Qui se souvient encore de l'époque où si vous deviez aller de Fort-de-France au Marin, voire plus loin dans le sud, vous deviez traverser au beau mitan de pas moins de quatre communes : Ducos, Rivière-Salée, Sainte-Luce et Rivière-Pilote ?
Elle n'est pourtant pas si loin que ça : les années 1970-90.
A l'époque, ces centre-bourgs ou centre-villes, si l'on veut, étaient animés, vivants. Ils étaient le coeur battant desdites communes : magasins, petits restaurants, gares de taxis, marchés etc... Et puis, la route droite, la Grand'Route est venue et cette étincelle urbaine s'est peu à peu éteinte. Il en va tout autant dans le nord : si vous partez de Fort-de-France, plus besoin de traverser ni Le Lamentin ni le Robert ni Trinité ni Sainte-Marie. Puis, au fil des années, à la Grand'Route s'est ajouté le Grand Supermarché ou le Grand Centre Commercial, tous érigés à la périphérie des communes en question. Les Martiniquais, séduits à la fois par la facilité de s'y garer aisément (et gratuitement) ainsi que par une offre commerciale diversifiée au sein d'un même espace, s'y sont rués.
La Grand'Route et le Grand'Centre Commercial ont fini par asphyxier le coeur battant de nos villes et communes.
Il ne s'agit pas du tout d'un phénomène propre à la Martinique. On le retrouve partout dans le monde dit "développé", capitaliste, dont, qu'elle le veuille ou non, celle-ci est partie prenante, même si elle veut encore se croire rurale, authentique, "nègre" etc...comme tentent de le faire croire pathétiquement nos artistes, nos écrivains, nos militants politiques et associatifs. Oubliant ou feignant de ne pas voir qu'à la Grand'Route et au Grand'Centre commercial s'est ajouté une autre épée de Damoclès : le Grand'Immeuble. Le rhum Dillon existe encore mais qui se souvient que la plaine de Dillon était un vaste champ de canne à sucre aux portes de Foyal ?
Grand'Route, Grand'Centre Commercial, Grand'Immeuble. Tout cela dans un Petit Pays. Une tête d'épingle comme on dit dans le dialecte local, lui aussi en voie de dépérissement avancé. An tet zépeng !
Nous y avons vu, pour la plupart d'entre nous, l'accès à la Modernité (tournée en dérision sous le nom de "Modernation" par les rares esprits encore lucides) sans comprendre qu'il s'agissait du simple placage d'un aménagement du territoire propre aux grands pays riches. Ce mimétisme a parfois tourné au burlesque tel cet établissement scolaire du sud, construit dans les années 70-80 dans lequel on aperçoit d'énormes tuyaux qui traversent les murs et plafonds des salles de classe : tuyaux qui, dans un pays au climat tempéré, servent de système de chauffage lorsque l'hiver est là. Mimétisme architectural confinant au grotesque mais qui se voit aussi dans nos Grand'Immeubles bardés de systèmes de climatisation, non seulement nocifs à terme pour la santé de leurs occupants mais aussi aggravant notre dépendance énergétique.
Tout cela a fini par éteindre à petit feu notre Capitale, Fort-de-France ou Foyal.
Aujourd'hui, elle est l'agglomération la plus impactée par tous ces Grand'Machins alors qu'une capitale est censée être la vitrine d'un pays. Pouvait-elle résister à cette "modernation" ? Evidemment NON ! Non seulement, elle n'avait pas la main s'agissant de la construction des Grand'Routes, Grand'Centre Commerciaux et Grands'Immeubles, mais elle a dû surtout se préoccuper de l'arrivée de dizaines de milliers de "migrants de l'intérieur", toutes ces campagnards qui fuyaient l'effondrement de l'industrie sucrière et de la "Société d'Habitation". Elle a dû, Foyal, les accueillir, sans en avoir les moyens, à Trénelle, à Volga-Plage, à Bord de Canal ou à Texaco. Cela dans l'indifférence totale de la puissance de tutelle à savoir l'Etat français, mal disposé, il est vrai, à l'égard d'une municipalité autonomiste. Qui se souvient qu'à cette époque, "autonomiste" avait le même sens qu'"indépendantiste" aujourd'hui ? La Droite assimilationniste était encore puissante et les mouvements indépendantistes étaient à peine naissants. Aimé Césaire, maire de Foyal, était qualifiée par elle de "séparatiste", d'"anti-français" et la mot "largage" était abondamment répandu par cette même Droite, celle qui avait annoncé, en 1981, que si jamais François Mitterand était élu, les Martiniquais perdraient automatiquement Sécurité Sociale, Retraites, 40% des fonctionnaires etc... Au soir de la victoire de celui-ci, on avait même vu le sénateur de Droite Edmond Valcin s'effondrer en larmes sous l'oeil des caméras de télévision !
