L’article « L’aménagement du créole doit-il s’accompagner de « l’éviction de la langue française en Haïti » ? » (Robert Berrouët-Oriol, Le National, 10 mai 2022) expose que « Le « monolinguisme de la surdité historique » est (…) un monolinguisme de l’enfermement idéologique sur les plans patrimonial, littéraire et juridique. De la sorte, il promeut auprès de l’ensemble des locuteurs haïtiens une sorte de demi-citoyenneté, et c’est également sur ce registre qu’il faut situer son opposition au partenariat créole-français ainsi que son incapacité à œuvrer à la didactisation du créole et à l’élaboration d’outils didactiques et lexicographiques de haute qualité scientifique en créole. » Dans le même article, il est précisé que « Le statut et le rôle des langues dans l’apprentissage scolaire en Haïti constituent un sujet majeur de société et ils ne doivent pas être traités de manière biaisée et selon les paramètres réducteurs et aveuglants de l’enfermement idéologique qui caractérise les discours propagandistes des Ayatollahs du créole. » Cette manière d’éclairer le noyau central du discours des « créolistes » fondamentalistes sur la question linguistique haïtienne doit être davantage explicitée afin de conforter la nécessité du recours aux sciences du langage pour mieux apprécier les enjeux d’un débat qui se situe à la croisée de la linguistique, de la didactique et de l’éducation. Le présent article présente les assises de la néologie scientifique et technique en langue créole au titre, d’une part, d’une activité scientifique au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti et, d’autre part, au titre d’une indispensable mise à distance des mirages du « monolinguisme de la surdité historique » en Haïti. Il en fournit des pistes analytiques avec, en toile de fond, l’idée qu’un débat public actualisé, qui n’est pas réservé aux seuls linguistes, est en lien direct avec les multiples défis de la scolarisation d’environ deux millions d’écoliers haïtiens majoritairement unilingues créoles.
Le fil conducteur de cette réflexion est qu’il faut plus que jamais aujourd’hui en Haïti, aux côtés des linguistes et en direction des enseignants et de lectorats divers, plaider pour un recours constant aux sciences du langage et contribuer à la consolidation d’un discours scientifique sur le créole au cœur de l’aménagement linguistique. Il s’agit donc de dépasser et de tenir à distance les mirages du « monolinguisme de la surdité historique » que charrient les discours des « créolistes » fondamentalistes. Aussi, l’exposé des assises de la néologie scientifique et technique en langue créole au titre d’une alternative aux mirages du « monolinguisme de la surdité historique » nécessite en amont, pour les non-linguistes, pour les enseignants et plus généralement pour tous ceux qui s’intéressent à la question linguistique haïtienne, un éclairage sur la notion même de néologie.
Dans une étude d’une grande amplitude analytique, le linguiste-terminologue québécois Jean-Claude Boulanger nous instruit qu’ « On ne peut pas évoquer la néologie d’aujourd’hui sans faire un retour vers le passé pour y découvrir quelques jalons révélateurs. Même si l’appellation néologie a été mise en circulation au milieu du XVIIIe siècle, le phénomène a toujours dérangé, s’insinuant, sous des déguisements divers, dans des discussions approbatrices passionnées tout autant que dans des contestations virulentes et des condamnations sans appel. Selon le Grand Robert (1985), le terme néologie est apparu en 1759 avec le sens, maintenant vieilli, d’« introduction, emploi de mots nouveaux utiles à une langue afin de l’enrichir ». L’acceptation ancienne s’opposait au sémantisme, à valeur péjorative, attribué au mot néologisme, qui dénotait à l’époque une « affectation de nouveauté dans la manière de s’exprimer (...) » (Grand Robert). Le néologue revêtait alors l’habit de la personne qui pratiquait la néologie ou le néologisme (voir le Grand Robert sous néologue). Ainsi, une même dénomination servait à désigner deux occupations, deux thèses très différentes, voire antinomiques, mais rassemblant chacune ses partisans (voir cependant Mercier, 1801, p. VII, qui fait la distinction entre le néologue, qui pratique la néologie, et le néologiste, qui pratique le néologisme). » Précisant sa pensée, Jean-Claude Boulanger note que « la néologie s’est métamorphosée en une institution qui s’érige en puisant à de multiples sources complémentaires. La notion de néologie ne se laisse pas apprivoiser aisément, pas plus qu’elle ne peut se réduire à une peau de chagrin linguistique. Elle participe d’un ensemble interactif et convivial, dans lequel la langue générale et les technolectes ont conclu un pacte qui concrétise la complicité de la société, des fabriquants de dictionnaires, de la politique et, pour la période contemporaine, du vaste secteur, encore imparfaitement décrit, des industries de la langue. » (Jean-Claude Boulanger : « L’évolution du concept de “néologie” de la linguistique aux industries de la langue », dans C. De Schaetzen (dir.), Paris, Conseil international de la langue française (CILF) et Ministère de la communauté française de Belgique, 1989, p. 193-211.)
