L'île aux leurres : enfumage (pseudo-)écolo, enfumage noiriste, enfumage jeuniste, enfumage méchenchoniste (1è partie)

   Le regretté céramiste et caricaturiste Sinaray avait remplacé l'expression "Martinique, îles aux fleurs" par l'expression "Martinique, île aux leurres". C'était dans les années 80 du siècle dernier à une époque où pourtant les enfumages n'étaient pas aussi divers et variés qu'en ce début du nouveau millénaire. 

   A compter des années 2000, il apparait que désormais "les leurres" ont définitivement remplacé les "fleurs" dans ce qu'Aimé Césaire qualifiait tendrement de "plus petit canton de l'univers". La Martinique est même carrément devenue l'île aux enfumages. Ils sont si nombreux qu'on ne peut pas les passer tous en revue et nous zapperons, par exemple, l'enfumage religieux à savoir toutes ces sectes et sous-sectes protestantes qui fleurissent aux quatre coins de notre île comme des champignons après la pluie. Nous nous contenterons d'examiner les quatre plus dangereux enfumages qui se développent tranquillement sans qu'aucun intellectuel martiniquais n'ose les pointer du doigt à la fois par peur de se faire lyncher sur les réseaux sociaux et parce qu'il faut être aimé à tout prix par "le peuple". 

   Annnou gadé sa titak !

 

   __l'enfumage (pseudo-) écolo :

 

       . LES FAITS : Dès février 1974, une partie des revendications des ouvriers de la banane en grève (grève qui s'est terminée dans le sang) concernait l'usage des pesticides. Ensuite, dans les années 80, Pierre Davidas a mené une véritable campagne contre ces derniers, notamment dans l'hebdomadaire ANTILLA. Puis, en 2006, des associations écologistes comme l'ASSAUPAMAR et POUR UNE ECOLOGIE URBAINE ont porté plainte en justice. En 2007, les écologistes L. Boutrin et R. Confiant ont organisé une conférence de presse en pleine assemblée nationale pour dénoncer l'usage du chlordécone en compagnie des députés français Corinne Lepage et Alain Lipietz, puis ils publièrent deux ouvrages : Chronique d'un empoisonnement annoncé (février 2007) et Chlordécone : 12 mesures pour sortir de la crise (septembre 2007). A partir de 2010, les anciens ouvriers agricoles et leurs familles se sont regroupés dans des collectifs visant à mettre l'Etat français et les gros planteurs békés devant leurs responsabilités. 

 

n

 

       . L'ENFUMAGE : s'il ne s'agissait pas d'une affaire de la plus haute gravité, ce serait à rouler par terre de rire. En effet, aussitôt le scandale sur la place publique soit 12 ans après qu'il ait été dénoncé, on a vu toutes espèces d'opportunistes (politiciens, syndicalistes, intellectuels, journalistes etc.) qui ne s'étaient jamais intéressés au chlordécone voler dessus comme des mouches sur du kaka-bef. S. Letchimy, chef du PPM, qui avait nié l'empoisonnement en 2007, va déclarer en 2018 qu'il s'agit d'un "scandale d'Etat". Il poussera même le bouchon plus loin en se faisant nommer président d'une commission d'enquête parlementaire qui n'a auditionné aucun Béké mais qui en plus n'avait aucun sens puisque suite aux plaintes des associations écologistes, l'instruction était en cours et que dans le système français, le pouvoir politique ne peut interférer dans les affaires judiciaires.  Quant à Marcellin Nadeau, maire d'une commune de 1449 habitants, la plus endettée, la plus délabrée et la plus pauvre de la Martinique, il prendra sans rire un "arrêté anti-chlordécone" alors que, toujours dans le système français, ce genre d'arrêté n'entre pas dans les prérogatives des maires. Sans même parler du fait que personne n'avait jamais entendu Nadeau jusque-là sur le chlordécone. Des sites-web, qui eux non plus ne s'étaient jamais intéressés au chlordécone vont en faire un véritable arme anti-béké sans doute pour se donner bonne conscience à peu de frais et évidemment, les noiristes, dont nous parlerons plus bas, en feront des tonnes pour montrer qu'ils sont les champions du monde de la lutte anti-chlordécone. Résultat des courses : tout cela a abouti d'abord à une grande manifestation de 10.000 personnes à Fort-de-France (beaucoup parmi elles étant venues rattraper le carnaval qui n'avait pas eu lieu à cause du covid) et trois mois plus tard à une deuxième manifestation au Lamentin qui n'a recueilli que 1.000 personnes soit dix fois moins ! Cet opportunisme tous azimuts s'agissant du chlordécone est l'une des causes de l'échec du combat contre ce pesticide, chacun voulant tirer la couverture à soi (en plus des politiques dont nous avons parlé, ce fut aussi le cas de divers syndicats) alors même que la plupart sont arrivés très tardivement dans ce combat. Là, on se dirige, hélas, vers un non-lieu... 

