"Obèse" se dit "Bousouflou" en créole

 Il est nécessaire, voire indispensable de distinguer deux catégories de créolophobes autrement dit de personnes hostiles à la langue créole. 

   D'un côté, il y a un nombre important de personnes victimes du discours et de la politique assimilationnistes qui ont commencé à se mettre en place au lendemain de l'abolition de l'esclavage en 1848. A cette catégorie, il a été dit, répété, martelé même : "le créole n'est pas une langue mais un patois", "le créole n'a pas de vocabulaire", "le créole ne vous servira à rien et maintiendra vos enfants derrière" etc... Les deux premières accusations sont de pures âneries qu'il n'est même pas besoin de commenter. Par contre, la troisième est vraie, certes, MAIS POURQUOI ET DANS QUEL CONTEXTE ?

    A l'abolition, il était tout à fait normal que nos arrière-arrière-grands-parents cherchent à apprendre le français au plus vite dans l'espoir d'être considérés comme des citoyens à part entière comme c'était le cas des Békés et des ex-"Hommes de couleur libres" (pour la plupart Mulâtres). Et pour devenir un citoyen français, la première condition requise (jusqu'à aujourd'hui, en 2024, d'ailleurs !) est de maitriser la langue française. On ne peut donc condamner ces mères qui tançaient leurs enfants de la sorte : "Pa palé kréyol !". Pour que leurs enfants échappent à la malédiction de l'Habitation du Béké, il fallait donc apprendre le français, chose qui n'était possible, dans la seconde moitié du 19è siècle et la première moitié du 20è (cf. La Rue Cases-Nègres de J. Zobel), que par le biais de l'école. Une école française déjà hostile dans l'Hexagone aux langues dites "régionales" que la Révolution française (1789) s'était employée à éradiquer (cf. le rapport de l'Abbé Grégoire sur cette question). 

   Il est donc compréhensible qu'une large fraction de notre société soit devenue créolophobe... tout en continuant à parler créole parce que ne pouvant faire autrement. 

   L'autre faction, heureusement moins nombreuse, de créolophobes n'est, par contre, pas composée de gens du peuple mais de petits-bourgeois lesquels ont émergé de ce même peuple depuis seulement une ou deux générations. Ils croient tout savoir parce qu'ils savent parler français ! Dans cette deuxième catégorie de créolophobes, il faut distiguer les anciens et les nouveaux. Chez les anciens__pour la plupart instituteurs__cette créolophobie partait d'une bonne intention : permettre à leurs élèves d'obtenir au moins le certificat d'études primaires. On ne saurait jeter la pierre à ces éducateurs du peuple ! Par contre, les nouveaux créolophobes, les créolophobes actuels, pour la pluapart blogueurs ou squatteurs de réseaux sociaux sont de parfaites vermines, des enculés, dont le seul souhait est de voir les jeunes Martiniquais transformés en Renois du 9-3. En rappeurs ou en joueurs de foot au service du showbizness européen, voire étasunien. A la limite, pour ces créolophobes 2.0, non seulement le créole est inutile, mais le français lui-même est en passe de devenir ringard et il nous faudrait carrément parler anglais (celui des Black Americans évidemment !). Le noirisme imbécile est d'ailleurs le carburant de ces abrutis.

   Bon... Venons-en au sujet du présent article !

   Il existe bel et bien un mot pour dire "obèse" en créole : bousouflou. On voit bien d'où il provient, à partir de quoi il a été créé, à savoir le français "boursoufler". Sauf que ce verbe français ne s'applique pas du tout à la totalité du corps humain comme c'est le cas d'"obèse", mais le plus souvent au visage ou alors à quelque membre qui a subi une contusion. En français, une personne boursouflée n'est aucunement un (e) obèse ! On voit donc une fois de plus à quel point le créole sait s'emparer des mots français, les transformer phonétiquement et en modifier le sens comme il l'entend. C'est ce qu'il a fait aussi pour la langue kalinago et les langues africaines qui ont présidé à sa naissance au 17è siècle comme nous le verrons dans de prochains articles.

   Donc si vous entendez l'un de vos proches dire la phrase :  

   "Man pa ka konpwann poutji Richa vini obez kon sa" (Je ne comprends pas pourquoi Richard est devenu aussi obèse), signalez-lui, sans forfanterie ni autoritarisme aucun, que le créole possède un mot à lui :

   "Man pa ka konpwann poutji Richa vini bousouflou kon sa". 

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