Dans la mesure où la néologie créole est un champ d’activités relativement jeune, un nombre très limité d’études lui a été jusqu’ici consacré. Pour une histoire datée de la néologie créole, voir la remarquable étude de la linguiste Marie-Christine Hazaël-Massieux, « Prolégomènes à une néologie créole » parue dans la Revue française de linguistique appliquée vol. VII, 2002/1. Voir aussi le « Dictionnaire des néologismes créoles » de Raphaël Confiant, Éditions Ibis Rouge/Presses universitaires créoles, 2000. Les études suivantes peuvent également être consultées : « Stratégies d’expansion lexicale d’hier et d’aujourd’hui en Guadeloupe et en Martinique : du créole emprunteur au créole constructeur » de Serge Colot, Travaux du GEREC l'Ewop, Potomitan, n.d. ; « L'évolution du lexique dans les créoles à base lexicale française », par Albert Valdman, paru dans « L’information grammaticale », 2000 / 85. Pour accéder à des publications sur la néologie, voir la « Bibliographie de la néologie », par John Humbley, parue dans Neologica / Revue internationale de néologie n° 3, 2009. Voir également l’étude de Jean Pruvost et Jean-François Sablayrolles, « Le néologisme : un concept plurivalent », dans « Les néologismes », chapitre 1, 2012.
Dans son acception courante la plus large, la néologie désigne le processus de création de mots nouveaux, elle est dite néologie spontanée lorsqu’elle est élaborée naturellement par les locuteurs dans la langue générale, la langue de tous les jours. Les locuteurs produisent, selon la grammaire interne de la langue, des mots nouveaux appelés néologismes. La néologie est dite planifiée lorsqu’elle est élaborée par les terminologues-néologues avec la collaboration d’experts de différents domaines scientifiques et techniques. La néologie spontanée intervient dans la plupart des cas quand les locuteurs désirant nommer des réalités nouvelles ou des objets nouveaux dans leur quotidien créent des termes nouveaux ou encore lorsqu’ils font appel à un terme déjà usité dans la langue de tous les jours pour désigner une réalité nouvelle. La néologie spontanée en langue créole illustre et exprime la réalité que le créole, comme toutes les langues naturelles, est une « langue voyageuse » à l’échelle nationale et internationale. Portée par ses locuteurs, elle voyage dans l’espace-temps, d’une zone géographique à l’autre, d’un registre de langue à l’autre : selon ses besoins elle emprunte des mots à d’autres langues, elle en créée de nouveaux afin d’assurer l’intercommunication entre les locuteurs. La langue créole s’enrichit à l’aide de ses mécanismes génératifs internes et/ou sous l’impulsion d’institutions et de l’État s’il y a lieu. Par exemple, le terme créole « adoken », qui désignait à l’origine une brique de ciment utilisée dans le pavage des rues par la juxtaposition de briques de forme unique, a migré dans la langue usuelle vers un champ sémantique élargi pour désigner, en raison de sa forme « adokinée » ou pentagonale, l’unité monétaire de cinq gourdes. Bien installé dans la langue de tous les jours, le terme créole « adoken » désigne désormais deux significations distinctes : (a) une brique de ciment servant au pavage des rues ; (b) la pièce de monnaie de cinq gourdes. L’« adoken » n’a toutefois pas donné suite à des formes dérivées du type « adokinaj », « adokinè », contrairement à la famille de néologismes spontanés créée à partir du radical « petwo ». Issue des grandes mobilisations populaires consécutives à la dilapidation du Fonds vénézuélien d’aide à Haïti dénommé Petrocaribe, la famille de néologismes spontanés créée à l’aide de « petwo + X » (en majorité) ou de « X + petwo » (en minorité) a été étudiée par le linguiste didacticien Fortenel Thélusma dans son article daté du 15 septembre 2018, « Le génie créateur du créolophone haïtien : Petrocaribe et compagnie ». Une version remaniée et davantage argumentée de ce texte figure dans le livre qu’il a publié en 2021 aux Éditions C3, « Pratique du créole et du français en Haïti, entre un monolinguisme persistant et un bilinguisme compliqué ». Issue d’une observation de terrain (radio/télévision, presse écrite et réseaux sociaux), l’étude de Fortenel Thélusma répertorie, en conservant les graphies usitées, les néologismes suivants :