 

      . l'enfumage noiriste : 

 

   __LES FAITS : il ne fait aucun doute que la part africaine de la culture martiniquaise a toujours été sous-évaluée, rejetée, méprisée même, cela par les classes békée et bourgeoise de couleur. Le tambour fut ainsi longtemps considéré à l'instar du bèlè, comme des pratiques de "vieux Nègres". Aimé Césaire et sa Négritude se sont employés pendant un demi-siècle à lutter contre cet ostracisme, non seulement à travers des oeuvres littéraires mais aussi par le biais du SERMAC (Service Municipal d'Action Culturelle) qui jusqu'à aujourd'hui se bat pour la revalorisation de notre part nègre et africaine. Avec un indéniable succès ! C'est même sans doute la seule chose positive que les historiens de demain retiendront de l'action du PPM pendant près de trois-quarts de siècle. Sinon l'influence des Noirs américains, de la musique jamaïcaine et du rastafarisme ont également contribué, surtout dans les jeunes générations, à approfondir ce travail de reconquête de la part africaine de nous mêmes.

 

   __L'ENFUMAGE : revaloriser notre africanité ne veut pas dire retourner en Afrique. Aimé Césaire n'était pas sur les mêmes positions que Marcus Garvey et les théories afrocentristes qui s'inspirèrent de la pensée du Jamaïcain. Il voulait, selon sa propre expression, "domicilier l'Afrique aux Antilles" c'est-à-dire tout mettre en oeuvre pour que la part africaine de notre culture soit la plus valorisée, la plus magnifiée que possible. Or, on assiste depuis quelques années à un étrange phénomène qui s'il ne concertait que des jeunes de 15-30 ans ne serait pas grave : des quinqua-sexa-septuagénaires qui se sont subitement mis à se déguiser en Africains, délaissant le combat national, la lutte pour la souveraineté nationale de la Martinique au profit d'une idéologie vaseuse qui mêle Toutankhamon, Haïlé Sélassié, Marcus Garvey, Thomas Sankara etc... Ces gens se sont employés à diaboliser le terme "créole" alors même que dans l'esprit des promoteurs de la Créolité, il ne vise qu'à désigner un enracinement, une autochtonie, dans cette île que nos ancêtres arrosèrent de leur sang et de leur sueur pendant trois siècles et qui est désormais LA LEUR avant d'être celle des Békés. Ce qu'il y a de plus grave dans cet enfumage "noiriste" c'est qu'il ne propose aucune solution concrète, aucun moyen de sortir de l'état dans lequel s'est embourbée la Martinique. Et dès lors, il ne constitue aucunement un danger pour l'Etat français qui se fiche pas mal qu'on casse des statues ou vandalise des monuments aux morts tant que le premier mot d'ordre des déboulonneurs n'est pas "Indépendance". Si nos afrocentristes étaient sérieux, au lieu d'invoquer les ancêtres dans des cérémonies semi-vaudoues au son du tambour, ils seraient bien inspirés de constituer une délégation qui irait voir les chefs d'Etat africains ex-colonisés par la France afin de leur demander de faire réintégrer la Martinique dans la liste des pays à décoloniser de l'ONU. A ce moment-là, oui, ce serait du sérieux. A ce moment-là, oui, l'Etat français s'inquiéterait. Ensuite, nos afrocentristes demanderaient à ces mêmes états africains de faire l'UA (Union Africaine), qui compte 53 pays, voter une résolution demandant à l'ONU de voter ladite réintégration sur ladite liste. A ce moment-là, la France s'inquiéterait. Au lieu de cela, nos noiristes préfèrent demander des réparations pour l'esclavage qui n'ont de sens que pour un pays indépendant. Car, si jamais un jour un jour l'Occident versait ces réparations, les Barbadiens mettront l'argent à la National Bank of Barbados, mais cet argent ira où en Martinique ? A qui le remettra-t-on ? Au Préfet ? Au Président de la CTM ? A l'Archevêque ? Aux noiristes ? A la Banque alimentaire ? Voici ce qui s'appelle mettre le cabrouet avant les boeufs ! Et enfumer les gens...