Tout ceci pour dire que l'espèce de campagne de presse (écrite, télé et Internet) qui se développe depuis quelque temps pour décrire Fort-de-France comme une "ville moribonde" est d'une malhonnêteté crasse.
Il s'agit en fait d'une sorte de pré-campagne électorale en vue des municipales qui auront lieu l'année prochaine. Rien d'autre ! Et dire cela n'est pas du tout prendre parti pour le PPM qui tient les rêves de Foyal depuis bientôt trois-quarts de siècle mais de démasquer celles et ceux qui cherchent à l'en évincer sans présenter aucun programme concret visant à contrer les effets néfastes de la Grand'Route, du Grand'Centre Commercial et du Grand'Immeuble. Et cela pour une raison fort simple : il n'y en pas. Ou plus exactement, un tel programme ne pourrait exister que dans une Martinique qui prendrait en mains ses propres affaires. Et qui surtout s'inspirerait de ce qui se fait dans les îles environnantes. Tous les Martiniquais se rendent, par exemple, à Barbade et ils voient très bien que sa capitale, Bridgetown, n'est pas "moribonde" du tout. En fait, si le PPM est responsable de quelque chose c'est de n'avoir pas fait avancer la revendication d'Autonomie d'un demi-millimètre chaque fois qu'il était au pouvoir à l'ex-Conseil Régional ou à l'actuelle CTM. C'est aussi d'avoir envisagé trop tard ce qu'il avait appelé une taxe de centralité en faveur de Fort-de-France. Taxe qui se justifierait par le fait que tout le monde "descend en ville", que chaque jour des milliers de Martiniquais foulent le sol de Foyal et que par conséquent, la ville devrait compenser financièrement cet "envahissement" quotidien. Sauf qu'à l'époque où cette idée fut formulée, presque plus personne déjà ne..."descendait en ville" ! Grand'Route, Grands'Centres Commerciaux et Grands'Immeubles avaient commencé depuis longtemps à rendre inutile cette déambulation journalière. Aujoud'hui, plus personne n'a forcément besoin de se rendre à Foyal sauf les classes populaires des quartiers foyalais lesquelles classes ne disposent pas des moyens de "faire vivre la ville" selon la formule consacrée. D'où l'échec du Centre Commercial Perrinon censé redynamiser le centre-ville ! D'où la fermeture en cascade des magasins et autres commerces ! Sans les immigrés haïtiens qui en reprennent certains (sous l'oeil, hélas, haineux de nombre de Martiniquais), Foyal ne serait pas moribonde. Elle serait morte et enterrée depuis longemps.
L'électoralisme ambiant ne "sauvera" pas Fort-de-France.
Faut-il en évincer le PPM ? Certainement OUI, mais à une condition. Une seule : que les repreneurs de cette entreprise en quasi-faillite nous présentent un programme crédible, détaillé, chiffré de réanimation de l'En-Ville. Car tout a déjà été essayé : rue piétonne, réhabilitation d'immeubles en état d'abandon manifeste, Centre Perrinon, réaménagement de La Savane, création d'un quartier "bobo" (rue Garnier Pagès), Malecon, Tour Lumina, Maison des Etudiants etc...
Tout cela sans résultat probant !
Ils s'attaquent maintenant aux sportifs :C'EST VOLONTAIRE. Lire la suite
A défaut d'être assidu, je suis un lecteur régulier de ce site ainsi que de feu son prédécesseur. Lire la suite
...disait que, vu le manque de poisson Mquais mis sur le marché local, il suffirait d’importer ma Lire la suite
Cela fait déjà 17 ans qu'un supermarché béké vend des ignames plantées sous serre dans le Loiret. Lire la suite
Bientôt les Mquais ,tout fiers, importeront les avocats ,les bananes et peut-être les goyaves de Lire la suite