Décembre 1959 : un incident de ville de garnison qui a dégénéré.

Yves-Léopold MONTHIEUX

« Décembre 1959, témoignage d’un lycéen », c’est le titre de l’opuscule que votre serviteur publiera prochainement. Il démontrera la légèreté de la relation qu’en font les historiens des faits et dénoncera l’instrumentalisation politique de ceux-ci. Présent lors du premier jet de pierres, vers 18 heures, sur la place de la Savane de Fort-de-France, il a quitté les lieux à 19 heures 30, montre en main, après qu’un caillou destiné à l’hôtel L’Impératrice est venu terminer sa course à ses pieds, au bas de la rue Lamartine.

Ainsi donc, les jours prochains on assistera à la resucée habituelle de la présentation révolutionnaire des évènements des 20, 21 et 22 décembre 1959. C’est vrai, une simple bagarre dont les appelés du contingent seraient à l’origine ne serait pas conforme à l’esprit du récit national né du « 22 mai 1848 », date redécouverte et reconfigurée par l’historien communiste Armand Nicolas. Aussi, l’un de ses disciples en mission est allé jusqu’à affirmer que les soldats se promenaient en civil sur la Savane, faisant fi des témoignages contenus dans son propre livre d’historien. Les témoins font clairement état de la participation aux troubles de ces militaires que le préposé ne veut pas voir. On se demande bien comment ces témoins auraient pu les distinguer dans la foule bigarrée autrement que par leur uniforme. Bref, l’élément militaire a donc été absent des travaux de la commission Stora dont faisait partie le professeur martiniquais.

Reste que Benjamin Stora n’est pas dupe de la manœuvre « décembriste » qui consiste, au motif de meubler le roman national, à transformer un incident fortuit en une émeute politique. Par-delà l’euphémisme, c’est ainsi qu’il faut lire la conclusion de l’expert : « On peut tout de même souligner que la mort les a inscrites dans un destin paradoxal : chaque famille voudrait, en effet, que son fils, son frère, son cousin, ne fût pas un émeutier, alors que l’action militante des années 1970 fera de « Marajo, Rosil et Betzi des révolutionnaires héroïques ». (…) « La littérature décembriste a donc cherché (sic) à les héroïser : les inscrivant dans une dramaturgie révolutionnaire, elle en a fait des anticolonialistes prenant les armes contre le colonialisme français ».

La commission Stora ne pouvait pas mieux illustrer la pratique qui consiste à écrire l’histoire martiniquaise à partir d’un cahier des charges dicté par les politiciens.

Fort-de-France, le 16 décembre 2022

Yves-Léopold Monthieux

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