L’appel à des termes français dans la création de ces néologismes à partir du radical « petwo // petro » suggère qu’ils ont été produits par des locuteurs bilingues créole-français, et que leur domaine générique d’appartenance et d’emploi serait la sociologie générale. Par ailleurs il serait intéressant d’établir si des termes comme « Petrodechoukaj » et « Petrorat » ont donné lieu par dérivation suffixale à d’autres éventuels termes, tels que « Petwodechoukè », « Petwodechoukèz » et « Petworatyè ». Le radical « petwo », placé à l’initiale des termes composés, est connu des locuteurs créolophones mais avec un sens différent. Dans la culture populaire, il désigne une danse, la « dans petwo » présente dans le rituel vodou ; ce sens est attesté dans le fameux « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman (Indiana University, Creole Institute, 2007, p. 553).
Dans l’ensemble, la créativité néologique à l’œuvre dans ces différents exemples est de l’ordre de la néologie lexicale spontanée, qui relève d’une activité individuelle et non pas de la néologie planifiée voulue et instituée par l’État aménagiste afin de répondre aux besoins de la communication institutionnelle dans les domaines techniques et scientifiques. La néologie lexicale spontanée émane des locuteurs de la langue qui innovent de façon naturelle dans des actes de communication. Elle a le grand mérite de montrer combien l’activité néologique est une entreprise d’innovation qui fait appel aux capacités génératrices de la langue créole en matière de créativité lexicale puisant aux ressources morphologiques et syntaxiques internes du créole.
Activité scientifique institutionnelle, la néologie est dite « planifiée » lorsque l’État ou une institution qui en a reçu le mandat intervient dans le champ linguistique dans le but de combler des lacunes terminologiques identifiées dans différents domaines scientifiques et techniques afin de promouvoir l’élaboration et la diffusion de vocabulaires spécialisés capables de répondre aux besoins de la communication et aux priorités de la politique linguistique préalablement adoptée. Par exemple, pour les besoins terminologiques d’un programme d’enseignement en créole ciblant le « réseautage informatique », l’École supérieure d'infotronique d’Haïti (ÉSIH) pourrait s’associer à la Faculté de linguistique appliquée, à la NATCOM et à la DIGICEL en vue de produire en créole le vocabulaire spécialisé de ce sous-domaine situé à la confluence du génie informatique, des sciences informatiques, des technologies de l'information et des télécommunications. Dans la perspective d’un futur aménagement linguistique en Haïti, un tel chantier terminologique répondrait aux caractéristiques de la néologie planifiée en raison de son caractère institutionnel, de la mutualisation de son dispositif, de sa méthodologie, de ses objectifs et de ses cibles. Alors même que la néologie spontanée ne s’oppose pas à la néologie planifiée instituée par l’État aménagiste, la mise en œuvre organisée de celle-ci confirme l’orientation interventionniste indispensable de l’État aménageur qui intervient dans les domaines de la communication institutionnelle selon des objectifs préalablement fixés qui déterminent la nature des terminologies scientifiques et techniques à produire en langue créole.