 

   Tout comme l'enfumage (pseudo-)écolo, l'enfumage afrocentriste ne contribue qu'à embrouiller les esprits, à permettre soit à des petits malins, des opportunistes, des profiteurs du système en place, complices objectifs des Békés, de vivre grassement soit à des "débiélé" de s'imaginer que leurs ancêtres leur parlent depuis l'au-delà et peuvent venir les aider à se libérer du joug français. 

 

   (A suivre)

Commentaires

Non !

Rose

19/06/2022 - 00:47

Contrairement à ce que vous dites ,les manifestants de février 2021 à Fdf n'étaient pas venus pour "rattraper le carnaval"; d'ailleurs on se demande quels éléments vous permettent de dire ça .Il n'y eut aucun débordement carnavalesque ou agitation malsaine ,mais des milliers de manifestants organisés derrière des banderoles claires et extrêmement conscients de la gravité de la situation. .

Complices objectifs

Rose

19/06/2022 - 20:26

Faut pas oublier un groupe très important et "complices objectifs des Békés" auquel on ne pense pas souvent. C'est la classe moyenne mquaise (fonctionnaires ,profs libérales ,employés y compris les petits employés aux yeux plus gros que le ventre et qui veulent eux aussi consommer encore plus que les autres etc..) Ce groupe surconsommateur pathologique qui achète TOUT ce qu'il consomme des mains des Békés l'enrichissant ainsi toujours plus. Si pa té ni soutirè pa téké y ni volè !! Il leur achète produits alimentaires ,automobiles ,4X4,meubles, électroménager et surtout les dernières terres agricoles fertiles des premiers pour y construire quoi ?........les sales villas ostentatoires qu'ils aiment tant ,leur permettant ainsi de parader ,bouffis d'orgueil auprès des parents et amis. Békés et classe moyenne sont structurellement liés.

Complices objectifs!!!! Des noms, des noms, des noms SVP

Karl

20/06/2022 - 20:05

Il est aisé de dénoncer des complicités dites objectives : "la classe moyenne martiniquaise (fonctionnaires ,profs libérales ,employés y compris les petits employés aux yeux plus gros que le ventre et qui veulent eux aussi consommer encore plus que les autres etc..)"
Pour que chacun sache à quoi s'attendre 'un peloton d'exécution???) en qui d'accession de votre sensibilité au pouvoir, ne pensez-vous pas que quelques noms auraient été les bienvenus, pris au choix parmi des actifs ou des retraités de l'éducation nationale, de France Télécom (Orange), de Pôle-Emploi, du Barreau, de collectivité locale … (excusez-moi de ne pas citer tout le monde)???

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