La faim ne vaut pas les moyens

Patrick Chesneau

   Un cas d'école. Pas de prix étudié pour les étudiants. Pour eux, le repas à 1 euro...c'est non. Ainsi en a décidé une poignée de législateurs trop fins gourmets pour goûter aux vicissitudes de la vie réelle. Celle que connait une large proportion de leurs pourtant concitoyens. 

   Élus sans doute amateurs invétérés des politiques dites de restrictions. La soupe gouvernementale est de cette aune... Sorte de brouet indigeste piqueté d'un soupçon d'acidité. Les décisions de l'Assemblée Nationale peuvent, à l'occasion, avoir un arrière-goût très amer de défaite morale. Au point de friser l'indécence. Un élu, un seul, à coup sûr repu de bien-pensance, aura suffi à faire négativement la différence au moment d'un vote crucial. Sujet en débat : le statut étudiant et les conditions financières afférentes. Pour certains députés jamais dépités, consentir un tarif taille fine pour budgets universitaires un peu trop malingres n'est autre qu'un souci infinitésimal. Surtout ne pas s'encombrer de préoccupations humanistes.

   Résultat des courses ( ticket de caisse exigé ): le rejet de la proposition de loi, soutenue par la NUPE NUPES NUPS,  instituant l’accès de tous les étudiants à des repas valant un euro. Repoussée à une voix près mais seul le résultat compte. Un non vraiment non voté par des gens au pécule mensuel de plus de 5.000€. Grand bien leur fasse. Là n'est pas le problème. Mais leur niveau d'émoluments ne les exonère pas d'une mesquinerie budgétaire caractérisée. Argument populiste ? Dans le cas d'espèce, peut-on souligner la totale déconnection qui prévaut entre les élites et les rejetons du peuple.

  Terrain de jeu idéologique : la vie ordinaire. Les vérités criantes du concret.

  Au moins, dans cette enceinte de la représentation nationale, une certaine logique de confort nutritionnel est scrupuleusement respectée. La cantine du Palais Bourbon ne propose rien d'autre qu'un régime de bonne chère un tantinet dispendieuse. Ce n'est certainement pas là que l'on pourrait trouver des gueuletons allégés à 1€ destinés à des députés subitement contraints de se serrer la ceinture. Scénario purement hypothétique et fictionnel, on se rassure, car ici pas de nécessiteux. Pour le reste, rappelons que le ventre, quand il est vide a pu être dans l'histoire de l'humanité, le moteur de révolutions intestines. Des régimes finissants mal en point, contestés en place publique, se sont ainsi laissés dévorer. Les considérations de garde-manger peuvent être un élément déclencheur, sorte de hors d'oeuvre dans un banquet où les convives ne sont pas à égalité. C'est le menu lutte des classes...

   Il suffit que frappe la disette dans une société trop inégalitaire. Opulence des uns en contraste saillant avec la misère des autres. En attendant de passer, un jour, au plat de résistance, contestons dès à présent l'ordre établi au profit exclusif des plus nantis. Quitte à être punis par la vindicte des possédants. Privés de dessert les vilains prolos ! Face à cette morgue sociologique, il convient de refuser les miettes restantes. Non à la politique du reliquat et de la portion congrue pour les néo-déclassés. Remarques démagos ? En tout cas, la crise ne change pas le paradigme alimentaire des quelques élus arborant avec insolence une panse pécuniairement bien garnie. En contrepoint, que dalle pour ceux qui ont la dalle. A la fin des faims, les étudiants dénutris, pardon démunis devront se contenter d'un repas par jour comme ils sont bien obligés de le faire depuis un bail. Se souvient-on ? L'a-t'on suffisamment dit et répété, ils ont fait partie de ces populations qui ont morflé pendant les trois années de crise sanitaire. Privés des petits boulots qu'ils exerçaient usuellement pour pouvoir financer leur cursus, ils ont enduré une période de vaches maigres devenues faméliques. Rognant dramatiquement sur les dépenses de nourriture. Le tout aggravé par un confinement mortifère. 

   Dans les faits, un isolement prolongé à l'origine de graves cas de détresse et de moult troubles psychologiques. A-t'on oublié la galère de tant de jeunes pendant la pandémie ?  Période close certes.  Néanmoins la paupérisation est toujours d'actualité pour cette génération. Donc, les députés ont proclamé leur opposition au repas à 1 €. Ce qui pour beaucoup des premiers concernés équivaut à l'obligation d'une sustentation quotidienne unique. Mais de quoi se plaindraient-ils, ces cerveaux en gestation ? Le plat du jour sera chaud. Alors, les ronchons au placard ! 

   Ce tarif avantageux de 1 € est actuellement garanti aux seuls étudiants boursiers et aux personnes en situation de précarité. Il ne sera pas étendu, en ces temps de macronie parcimonieuse pour les uns quand le " quoi qu'il en coûte " devient le " quoi qu'il en coule " abondamment déversé sur d'autres. Et les subsides d'état généreusement alloués à ceux dont la raison d'être est la maximisation des profits. Logique comptable, à défaut d'empathie sociale. 

Petit message entre la poire et le fromage...Etudiants affamés, la nation compte quand même sur vous. Un ventre creux n'est pas un nid de poule. Merci d'éviter le syndrome du jamais comblé jamais content. En conséquence, vous êtes invités à mettre les bouchées doubles pour permettre à la France, votre pays nourricier, de combler son retard économique.

   Sachez-le... à toutes faims utiles.

 

Patrick Chesneau

Commentaires

Pour tous ?

certes

13/02/2023 - 18:51

Comme l'article l'indique, des étudiants renoncent à un repas dans la journée pour des raisons financières. Pour les aider, il est possible d'augmenter les aides dont ils peuvent bénéficier (comme les bourses) ou subventionner les repas à l'Université pour que ceux-ci soient moins chers.
Le Gouvernement a choisi cette deuxième voie, en mettant en place des repas à 1 euro dans les restaurants du CROUS pour les étudiants boursiers.
Pendant la pandémie, le dispositif a été étendu à tous les étudiants.
La pandémie terminée, il ne concerne plus que les boursiers et les étudiants non boursiers en difficulté financière grave.
Certains élus PS auraient voulu que le repas à 1 euro continue d'être assuré aux étudiants non boursiers, quelle que soit leur situation financière.
C'est ce que l'Assemblée a refusé, le repas à 1 euro demeurant acquis aux boursiers ou non-boursiers en difficulté financière grave.
L'Assemblée ne pénalise donc pas les plus démunis mais ne croit pas devoir subventionner les autres.

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