Dans le cas d’Haïti, la néologie planifiée en langue créole destinée à dénommer des objets nouveaux et à établir le vocabulaire des sciences et des techniques particulières lorsque ce vocabulaire n’existe pas encore, s’appuie sur un postulat de base en lien avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 : dans le futur vaste chantier de l’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti, l’État a l’obligation de mettre fin à la minorisation institutionnelle du créole à l’œuvre dans le corps social et notamment dans le système éducatif national.
La néologie scientifique et technique en langue créole, en tant que future activité institutionnelle à situer dans le grand ensemble de l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, se développera à la confluence de la terminologie et de la lexicologie, et elle devra prendre appui sur les travaux pionniers de lexicographie conduits dès les années 1950 par le linguiste Pradel Pompilus. Véritable initiateur de la lexicographie haïtienne, Pradel Pompilus a publié en 1958 un « Lexique créole français » aux Éditions des universités de Paris, ainsi que l’ouvrage « Approche du français fondamental d'Haïti / Le vocabulaire de la presse haïtienne contemporaine » (Centre de linguistique appliquée, Université d'État d'Haïti, 1983). La lexicographie créole au titre d’une activité scientifique spécifique comprend très peu de titres. En raison de son inaccessibilité, il n’est toujours pas possible de déterminer si des productions telles que le « Leksik elektwomekanik kreyòl, franse, angle, espayòl » de Pierre Vernet et H. Tourneux (Port-au-Prince, Fakilte lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti, n.d.) est une production à dominante néologique. En dépit de ses prétentions éditoriales selon lesquelles il comprendrait un nombre significatif de termes techniques et scientifiques, le lacunaire « Diksyonè kreyòl Vilsen » de Féquière Vilsaint et Maud Heurtelou (Éditions Educavision, 1994, 2009) ne constitue pas une production lexicographique à dominante néologique (voir notre article « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen », Le National, 22 juin 2020). Pour sa part, le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », qui prétend « [enrichir] la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique » (…) « [et contribuer] au développement lexical de la langue » créole, ne comprend pas d’unités néologiques au sens strict. Fantaisistes, faux et erratiques, la grande majorité de ses 848 équivalents « créoles » ne sont pas conformes au système de la langue créole et ils demeurent totalement opaques aux locuteurs créolophones (voir notre article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, 15 février 2022). Au chapitre des recherches lexicographiques de terrain menées en Haïti, il y a lieu de rappeler l’importante publication du linguiste Renauld Govain, « Les emprunts du créole haïtien à l'anglais et à l'espagnol » (Éditions L’Harmattan, Paris, 2014). Une prochaine analyse de la typologie des emprunts rassemblés par Renauld Govain saura éclairer la nature néologique ou non des termes retenus.
Futur vaste chantier d’aménagement du créole, la néologie scientifique et technique en langue créole se justifie par ses objectifs, sa méthodologie et sa dimension institutionnelle. Ses objectifs découleront du futur énoncé de politique linguistique de l’État haïtien, sa méthodologie devra être rigoureusement établie pour assurer sa conformité scientifique et formuler les paramètres d’une cohérente politique de l’emprunt lexical. Sa dimension institutionnelle devra mettre en œuvre le maillage des ressources de plusieurs entités telles que la Faculté de linguistique appliquée (il est d’ailleurs hautement souhaitable que celle-ci assure la direction intellectuelle et scientifique des futurs divers chantiers de néologie créole).
Il y a lieu de préciser que la néologie scientifique et technique en langue créole –par l’élaboration de vocabulaires spécialisés en créole et/ou en version bilingue français-créole--, constitue l’une des réponses les plus rigoureuses aux mirages du « monolinguisme de la surdité historique » en Haïti qui se caractérise principalement par le déni du caractère bilingue de notre patrimoine linguistique historique. Ce monolinguisme de l’enfermement idéologique, qui promeut l’idée de l’exclusion du français en Haïti, soutient que le créole est déjà en soi et à priori « une langue scientifique » --« kreyòl pale kreyòl konprann » disent en chœur ses prédicateurs--, et il suffit, par décret volontariste, de l’utiliser tel quel en contexte formel de scolarisation pour que les multiples difficultés d’apprentissage scolaire soient comme par magie résolues dans l’École haïtienne. Il faut donc prendre toute la mesure, sur ce registre, que le « monolinguisme de la surdité historique » évacue la nécessité de la didactisation du créole, il fait l’impasse sur l’exigence de l’élaboration d’une didactique spécifique du créole langue maternelle et il ne plaide pas pour l’élaboration d’outils pédagogiques et didactiques de qualité en créole : en clair, il signifie par là qu’il n’a pas de véritable projet d’aménagement du créole hormis ses homélies « militantes » et ses rituels commémoratifs annuels. Et lorsqu’il se targue de produire des instruments « scientifiques » pour l’apprentissage scolaire en langue maternelle créole, l’on aboutit à une prévisible catastrophe comme on a pu le constater avec « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Robert Berrouët-Oriol, Le National, 15 février 2022).
