Elle était une enfant pauvre, sortie d'école à 14 ans, dans la région de Lyon. Aujourd'hui, Marie-Claude Lovisa est pourtant reine en titre, au Togo, dans l'Ouest de l'Afrique. Récit d'un formidable destin, fruit de son investissement exceptionnel auprès des habitants de son propre village. Découverte sur le plateau de "Vous êtes formidables", sur France 3
« Ma reine ! » C’est ainsi qu’il convient d’appeler Marie-Claude Lovita, intronisée reine le 7 novembre 2004, à l’occasion d’une cérémonie grandiose, dans le sud du Togo. Elle a choisi le nom de «Mawulolo 1er », qui signifie « Dieu est grand » en éwé, la langue locale. On la surnomme plus communément « la reine blanche ».
Et pourtant. Rien ne destinait cette femme, lyonnaise, divorcée et mère de deux enfants, à vivre un tel destin dans ce pays qui compte 6 millions d’habitants. Avec beaucoup de recul sur son titre, elle préfère dire qu’elle entend plutôt « Marraine ». « Il y avait beaucoup d’enfants autour de moi. Lorsqu’ils m’appelaient, c’est comme si j’étais leur marraine. »
Désignée par 11 chefs togolais, Mawulolo 1er règne désormais sur un ensemble de 17 villages. « Les gens ont voulu se rapprocher de moi pour obtenir de l’aide, et pour que j’aide leurs enfants en terme de scolarité », explique en toute modestie cette fille de garde-champêtre, dans la Drôme. Marie-Claude a quitté l’école à l’âge de 14 ans, pour aller travailler à l’usine. « J’avoue que, lorsque je suis devenue reine, cela m’a fait sourire. J’ai pensé à papa », sourit-elle. Elle est ensuite devenue ingénieure informatique, puis directrice de formation en bureautique.
Lorsqu’elle a été intronisée, en 2004, la reine blanche a compris quelle tâche immense l’attendait. « J’ai accepté tout en sachant que cela allait me demander beaucoup d’abnégation. Beaucoup de travail, aussi. Mais j’en avais déjà fait pas mal, étant au Togo depuis 1998. »
Marie-Claude Lovisa est reine au Togo depuis 2008 • © france tv
Retour en arrière. Cette année-là, Marie-Claude part là-bas tout simplement retrouver une amie, pour fêter son anniversaire à Lomé, la capitale. « Au départ je savais tout juste où cela se situait. Quand j’y suis arrivée, j’ai eu envie de découvrir…. » Elle part alors dans les terres, retrouver des sœurs sur le plateau de Dayes. Et c’est une rencontre particulière qui va faire basculer son destin. « Il s’est passé un truc assez magique. J’ai connu Akossiwa, une gamine de 8 ans qui pleurait parce qu’elle voulait partir avec moi. »
Dans ce tout petit endroit, est né une centaine d’enfants
Marie-Claude lui promet de revenir. « Pour moi, c’était un engagement, au-delà de la simple promesse. » Un mois plus tard, elle est effectivement revenue avec 250 kilos de bagages et… un chien pour les sœurs. Son investissement va progressivement prendre de l’ampleur. « J’ai repris une école qui devait fermer, et je me suis occupée de développement. J’ai acheté un terrain dans la brousse, et c’est là que mon histoire a vraiment débuté. »
Avec un ami pharmacien, et doyen de la faculté de pharmacie de Caen, elle monte une case de santé. « Dans ce tout petit endroit, est né une centaine d’enfants », commente-t-elle. Tout cela se déroule au cœur du village créé de toutes pièces grâce à son énergie, et qui porte désormais son nom : Lovisa Kopé. « Des infirmières venaient faire des stages de plusieurs mois pour faire fonctionner cette case. » Ce qui permet alors de créer une visite médicale pour les enfants.
Sur place, en arrivant, la future reine découvre des habitants en difficultés. « D’abord, il y avait des inégalités à l’école, où on voyait beaucoup plus de garçons que de filles. On a rétabli la parité. Mais il n’y avait rien. Pas de bureaux, pas de cahiers. Les parents ne pouvaient pas acheter la tenue obligatoire. L’école était même payante à l’époque. Quand je suis arrivée, il y avait uniquement cette école sous paillotte, d’initiative locale, qui devait fermer. »
Elle décide donc de la reprendre. En quatre années, l’école passe de 70 à presque 400 élèves. « Il fallait payer les enseignants, faire en sorte que tous les enfants aient du matériel scolaire, et régler les problèmes sanitaires, comme la présence de teigne. » Aujourd’hui, l’école est devenue publique, l’Etat ayant repris le relais.
durée de la vidéo : 53sec
avec Yannick Kusy • ©france tv
Lorsqu’elle est arrivée dans son futur village, il n’y avait ni eau, ni électricité, ni téléphone. « Je faisais 10 kilomètres pour appeler mes enfants ou maman », se souvient-elle. « J’ai fait installer quatre forages dans les villages. On a dû créer une piste. Je me revois encore au bord de la piste, avec des troncs d’arbres, pour veiller à ce qu’elle soit bien droite, par maniaquerie », s’amuse la reine.
