marqué d’une pierre blanche la Journée internationale de la langue maternelle, samedi. Depuis une quarantaine d’années, Abaim mène le combat pour la promotion du Kreol Morisien (KM), langue maternelle de la plupart des Mauriciens.

Pour l’occasion, le Saturday Care, programme qu’Abaim propose chaque samedi à son centre pour les enfants âgés de cinq ans et plus, est axé sur la langue maternelle. D’anciennes affiches mettant en avant des activités autour du KM ont été exposées, dont une de 2015 réclamant l’admission du KM au Parlement. Un sujet d’actualité après la récente déclaration de la speaker. C’est dire combien le combat a été long.

En cette fin de matinée de samedi, Abaim est plongé dans une atmosphère studieuse. Le centre regroupe près de 70 enfants, dont beaucoup viennent de la région de Beau-Bassin. Dans les salles de classe, Alain Muneean enseigne l’alphabet aux plus petits, de manière ludique. À côté, Anbreene Mungroo explique ce jour-là, elle enseigne aux enfants de sept à neuf ans ce qu’est une langue maternelle et son importance.

«La langue maternelle permet le développement de l’être humain. Le langage est central dans tout ce que nous faisons : il permet la transmission des connaissances, l’apprentissage et les liens sociaux. Au niveau éducatif, nous partons du créole pour aller vers d’autres langues, soit du known to unknown. Dès le ventre maternel, nous entendons notre mère nous parler et, à notre naissance, nous venons déjà avec ce patrimoine. C’est grâce à ce patrimoine que nous pouvons aller plus loin et apprendre d’autres langues», explique Marousia Bouvery, d’Abaim.

Elle ajoute : «Si ce patrimoine n’est pas valorisé, tout ce que nous apprenons par la suite n’est pas vraiment intériorisé, nou aprann par ker. Nous pensons que si notre langue maternelle était utilisée comme médium d’enseignement, nous aurions un taux de réussite académique plus élevé. Mais cela demande la participation de tous. Il ne faut pas que nous soyons nous-mêmes une entrave à l’avancée de la langue Kreol. Enfin, nous sommes accrédités auprès de l’Unesco, qui, depuis les années 1950, souligne l’importance de la langue maternelle. La speaker souhaite que le KM fasse son entrée au Parlement : ce sera pour nous une très belle avancée, l’image d’une vraie démocratie.»

La journée organisée par Abaim met en avant la langue maternelle et le patrimoine culturel, y compris à travers le déjeuner traditionnel : du riz avec des haricots rouges et un vindaye de poisson. Un délicieux parfum de riz cuit flotte dans l’air. «Pour cette journée, nous avons demandé aux enfants de mener une petite recherche. Nous avons l’habitude de collecter des éléments autour de la langue, notamment à travers des chansons. Mais cette fois, nous avons voulu donner la possibilité aux jeunes de s’y mettre aussi. Depuis deux semaines, ils travaillent sur la transmission orale liée à la nourriture. La question posée était: ki ou ti fer pou manze gagn bon gou? Ou encore : ki ou paran ti fer pou enn bon manze? Ils sont allés interroger leurs grands-mères et leurs mères. Le but est de montrer la valeur de la langue et l’importance de la transmission», explique Marousia Bouvery.

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lexp - 2025-02-24T122929.645.jpg«C’est grâce à ce patrimoine que nous pouvons aller plus loin et apprendre d’autres langues», confie Marousia Bouvery, d’Abaim.

lexp - 2025-02-24T122855.852.jpg(De g. à dr.) Shaniza Kurmally, 14 ans, Cyrielle Hugues-Grégoire, 14 ans, et Jahmelia James, 13 ans.

Entre deux cuillerées de riz aux haricots rouges et de vindaye de poisson, Jahmelia James, 13 ans, Cyrielle Hugues-Grégoire, 14 ans, et Shaniza Kurmally, 14 ans, partagent le fruit de leur petite enquête.«Cette recherche était très intéressante. Si la question était la même, les réponses étaient variées. Ma grand-mère m’a expliqué qu’autrefois, quand on cuisait le riz, il fallait jeter l’eau après la cuisson. On appelait ça delo bisagn», raconte Jahmelia James.

«La mienne m’a dit qu’à l’époque, elle cuisinait sur un foye (foyer traditionnel). Elle pense aussi que manger avec les doigts donne meilleur goût que d’utiliser des couverts», renchérit pour sa part Cyrielle Hugues-Grégoire. De son côté, Shaniza Kurmally explique : «Ma grand-mère m’a raconté que cuisiner au feu de bois était tout un art. Il ne fallait pas que le bois soit humide, par exemple.»

Ces connaissances, elles les chérissent et souhaitent en apprendre davantage sur la vie d’autrefois. «La vie d’autrefois était différente. Cuisiner n’était pas facile, tout prenait plus de temps. Aujourd’hui, tout est plus simple, mais nos grandsmères nous disent que la nourriture n’a plus le même goût», confient-elles.

Au fil de la conversation, une réalité préoccupante émerge : le Kreol reste mal perçu dans certains collèges. «À l’école, on nous empêche de parler le KM. Dès qu’on dit quelque chose en Kreol, on nous réprimande», expliquent Jahmelia James et Cyrielle Hugues-Grégoire. Un signe que, même si le KM fera son entrée cette année au niveau du HSC, certaines mentalités restent figées.

La journée s’est achevée par une session de chant dirigée par Alain Muneean. Les recherches des enfants ont ensuite été partagées en grand groupe, à partir des enregistrements réalisés. «Dites-moi les différences que vous entendez», demande Alain Muneean aux enfants. Ici, personne n’hésite à s’exprimer. «Elle a dit ougay au lieu de rougay», remarque un enfant.

Les différences entre hier et aujourd’hui se manifestent à travers l’accent, l’intonation et les mots. Une richesse linguistique qu’il convient de préserver à tout prix.

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Commentaires récents

  • Mohamed Koulibaly : « J’ai préféré élever mes enfants en Algérie plutôt qu’en France. »

    DES MILLIERS DE SUBSAHARIENS...

    Albè

    28/02/2025 - 07:43

    Si ces "milliers de Subsahariens" fuient leurs pays c'est dû à la féroce exploitation coloniale f Lire la suite

  • Mohamed Koulibaly : « J’ai préféré élever mes enfants en Algérie plutôt qu’en France. »

    Merveilleuse Algérie

    mitraille

    28/02/2025 - 07:08

    Super .On souhaite un long séjour à cet homme chanceux qui a trouvé dans ce pays des gens aimants Lire la suite

  • Les "De souche" critiquent la notion de "Peuple premier"

    SA KI MARION TALA ?

    Albè

    27/02/2025 - 21:33

    An zonbi kolonialis oben ki sa ?

    Lire la suite
  • Les "De souche" critiquent la notion de "Peuple premier"

    vèglaj

    Daniel

    27/02/2025 - 16:42

    Marion pli malin ki sa.
    I ka fè wòl pa ka konprann "décolonisation".
    Lire la suite

  • Les "De souche" critiquent la notion de "Peuple premier"

    CERTES !

    Albè

    27/02/2025 - 14:17

    Mais les Caldoches doivent accepter d'être un PEUPLE SECOND ou alors récemment arrivé et donc ne Lire la suite