Il existe des arguments rassembleurs, de nature linguistique et didactique, justifiant la mise sur les rails de vastes chantiers de néologie scientifique et technique en langue créole adossés à un socle méthodologique fortement articulé. Le principal d’entre eux réside dans l’impérieuse nécessité, en lien avec l’article 5 de la Constitution de 1987, de doter le système éducatif haïtien d’outils d’apprentissage de haute qualité scientifique en langue créole (voir notre article « Dictionnaires et lexiques créoles : faut-il les élaborer de manière dilettante ou selon des critères scientifiques ? », Le National, 28 juillet 2020). Pour l’heure, les manuels scolaires en langue créole sont peu nombreux et la plupart du temps leurs auteurs ne disposent pas d’une formation spécifique en didactique générale et encore moins en didactique créole. L’apprentissage des matières scolaires scientifiques et techniques au moyen de la langue maternelle créole a donc besoin de vocabulaires spécialisés pour dénommer des objets et des réalités nouvelles et qui, sur le registre de l’écrit créole, se distinguent terminologiquement et contextuellement du registre oral. La scolarisation en langue maternelle créole –qui fait aujourd’hui consensus parmi la majorité des enseignants haïtiens--, a un impérieux besoin d’outils de référence dans cette langue, et ces outils doivent être rigoureusement élaborés dans un processus modélisé de didactisation du créole, de son passage du registre oral à celui du registre écrit qui fait appel à des normes et à des niveaux de langue distincts. La didactisation du créole est un enjeu majeur de son aménagement dans le système éducatif national, elle est étroitement liée et doit prendre appui sur la néologie scientifique et technique en langue créole : la néologie créole et la didactisation du créole sont au fondement de la scientificité des outils pédagogiques et didactiques de qualité en langue créole dont notre système éducatif a un urgent besoin (voir le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Robert Berrouët-Oriol et al., Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, mai 2021). D’autre part, parmi les arguments majeurs justifiant un méthodique travail de néologie lexicale créole, il y a également la nécessité de traduire en créole, pour répondre aux obligations découlant de l’article 40 de la Constitution de 1987, la totalité des documents rédigés en français et constituant le patrimoine juridique d’Haïti de 1804 à nos jours (l’ensemble des textes législatifs, le Code civil, le Code du travail, les différentes Constitutions, les lois, les décrets-lois, les traités, les conventions, etc.).
Le « droit à la langue » consigné dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996 ainsi que le « Droit à la langue maternelle créole dans le système éducatif haïtien » (Robert Berrouët-Oriol, Le National, 27 août 2019) participent des mêmes conquêtes citoyennes. L’élaboration, en néologie lexicale, de vocabulaires spécialisés en créole et/ou en français-créole, l’obligation constitutionnelle de promulguer tous les documents de l’État dans les deux langues officielles du pays selon l’article 40 de la Constitution de 1987 et l’institution de la néologie créole dans le domaine juridique sont aux avant-postes, font jonction et se situent dans la perspective de la construction d’un État de droit en Haïti. En cela, la néologie scientifique et technique créole doit être conçue et mise en oeuvre au titre d’une avancée citoyenne majeure en vue de l’efficience des droits linguistiques de tous les locuteurs haïtiens.
Arrêtons avec l'idéalisme ! Lire la suite
...oui j'oubliais une chose, importante par les temps qui courent. Lire la suite
... Lire la suite
Albè, quelqu'un a-t-il jamais nié l'existence d'un racisme anti-noir dans le monde arabe ? Lire la suite
Merci Frédéric...
Lire la suite