CHLORDÉCONE : ENTRE « RÉVÉLATIONS » MESQUINES ET AUTOFLAGELLATION

A l'heure où la situation est gravissime s'agissant du scandale du Chlordécone puisque les juges d'instruction sont en voie de prononcer un non-lieu, certains ne trouvent rien de mieux à faire que de s'attaquer à l'une des associations pionnières qui, en 2007, avait porté plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui et empoisonnement".

Ses détracteurs avancent que ce n'est pas "POUR UNE ECOLOGIE URBAINE" qui s'est portée partie civile la première en 2007 mais l'ASSAUPAMAR, cela 3 semaines avant. Comme si on était dans une course de gamins dans une cours de récréation du CM1 !

Or, POUR UNE ECOLOGIE URBAINE n'a jamais prétendu l'avoir fait avant tout le monde d'autant qu'un an auparavant, en 2006 donc, quatre associations guadeloupéennes avaient déjà porté plainte.

Sinon, faut-il rappeler à ceux qui ont pris le train en fin de marche la chronologie du combat contre ce dangereux pesticide ?

La voici :  

  • En 1974 : les OUVRIERS DE LA BANANE dans le Nord de la Martinique se mettent en grève pour exiger une augmentation de salaire et dénoncer l'usage sans protection (gants, masques etc.) de divers pesticides parmi lesquels le Chlordécone. Grève noyée dans le sang par la soldatesque coloniale : deux morts et une dizaine de blessés.
  • Années 80/90 : l'écologiste Pierre DAVIDAS alerte régulièrement dans l'hebdomadaire ANTILLA contre l'utilisation massive du Chlordécone.
  • Mai 2000, Paris, Assemblée Nationale – Question écrite d’Alfred MARIE-JEANNE suite aux conclusions du rapport Mestre-Balland (1998). Le député de Martinique demande de faire respecter la règlementation sur les produits phytosanitaires et d’instaurer un laboratoire d’analyse techniquement performant afin de réaliser un maximum de contrôles et de remédier à la faiblesse des données épidémiologiques.
  • Années 2000 : des associations écologistes en Martinique (notamment l'ASSAUPAMAR) et en Guadeloupe dénoncent l'usage du pesticide
  • 13-14 octobre 2000 – Martinique 3èmes journées de l’Écologie Urbaine. Interpellation du Pr André PICOT, Toxicochimiste, Directeur de recherche au CNRS, sur les fortes concentrations de Chlordécone dans l’eau du robinet à l’issue d’un exposé d’Eric GODARD de la DSDS (ex-DDASS)
  • En 2002, Martinique - L’association « POUR UNE ÉCOLOGIE URBAINE » remet à Pierre SAMOT, député de Martinique, une proposition de Résolution visant à la constitution d’une Commission d’enquête parlementaire sur le Chlordécone et autres pesticides.
  • En 2004 : Louis BOUTRIN, dans son livre "Au-delà de discours. Une volonté pour le pays Martinique", consacre un chapitre à la question des pesticides dans l’eau potable, pointant du doigt le Chlordécone
  • En 2006 - Guadeloupe : 4 associations soutenues par une trentaine d’avocats portent plainte pour mise en danger d’autrui et administration de substance nuisible.
  • En Février 2007 :  Louis BOUTRIN et Raphaël CONFIANT publient deux ouvrages sur le Chlordécone, (Chronique d'un empoisonnement annoncé – Le Scandale du Chlordécone aux Antilles françaises, et Chlordécone : 12 mesures pour sortir de la crise (octobre 2007), organisent une conférence de presse à l'Assemblée nationale en compagnie des écologistes français, Nicole LEPAGE et et Alain LIPIETZ. Les deux écologistes martiniquais sillonnent la Martinique du nord au sud pour alerter la population et faire prendre conscience de la gravité de la situation sanitaire du pays et ce, à l’époque, dans l’indifférence la plus totale des nouveaux convertis. 
  • En 2007 : Martinique : l'ASSAUPAMAR (mai 2007) et POUR UNE ECOLOGIE URBAINE (1er juin 2007) déposent une plainte en justice.
  • En 2019 : après avoir ignoré, voire nié la question du Chlordécone et moqué les militants qui dénonçaient cet empoisonnement, le député Serge LETCHIMY prend la tête d'une Commission d'enquête parlementaire qui débouche sur 49 propositions. De son propre aveu, ces préconisations tardent à être mises en œuvre.
  • En janvier 2021 : Après quinze ans d’instruction, les deux juges parisiens en charge du dossier auditionnent enfin les parties civiles et annoncent qu'elles vont clore ce dernier pour une prétendue prescription. Immédiatement après, le Procureur de Paris annonce dans une interview qu’il considère la prescription acquise dès le dépôt des plaintes en Guadeloupe et en Martinique.
  • En février 2021, énorme manifestation contre le Non-lieu à Fort de France à l’appel d’un Collectif d’associations où l’on retrouve « Pour une Écologie Urbaine »
  • En avril 2021, de nombreuses parties civiles dont « Pour une Écologie Urbaine » écrivent aux juges pour contester la prescription et réclamer la prise en compte de nouvelles infractions dont le crime d’empoisonnement.
  • Vendredi 24 juin 2022, les 5 avocats de la défense d’Ecologie Urbaine rendent publique leur demande d’actes dont les témoignages d’ouvriers et d’exploitants agricoles prouvant que le Chlordécone a été utilisé en Martinique au vu et au su de toutes les autorités de 1993 à au moins 2004. Ces témoignages visent et citent des propriétaires d’habitations et des responsables de SICA qui ont stocké et ordonné l’utilisation de Curlone après son interdiction.

Voici donc ce court et non exhaustif rappel.

Où est donc ce crime de lèse-majesté commis par Pour une Écologie Urbaine, association parmi les pionnières dans la lutte contre l’empoisonnement au Chlordécone ?

En réalité, ECOLOGIE URBAINE n’a pas à en rougir de ce qu’elle a fait, souvent seule, et l’assume.

Nul doute qu’à l’instar des 15 parties civiles représentées par pas moins de 17 avocats, il y eut des erreurs ou contretemps. Mais seul, celui qui ne fait rien ou regarde ailleurs ne commet d’erreurs.

En pareille circonstance, il importe de se demander s’il fallait répondre à des « révélations » aussi mesquines qu’insignifiantes ou si le véritable auteur de cette « illumination » est digne d’intérêt ?

Au-delà du profil narcissique du personnage, nous nous devons de faire une telle mise au point pour favoriser l’éthique du dialogue et éviter ainsi cette épidémie de fakes news virales au parfum pimenté qui se propage sous nos latitudes.

Le respect de la souffrance des centaines d’ouvriers de la banane nous l’impose. Le quotidien des milliers de Martiniquais qui vivent dans l’angoisse des complications éventuelles de cette contamination en fait une exigence supplémentaire.

En final de compte, nous ne saurions accepter qu’au moment où le peuple martiniquais est en pleine lutte pour obtenir justice et réparation, certains ne trouvent rien d’autres à faire que de semer la division et jouer au jeu de l’ennemi. Il faut diviser pour exonérer le maître de toute responsabilité !

Tant pis pour eux : Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt.

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