J’ai fait ce que je sentais utile de faire
Elle est partout, et ne compte plus ses efforts : « J’avais deux appartements à Lyon, que j’ai vendus. Avec cet argent, j’ai pu créer le village et aidé beaucoup de personnes. » Un destin incroyable, où rien n’est vraiment prémédité. « J’ai fait ce que je sentais utile de faire. Cela s’est fait avec mon cœur et le soutien d’amis, qui étaient très admiratifs. Moi, je trouvais cela normal. »
Un destin « normal » qu’elle lie à son enfance, et à son parcours personnel. « Papa était cantonnier et garde-champêtre. Maman ne travaillait pas. J’ai donc bien connu les difficultés pour se soigner, pour aller à l’école… Plus tard, j’ai dû passer mon bac en rattrapage à 39 ans. Divorcée, j’ai dû m’occuper de mes deux enfants… »
Au Togo aussi, Marie-Claude a vécu beaucoup d’épreuves marquantes. « Notamment, lorsque j’ai fêté mon troisième anniversaire d’intronisation, un accident de voiture s’est produit. Il y a eu 14 morts et 23 blessés à proximité de chez moi. Quand j’ai vu la manière avec laquelle ils avaient, malheureusement allongé les cadavres sur le bord de la route, j’ai compris qu’ils allaient transporter ces corps comme ça. Je suis vite allée chercher les nappes des tables utilisées la veille pour couvrir ces personnes. »
D’une manière générale, la reine Mawulolo 1er estime qu’elle tout simplement…osé. « Aller demander au ministre des armées de faire venir des salles d’opération pour soigner pas moins de 500 hommes souffrant de hernie scrotale, une maladie très répandue là-bas. Oser demander au ministre concerné que l’école devienne publique.»
Son aventure est une « école de patience », qu’elle estime largement récompensée, par « la gentillesse des Togolais. Il fallait voir la façon dont ils avaient envie de s’impliquer avec moi », précise-t-elle. Sans oublier tous ces écoliers, dont elle a amélioré le destin. « Ce sont tous mes enfants. Aujourd’hui, je suis ravie de savoir que beaucoup d’entre eux ont un vrai métier. Il y en a un qui a fait un master en biologie et analyse médicale, un autre est devenu ingénieur en climatisation. Un de mes filleuls vient de passer une licence… » Une grande fierté pour cette « marraine »
Dans le village qu’elle a créé, la reine blanche possède son palais. Malheureusement, elle n’y vit plus. Depuis trois ans, Marie-Claude est revenue en France pour faire face à des soucis de santé personnelle, aggravés par le Covid et une mauvaise chute. Elle garde tout de même le contact avec ses sujets. « J’ai la chance d’avoir une amie qui, elle-aussi, est tombée amoureuse du Togo et qui s’est installée à côté de mon village », assure-t-elle. « Je suis donc là-bas intellectuellement, si je ne suis pas physiquement. Et je continue à assurer le salaire des quatre personnes qui travaillent avec moi là-bas. »
Plusieurs de ses amis souhaiteraient aujourd’hui racheter Lovisa Kopé. « C’est un grand domaine. Il comprend neuf constructions, dont le palais, qui est une maison de plus de 200 mètres carrés. Ils pourraient prendre le relais et faire d’autres choses là-bas. On peut y recevoir des gens, faire des séminaires, et poursuivre ce que j’ai initié. »
Mais attention. Si le domaine est bien à vendre, le titre royal ne l’est guère. « Le titre de Reine, on l’a à vie », rappelle Mawulolo 1er.
REPLAY VIDEO : Voir l'intégralité de l'émission "Vous êtes formidables" avec Marie-Claude Lovisa
PODCAST : écouter l'interview de la reine Mawulolo 1er
La reine Mawulolo 1er, alias Marie-Claude Lovisa, a financé la scolarisation de centaines d'enfants togolais • © france tv
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite