Inde : l'hindouisme suprématiste de Narendra Modi tenu en échec

   Il est parfaitement compréhensible que les lointains descendants des travailleurs sous contrat indiens arrivés aux Antilles à compter de 1853, après l'abolition de l'esclavage donc, aient une vision idyllique de l'Inde. La même vision que les descendants d'Africains ont du continent noir. 

   Cela est compréhensible mais...

   Cela doit-il nous dispenser de jeter un oeil sur la vraie Inde, celle d'aujourd'hui, et surtout sur la politique de son président Narendra Modi, promoteur de la supériorité de l'hindouisme dite "Hinduvta" ? Cette idéologie consiste à diaboliser et parfois à terroriser les Indiens de religion musulmane et chrétienne en organisant de véritables pogroms dans les régions où ces deux minorités sont nombreuses. Fort heureusement, un coup d'arrêt a été mis il y a quelques jours à l'omnipotence du BSP, le parti de Modi, qui vient de perdre la majorité absolue au parlement alors qu'il avit déployé des moyens considérables pour faire taire les partis d'opposition.

   En clair, Modi s'est pris une claque. Et pourquoi ? Parce qu'il a échoué à rassembler tous les hindouistes dont une bonne moitié sont des Dalits ou Intouchables. Autrement dit des gens appartenant à des castes inférieures, surexploitées, méprisées et qui ont peu de chance d'échapper à leur condition. Des coalitions locales d'Intouchables, de Musulmans et de militants d'extrême-gauche ont réussi l'impensable lors de ces législatives : obliger Narendra Modi à composer avec des partis qui ne partagent pas son idéologie afin de pouvoir se constituer une majorité au parlement.

   Or, l'ambassadeur de l'Inde est en visite ces jours-ci en Martinique et en Guadeloupe pour promouvoir la "Carte de Citoyen Indien d'Outremer" laquelle permet aux descendants d'Indiens à travers le monde de visiter l'Inde sans demander de visa et d'y résider sans carte de séjour. Que certains de nos politiques s'associent à cela témoigne soit de leur ignorance crasse de l'idéologie de Modi soit d'un opportunisme politicien de mauvais aloi. En effet, cette "Carte" aura des effets dévastateurs dans les pays de la Caraïbe et d'Amérique du Sud où le nombre d'Indiens est très important : Trinidad-et-Tobago, Guyana et Surinam. Pays où règne une forte conflictualité entre Noirs et Indiens et qui sont en train difficultueusement de tenter de la dépasser pour construire une unité nationale. Or, faire une double allégeance à l'un ou l'autre de ces trois pays et à l'Inde ne pourra à terme qu'entraver ladite unité et pousser les Noirs à en faire de même en demandant au Nigeria ou à l'Afrique du Sud, par exemple, de créer une "Carte de Citoyen Africain d'Outremer". 

   Que les descendants d'Africains et d'Indiens soient attachés aux continents de leurs ancêtres, qu'ils s'efforcent d'y diffuser la culture de ces derniers est une excellente chose, mais que cela se traduise en termes politiques, en termes de citoyenneté d'Outremer, est extrêment dangereux. Cela ne peut qu'attiser les divisions qui existent déjà entre Trinidadiens noirs et Indiens, Guyaniens noirs et indiens et Surinamiens Noirs et Indiens. Qu'en Martinique et en Guadeloupe on semble approuver cela en recevant en grandes pompes l'ambassadeur de l'Inde en France, bien évidemment nommé par Narendra Modi, témoigne de l'inculture de nombre de nos politiques antillais. 

   Et puis, les Indiens qui durent quitter leur pays à compter de 1853 n'étaient pas des fils de maharadjahs !

   Ils étaient pour l'écrasante majorité des Intouchables autrement dit des basses classes, opprimées jusqu'à aujourd'hui.

   Sinon, le terme colonialiste d'"Outre-mer" devrait être banni qu'il soit utilisé par les Occidentaux ou les pays Ex-colonisés. On est citoyen de son propre pays ou de celui qu'on a choisi comme pays ou encore que l'histoire nous a imposé comme pays, mais nous ne sommes, qui que nous soyons, les Ultramarins de personne. Sinon, pourquoi les Australiens, les Néo-Zélandais, les Blancs américains et les Canadiens anglophones ne sont-ils pas des "Citoyens d'Outre-mer" de l'Angleterre ?

Commentaires

Pas si simple

Popotte

04/09/2024 - 10:25

Peu nombreux, au moins dans les territoires français d'outre mer, sont les descendants des travailleurs indiens qui ne soient pas un tant soit peu métissés.
Il y a des descendants d'Indiens très métissés qui n'ont d'indien que leur nom et leur généalogie évidemment mais pas très visible.
Il y a des antillais qui physiquement ressemblent a des Indiens mais qui n'en sont pas.
Je connais des métis qui ont hérité de la peau brune d'un des parents (donc noir) et de la chevelure plus ou moins lisse de l'autre ( parfois bien blanc). Le tout ensemble "fait Indien" .
Il y a des "chapé-cooli" qui ne connaissent pas leur père, donc ne peuvent justifier de leur ascendance indienne de façon officielle.
Donc, en deçà des conflits patriotiques, racistes et autres, quels seront les critères de sélection? Des tests génétiques devront-ils faire foi???

IL SERAIT TRES DIFFILE...

Albè

04/09/2024 - 11:48

...à quelqu"un comme, par exemple, Marie-Jeanne de prouver son africanité. Mais ce n'est pas du tout une question de couleur de peau ou de tests génétiques comme vous le croyez mais de filiation. Si un Martiniquais ou un Guadeloupéen parvient à prouver qu'il descend 'un lointain ancêtre venu de Pondichéry ou de Karikal, il peut tout à fait postuler pour cette sorte de deuxième nationalité. Le problème posé dans cet article, me semble-t-il c'est de savoir si au lieu de construire une unité au sein de chaque pays caribéen, cela ne contribuera pas à l'empêcher ou en tout cas à la retarder.

Dissociation

Popotte

05/09/2024 - 15:53

J'ai bien compris la raison d'être du billet du jour mais je m'en détache pour me placer "en deçà".
Compte tenu du métissage existant aux Antilles, que fera t-on pour les métis indiens ou ceux présentant simplement le phénotype indien, s'ils ne détiennent pas des preuves tangibles de leurs liens avec l'Inde?
Quand on ignore qui est son père ou que l'on est né sous X mais que visiblement on présente des similarités physiques avec les Indiens et qu'en plus on se sent attiré par la culture indienne, peut-on être écarté d'un trait de plume d'une reconnaissance?
C'est cela, la question que je pose.
Concernant Alfred MARIE-JEANNE, fût un temps et encore maintenant , dans les familles arlésiennes (les Anses d'Arlet), il y a avait plein de métis dans son genre. Outre le fait qu'ils étaient mélange de blancs et de noirs, mais ils avaient également une ascendance amérindienne.

CHOIX PERSONNEL

Albè

05/09/2024 - 18:38

Ce projet de Citoyenneté Indienne d'Outremer résultera d'un choix individuel. Cela n'a aucun caractère d'obligation. En fait, ce que recherche président indien, c'est moins d'attirer des sans-le-sou que des investisseurs, des chefs d'entreprise, voire des milliardaires d'ascendance indienne, fut-elle lointaine. Un petit agriculteur indien de Capesterre-Belle-Eau ou de Basse-Pointe n'a guère de chance d'obtenir ce précieux sésame.

Connexion utilisateur

Commentaires récents