Martinique : la bien curieuse attitude de l'Amère-patrie

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   Tout observateur un tant soit peu attentif ne peut qu'être circonspect devant l'attitude du gouvernement français face aux événements qui secouent la Martinique depuis bientôt deux mois.

   En effet, ce gouvernement semble avoir d'autres chats à fouetter que l'île aux fleurs (fanées).

   A y regarder de plus près, on est contraint de se demander si ladite situation ne l'arrange pas en fin de compte. Pourquoi ? Pour les deux raisons principales ci-après :  

 

   . la revendication des manifestants à savoir l'alignement des prix des produits alimentaires sur ceux de "la Métropole" est purement économique, voire alimentaire quand on entend des phrases comme "On veut manger comme les Français de l'Hexagone". Il ne s'agit aucunement d'une revendication politique et les mots "autonomie" et encore moins "indépendance" sont totalement absents des revendications pourtant bruyamment exprimées et appuyées par des barrages routiers réguliers. 

 

   . le mouvement des Aligneurs de Prix sur "la Métropole" a tétanisé, sidéré, la classe politique, syndicale, intellectuelle, artistique et religieuse de la Martinique. Cette classe a été incapable de voir venir cette sorte de tsunami social et s'est déconsidérée. Pire : les tentatives de certains politiciens, syndicalistes etc... de s'accrocher à la caravane, alors même que les Aligneurs de Prix ont déclaré urbi et orbi ne pas vouloir voir leur gueule, est pathétique. Lamentable même ! Cette classe de sexa-septua-octogénaires devrait, si elle avait le moindre kaka-bò-zié, démissionner de tous ses postes électifs et laisser latjé pwel la à la nouvelle génération des quadragénaires. 

 

   Alors, le gouvernement français attend de voir venir. Il temporise. Cela est tout bénef pour lui à bien regarder !

   En fait, quand on cesse d'avoir le nez sur l'actualité et qu'on jette un regard en arrière, on s'aperçoit de quoi ? Ceci : il y a presqu'un demi-siècle que la France n'utilise plus la force en Martinique. La dernière fois c'était en... 1974, lors de la grande grève des employés de la banane dans le Nord qui avait vu des gardes-mobiles abattre froidement certains d'entre eux. Depuis lors, il y a eu ZERO MORT lors des différents mouvements sociaux qui ont agité la Martinique, zéro mort causé par les forces dites de l'ordre. En plus d'un mois de grève en Février 2009, aucun ! Lors des émeutes contre la vaccination-Covid qui avaient secoué le quartier de Sainte-Thérèse, aucun non plus ! Et depuis deux mois, ces jours-ci, que se multiplient barrages, incendies, pillages etc..., aucun (à la date d'aujourd'hui en tout cas) ! 

   Cette attitude passive depuis presqu'un demi-siècle, à l'opposé de celle, féroce, qui avait cours avant 1974, ne peut pas ne pas interroger. Elle ne peut en aucun cas être mise sur le compte d'un subit respect des "droits de l'homme". Surtout qu'en France, la violence policière est monnaie courante : affaire Adama Traoré, Gilets Jaunes, affaire Nahel etc... On ne compte pas le nombre de Gilets Jaunes éborgnés ou gravement blessés pendant leur révolte ou les actions brutales contre les agriculteurs qui menaçaient d'investir Paris avec leurs tracteurs. Rien de tout cela en Martinique où ceux qui fulminent contre le retour des CRS sont dans une posture purement démagogique. Car enfin, qu'un manifestant soit tué par un policier, un gendarme ou un CRS, quelle est la différence ? Tout ce que les forces de l'ordre "colonial" font jusqu'à la date d'aujourd'hui c'est de se plaindre, dans des communiqués laconiques, qu'on leur tire dessus à balles réelles et qu'elles ont eu une vingtaine de blessés dans leurs rangs à ce jour. Rien de plus comme réaction.

   Vous avez dit bizarre ? 

   On est dès lors obligé de se poser des questions. Par exemple : est-ce que la France n'aurait pas l'intention ou le désir de se retirer de la Martinique ? Car la classe dirigeante française sait pertinemment que le discours habituel (d'origine gaulliste) selon lequel elle aurait besoin de l'Outremer pour être présente sur les cinq continents ne tient plus la route. Ni l'Allemagne ni l'Angleterre n'ont de territoires d'Outremer et pourtant elles devancent largement la France dans le classement des dix pays les plus développés du monde. La Russie, la Chine et l'Inde non plus n'en ont pas ! Et en Corée du Nord, Kim Jong Un n'a pas besoin de colonies pour lancer des missiles capables de frapper la côte Ouest des Etats-Unis. Elle en lance régulièrement qui survolent le Japon avant de, volontairement, s'écraser dans l'Océan Pacifique.

   Bref, aujourd'hui, être un Etat puissant ne nécessite plus d'avoir des colonies en Outremer. 

   Qu'on ne nous fasse pas croire que les élites dirigeantes françaises ne le savent pas ! Celles-ci n'espéreraient-elles donc pas secrètement que l'actuel mouvement réclamant l'alignement des prix sur "la Métropole" se métamorphose brutalement__suite au décès d'un ou plusieurs manifestants, par exemple__en mouvement réclamant l'autonomie et peut-être même l'indépendance ? 

   Comme ça, elle se retirerait sans avoir à nous rembourser les 211 années (1635-1946) pendant lesquelles elle s'est enrichie sur le dos de nos ancêtres esclaves, les 78 années (1946-2024), depuis la loi de Départementalisation de 1946, ne pouvant absolument pas représenter un quelconque solde de tout compte.

   A voir...

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