Aucun créoliste n'a jamais prétendu que la question du créole est la plus importante de la Martinique

   Quand on voit le déchaînement de critiques et de vociférations déclenchées par le vote de la co-officialisation du français et du créole par la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), l'hystérie même de certains anciens ou actuels membres du PPM, un observateur étranger pourrait se demander si notre "petit rien ellipsoïdal" (Aimé Césaire) ne serait pas au bord de la Révolution. 

   Or, il n'en est évidemment rien ! Cette hystérie, accompagnée d'une certaine malhonnêteté intellectuelle, est simplement révélatrice de l'état de déboussolage dans lequel ont fini par sombrer les Martiniquais après trois-quarts de siècle de "départementalisation-régionalisation-territorialisation". Autrement dit de 1946, notre péché originel, à 2023, notre punition, non pas divine mais civilisationnelle. A notre échouage en tant que peuple alors que partout ailleurs dans le monde, des pays de taille et de population comparables aux nôtre sont parvenus, non sans difficultés certes, à se frayer une voie qui leur est propre : Barbade, île Maurice, Cap-Vert, Seychelles, Sainte-Lucie etc...

   Car il faut vraiment être un peuple en voie de déliquescence pour que tant d'hystérie puisse être déclenchée par une décision (la co-officialisation du créole et du français) qui n'affectera ni les millions de subventions européennes accordées aux grands planteurs békés ni les 40% des fonctionnaires ni le RSA des classes dominées. Ni l'allocation-parent isolé ni l'allocation-chômage non plus. Co-officialiser le français et le créole n'a rien de révolutionnaire ! Il s'git d'un banal geste de réparation historique : donner enfin sa dignité à un idiome qui fut des siècles durant le seul et unique moyen d'expression des esclaves nègres et des immigrants indiens. La Martinique n'est, en effet, devenue vraiment francophone qu'à compter des années 60-70 du siècle dernier. Il n'y a donc pas très longtemps !

   N'ont-ils donc pas honte ces descendants de Neg-Kongo et de Kouli-mandja qui, en méprisant la langue de ces derniers, leur crachent au visage en fait ? Zot pa wont ? 

   Que l'acquisition du français vous ait permis d'échapper au travail de la canne ou de la banane, au travail sous le soleil du carême, au fruit-à-pain et à la morue et aux sandales en plastique, OK ! Mais cela ne vous donne pas le droit de mépriser tout cela tout en exagérant la portée d'une simple mesure de réparation. D'autant plus que ceux qui travaillent sur la langue créole depuis un demi-siècle n'ont jamais prétendu que la question du créole est la plus importante de la Martinique. Ils ont juste fait leur boulot sur le plan linguistique tout comme le médecin, l'agriculteur, l'avocat, le chef d'entreprise, l'artiste ou le sportif  l'ont fait dans leurs domaines respectifs. RIEN DE PLUS !

   Les créolistes ne sont pas des imbéciles : ils savent comme tout un chacun que la seule question importante, la seule question qui vaille s'agissant de leur pays, est celle de la RESPONSABILITE POLITIQUE. Peu importe la forme que prenne cette dernière : autonomie au sein de la République française ; statut d'état associé ; indépendance etc...

   Ils savent que sans cette responsabilité, tout ce qu'il est possible de faire, c'est de colmater des brèches, ce dont relève, par exemple, cette décision de co-officialisation du français et du créole. 

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