Ceux qui n’ont que le RSA pour survivre dans le viseur du gouvernement

Karl Paolo

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La période des vacances est parfois mise à profit par les gouvernements lorsqu’ils souhaitent faire adopter des textes législatifs qui, dans d’autres circonstances ou à d’autres moment de l’année, auraient pu soulever quelques protestations.

 

Ainsi, pendant que les martiniquais avaient la tête complètement absorbée par le 42ème tour cycliste de Martinique et suivront, sans doute avec la même passion, la 37ème édition du Tour des Yoles Rondes qui débutera le 30 juillet prochain, la troisième étape de la réforme du marché du travail était lancée.

 

De quoi s’agit-il ?

Dans quelques mois et en tout cas, au 1er janvier 2024, les martiniquais auront affaire à un nouvel organisme. Personne n’y a prêté vraiment attention, et pourtant !!!

 

En effet, le texte, adopté en première lecture par le Sénat le 11 juillet dernier est désormais transmis à l’Assemblée nationale. La mesure phare du projet concerne Pôle Emploi et sa transformation en France Travail.

 

Officiellement, il s’agit de rapprocher l’agence de tous les autres organismes publics intervenant sur l’accès à l’emploi (missions locales…), en créant ainsi un guichet commun. Les attributaires du RSA, les personnes en situation d’handicap et les migrants fraîchement arrivés en France seront automatiquement inscrits à Pôle-Emploi/France Travail et signeront un contrat d’engagement.

 

Objectif officieux : accentuer le contrôle sur les demandeurs d’emploi pour pouvoir mieux les sanctionner en diminuant ou supprimant provisoirement leurs indemnités.

 

L’idée de base qui sous tend l’ensemble de la réforme est que les personnes qui ne sont pas en emploi le sont volontairement et que cela leur est possible parce qu’ils reçoivent des allocations. Cette idée stupide est assez fréquemment avalée comme un gombo bien cuit par ceux qui sont du bon coté du manche et qui disposent de revenus confortables.

 

Lors de la réforme de l’assurance chômage, il s’agissait de réduire les allocations de retour à l’emploi pour contraindre ceux qui les perçoivent à accepter n’importe quel travail, même moins qualifiés et moins rémunérés que celui qui était le leur avant d’être au chômage.

 

Cette fois, la cible désignée est constituée de tous ceux qui, ne parvenant pas à trouver un vrai emploi leur permettant de vivre, même chichement, se sont retirés du marché du travail et perçoivent un revenu de solidarité, le RSA par exemple. Accusés de couter, selon les propos d’Emmanuel Macron, « un pognon de dingue » et accessoirement, ils sont taxés d’être des « fainéants se contentant d’être tranquillement assis chez eux à regarder la télé plutôt que de chercher du travail ».

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de faire des économies sur le dos des plus pauvres à qui on demande, c’est devenu une habitude, toujours plus de sacrifices.

 

« Lè ou piti, fout ou ka pran fè »

 

Ainsi, le RSA, pourtant conçus comme un droit à un revenu minimal garanti, bien au-dessous d’ailleurs du seuil de pauvreté, devrait devenir, une fois la loi adoptée, un revenu conditionné par une activité, exercée à temps partiel, le plus souvent précaire, et aboutissant à un revenu net disponible inférieur au RSA.

 

Or il n’y a jamais eu pour les bénéficiaires l’obligation de devoir automatique et systématique d’être en recherche d’emploi, c’est-à-dire de se retrouver en situation de se voir proposer une offre d’emploi et dont le refus pourrait conduire à une radiation. Le RSA, comme l’a été le RMI, est d’abord un revenu de solidarité, qui a pour objet de garantir à tout citoyen une assistance pour survivre – on ne peut pas dire autrement quand on n’a que 600,00€ par mois.

 

On passe donc d’un droit à un revenu minimum d’existence – droit social acquis à tout citoyen dans un objectif de lutte contre l’extrême pauvreté – à une prestation dont la conditionnalité est renforcée par la possibilité pour le nouvel opérateur, France Travail, de prendre la main sur les sanctions de suspension de l’allocation.

 

La plupart de ceux qui font valoir leurs droits au RSA sont confrontées à des difficultés qui nécessitent un accompagnement social bienveillant, sur le temps long, tourné vers la résolution de leurs problèmes – logement, santé, mobilité, garde d’enfants, illettrisme, illectronisme, etc.

 

Contrairement à ce que prétend le gouvernement et les nantis qui le soutiennent, la demande de RSA résulte bien souvent d’un échec de l’accompagnement par Pôle emploi pour une réinsertion durable. Rendre obligatoire et automatique l’inscription à France Travail ne résoudra absolument rien.

 

Mais le but d’Emmanuel Macron n’est pas de proposer un emploi adapté aux besoins, aux compétences et aux aspirations de ceux qui sont les plus délaissés. C’est d’imposer des emplois difficiles, mal payés et en horaire décalés, à des personnes en difficulté en mettant la pression mise sur les plus précaires.

 

Il s’agit aussi de fournir aux entreprises une main d’œuvre, mise en situation d’accepter n’importe quel emploi et d’éviter que les employeurs n’aient à augmenter les salaires.

 

Et puis, mais on le verra, dans un prochain article, cette réforme permettra d’accélérer la privatisation du service public de l’emploi qui sera contraint de confier massivement à des entreprises privées à but lucratif, la gestion des demandeurs d’emploi. Le rapporteur de la loi, le député LaREM, Marc Ferraci, témoin de Macron à son mariage, est d’ailleurs en plein conflit d’intérêt.

 

Les 36 000 martiniquais qui bénéficient du RSA doivent donc s’attendre au pire !

 

Notons que lors de son passage au Sénat, nos deux parlementaires, Catherine Conconne et Maurice Antiste ont voté contre le projet de loi du gouvernement ! Merci à eux.

 

A la CTM en revanche, c’est silence radio.

Personne apparemment ne suit donc les débats parlementaires, et alors que la CTM est gestionnaire du RSA, ses principaux dirigeants sont muets sur cette question. Quand se réveilleront-ils ? Dans 10 ans, sans doute !

 

Mais il est vrai que, depuis qu’un drapeau RVN a été adopté par une cinquantaine d’élus territoriaux, tous retraités ou bien installés dans la vie, cumulant une rémunération ou une retraite confortable avec des indemnités d’élus, garnissant un compte en banque avec des montants à 5 chiffres, tout va très bien.

Mais qui représentent-ils ? Les titulaires du RSA ? Non ! les chômeurs non indemnisés ? Non ! Les salariés précaires avec 800,00€ par mois, ? Non ! Les ouvriers et les salariés en bas de l’échelle, pas plus.

Alors, pourquoi cette réforme les générait ?

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