Le Paris des Années folles est souvent regardé comme un lieu d’échanges nombreux, de rencontres multiples, de brassages les plus divers : cette ville a vu s’installer dans ses murs des écrivains américains de la « génération perdue », tels que Hemingway, Gertrude Stein, Francis Scott Fitzgerald, elle a permis l’accomplissement de l’école de Paris, qui regroupa alors les peintres les plus divers comme Foujita, Chagall, Soutine et bien d’autres. Ce Paris de l’après-guerre permit, aussi, à des Antillais de participer à leur manière à cette fête artistique qui caractérisa le Paris des années vingt, comme l’a si bien décrit Hemingway dans Paris est une fête.
Ce lieu, ce fut le Bal Blomet situé au 33 de la rue Blomet, dans le quinzième arrondissement de Paris, à la lisière de Montparnasse, alors le cœur battant de la bohème artistique et littéraire.
Trois personnages sont évoqués dans le roman avec beaucoup de tendresse et d’empathie de la part de l’auteur : Anthénor Louis-Edmond, un vétéran de la Bataille des Dardanelles, Frédéric Clerville, jeune mulâtre, fils d’un avocat de Fort-de-France en rupture avec sa famille, et Élise, domestique d’anciens colons.
Que viennent-ils chercher au Bal Blomet ? Des instants de détente, des moments de fête, l’oubli de leur quotidien, marqué par la dureté de leur travail, les rappels de leur couleur de peau, la nostalgie de la Martinique, quittée pour des raisons très différentes. Ils vont y écouter la biguine, cette nouvelle musique venue des Antilles, et danser au son de la mazurka, à la recherche de sensations, ou de l’amour vrai.
À travers eux, Raphaël Confiant restitue l’importance de la couleur de la peau dans la hiérarchie sociale de la Martinique, alors encore largement sous statut colonial, en dépit de l’abolition de l’esclavage intervenue au XIXe siècle : « Aux Békés, les plantations de canne, les usines à sucre et les distilleries de rhum ainsi que les commerces de gros ; aux Mulâtres, la médecine, la pharmacie, l’enseignement et le droit ! Quant aux Nègres, aux Indiens, Chinois et autres Levantins, il ne les évoquait jamais ».
Ce qui frappe dans le roman de Raphaël Confiant, c’est l’impossibilité apparente pour ces personnages d’échapper à leur condition, à leur destin. À peine entrevoient-ils une possibilité de se solidariser avec leurs frères afro-américains, eux aussi présents à Paris dans les lieux de la bohème, et s’efforçant d’échapper à la ségrégation raciale alors en vigueur aux Etats-Unis : « Tout ce que Paris comptait d’Antillais, pour beaucoup ouvriers ou femmes de ménage, plus une poignée de petits-bourgeois mulâtres, affluait au Bal Blomet (…) Le Bal Blomet était devenu une réplique en miniature des Antilles, le seul endroit où l’on pouvait se permettre de n’être plus sur ses gardes ».
Le Bal de la rue Blomet a un grand mérite : il illustre le point de vue d’une communauté autrefois dominée et discriminée, par des références au passé de cette île, à l’histoire de la France métropolitaine. Il resitue également la place et le rôle de la communauté antillaise dans le Paris des Années folles.
Stéphane Bret
Raphaël Confiant vit en Martinique, où il est né. Il est l’auteur de nombreux essais et romans, notamment Le Bataillon créole, Madame St-Clair, reine de Harlem, Grand café Martinique et La muse ténébreuse de Charles Baudelaire.
"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite