« A quelque chose malheur est bon »

de Georges Dorion

... dit le proverbe. Belle occasion de lui donner une illustration.

La crise qui fracasse la vie économique et sociale de la Martinique offre une opportunité, celle de réaliser un feed-back réflexif pour comprendre comment on en est arrivé là et pour tenter d’ouvrir de nouveaux horizons.

Un petit groupe de personnes, portant ses messages, sorti de nulle part, et ayant peu préparé les esprits à son irruption, a infligé à la Martinique un des plus grands saccages de son histoire. Le peuple, médusé ou interloqué ou apeuré ou complice, n’a que peu réagi. La représentation politique, largement absente sauf incursions fugitives, a laissé faire l’Etat en tant que responsable du maintien de l’ordre, en lui rappelant bien que c’est de sa compétence institutionnelle, mais non sans que certaines de ses voix puissantes lui fixent des bornes quant à ses possibilités et à ses méthodes d’action.

La fascination des Martiniquais pour des marginaux jusqu’au-boutistes auxquels ils ont tendance à s’identifier n’est pas nouvelle. On se souvient de Beauregard, de Marny… Forme particulière peut-être de l’effet d’insularité, cette fragilité quoique critique ne semble pas provoquer d’interrogation.

Eux étaient principalement des insoumis de droit commun en rupture avec la société.

 Aujourd’hui on est dans le champ de la conduite des affaires publiques par dessaisissement déclamatoire des personnes légitimes pour s’en charger.

C’est nouveau et confondant. Confondant parce que les élus et les corps intermédiaires, qui sont censés être compétents, sont éjectés par des personnes qui, poussant des cris contradictoires, ont prouvé qu’elles ne disposent pas du moindre commencement de compétence au regard des objectifs qu’ils proclament.

La Martinique doit donc s’interroger, à commencer par la représentation politique et les institutions intermédiaires.

Elle doit s’interroger parce que, même s’il est des évènements violents qui se produisent partout, ils surviennent chez elle de manière répétitive et plus gravement qu’ailleurs. Or les idées qui sous-tendent ces évènements révèlent de graves lacunes autant que des incohérences. L’effort qu’il y a à faire doit donc tendre à faire des Martiniquais des personnes plus averties, et à contraindre ceux qui les représentent à mieux leur parler, à mieux les guider en ayant une approche rationnelle sur les sujets fondamentaux.

 

Le premier sujet consisterait à bien prendre conscience de ce qu’est la Martinique, ceci pour éviter d’être emballé par les mots.

Son faible poids doit conduire à la modestie. Evoquer la comparaison avec un dragon financier d’Asie tel Singapour, et le prendre comme objectif comme on l’a entendu, c’est évidemment hors de propos. En vérité elle correspond, pour un total de 350 000 habitants, à une ville ou conurbation moyenne de quelque 150 000 habitants avec autour des unités satellitaires plus ou moins excentrées. A titre d’illustration, son poids démographique[GD1]  est équivalent à celui de l’agglomération de Tours par exemple, tandis qu’elle est considérablement moins favorisée économiquement que celle-ci, tout en supportant bien davantage le poids dévorant du mille-feuilles administratif et des obligations sociales.

On est donc aux antipodes du dragon asiatique avec ses gratte-ciel, monuments du capitalisme international !

C’est à partir de l’appréhension de cette réalité qu’on peut valablement la prendre en mains. Son adossement à un Etat relativement puissant ne doit pas faire illusion. Il est indispensable au contraire, quand on se focalise sur elle, d’assumer son véritable état fondamental sans chercher à paraître autre chose.

Or un tout petit territoire, faible économiquement, doit d’abord, avant toutes les autres questions qui le plus souvent le dépassent, être bien géré dans ses affaires de tous les jours. C’est vital. Il suffit d’ailleurs d’un peu de curiosité pour constater qu’il en est bien ainsi dans les petits Etats livrés à leurs propres capacités, sans la possibilité par conséquent de compter sur des péréquations automatiques tombant de divers côtés.

La première préoccupation doit être en conséquence de se consacrer à la bonne gestion de ses moyens, surtout si on nourrit l’ambition de se détacher un jour du groupement auquel on appartient pour vivre sa propre vie.

Pour ce faire, ce qui dans l’idéal serait opportun par-dessus tout, ce serait de mettre en place un système ouvert d’information sur l’utilisation de ces moyens, l’information voire la décision pouvant être mise sur la place publique, dans un certain détail puisque le pays est petit et si cela se justifie. Ceci conduit d’abord à accepter la critique sur ce détail en permettant au passage de pourchasser le népotisme qui guette singulièrement les petits pays ; ensuite à permettre de vérifier la pertinence des choix financiers, et à intéresser les Martiniquais directement à ces choix ; et encore à accepter de faire tout cela avec l’humilité qui sied, sans trop d’emphase pour rester en concordance avec les moyens réels du pays.

En résumé, utiliser à bon escient, en évaluant les priorités, et au su du public dans un certain détail, les faibles moyens dont le territoire dispose.

C’est cela le sujet cardinal qu’il ne paraît pas inutile de souligner. Tout le reste vient après, résolument après. Résolument après parce que ces bonnes dispositions seront indispensables quel que soit le statut. L’esprit de responsabilité l’exige.

 

 

Le deuxième sujet devrait être de clarifier les questions statutaires pour cesser de perdre temps et énergie, en posant en principe que tous les choix sont honorables à condition de les assumer sincèrement.

La Martinique s’est mise depuis près de trois quarts de siècle dans la pire des situations, celle qui a consisté à tendre le peuple sur des objectifs fracassants avec un verbatim plus qu’offensif, sans jamais se donner les moyens de les réaliser. La séquence est longue et éprouvante : la chose essentielle à faire est donc de sortir le plus vite possible de l’entre-deux chaises.

La Martinique a été en effet la première, la plus audacieuse et la plus turbulente aussi, pour ce qui est de la remise en cause dans les mots de son statut : or les faits montrent que c’est à elle que revient la triste primauté de l’inefficacité en ce domaine dans le monde des DROM. C’est peut-être la raison principale pour laquelle elle est devenue le ventre mou de ce groupement, après avoir été longtemps et pleinement la plus favorisée de tous.

Il est en conséquence prépondérant, pour libérer les esprits, de s’engager à faire cesser cette situation, en se sentant libres de ses choix mais en en acceptant les contraintes. Et ce n’est pas une affaire relevant seulement du dialogue fougueux entre les élus et le peuple comme on s’y complait ; elle doit fondamentalement s’élever au niveau de l’Etat, faute de quoi non seulement on n’est pas crédible, mais en plus on génère avec légèreté des frustrations qui sont à la mesure des enjeux et des passions qui les entourent. Or le dialogue avec l’Etat ne se produit pas.

S’il y a demande de changement institutionnel, la question des conditions de la faisabilité se pose immédiatement, ce qui requiert un programme précis de ceux qui envisagent ce changement. Cela ne se produit pas non plus.

Il faut admettre, pour des raisons évidentes, notamment en conséquence des choix qui ont été faits auparavant (la départementalisation en particulier), et de leurs répercussions économiques, que le changement gagnerait à ne pas être pour demain ; c’est d’ailleurs ce que prouve sans doute le décalage qui existe entre ce qui est sans cesse promis par des élus et les résultats qu’ils ont obtenus, qui sont nuls.

Par conséquent sauf à livrer le pays au chaos, il faudra du temps et de la préparation : celui qui préconise une évolution doit donc préciser comment factuellement il s’y prendra, suivant quel calendrier et à quel terme. Ce qu’on n’a pas encore vu.

Il lui restera alors à convaincre de la justesse de la proposition.

On sait que l’évolution peut se faire de deux manières seulement, soit dans la France par l’autonomie institutionnelle (en s’assurant d’être sûr d’être bien informé sur ce que cela veut dire), soit hors de la France, par l’indépendance à l’instar des deux îles voisines par rapport à la Grande Bretagne. On sait aussi qu’on est dans le champ exclusivement politique, car du côté de la technostructure administrative on peut être à peu près certain qu’il n’y aura pas d’obstacle dirimant.

Le choix peut donc être acté. Il doit être ouvert, mais contraignant pour ceux qui s’engagent. L’urgence est de couper court aux errements habituels, on pourrait dire installés, faits d’approximation et d’indécision, qui ne sont pas pour rien dans la singularité martiniquaise caractérisée principalement par la grande frustration de la population et sa grande colère contre des supposés empêcheurs de tourner en rond.

L’urgence est donc, si on envisage de sortir de la situation actuelle, de parler un langage clair et de s’engager à s’y conformer. Il n’est pas prouvé que les Martiniquais ont besoin de choisir le moyen de la violence ; il n’y a donc pas à jouer à se faire peur. En tout cas, ils ont un droit absolu à des perspectives qui ne soient pas illusoires.

Car si la Martinique perd progressivement son rang par rapport aux autres DROM qui, eux, avancent de manière moins cahoteuse, c’est bien parce que son parti pris ancien et majoritaire est de faire du statut qui est le sien, auquel elle attribue ses maux, l’objet de son obsédante et quasi exclusive préoccupation, et parce qu’elle se met en permanence en porte-à faux par rapport à ce statut dont elle s’acharne à vouloir sortir sans jamais s’en être montrée capable.

 

Le troisième sujet consisterait à renoncer – tant que les choses restent ce qu’elles sont – à perdre son temps en de vaines querelles. Il convient pour cela de distinguer ce qui peut se faire à statut constant ou après entente avec l’Etat d’une part, de ce qui ne peut pas se faire à statut constant d’autre part.

C’est à ce prix qu’on évitera les crispations courantes et les amertumes censées provenir du fait qu’on est entravé dans son action.

Pour les questions qui ne peuvent pas être réglées à statut constant, il est naturellement impératif au préalable d’engager la réforme statutaire, ce qui veut dire qu’il est inutile et même ruineux de tirer des plans sur la comète avant cet engagement.

La chose est simple : il suffit de se référer aux principes fondamentaux qui gouvernent l’Etat français et accepter de considérer que la Martinique est totalement dans l’incapacité de les changer toute seule. Il s’agit d’être aussi peu naïfs que possible par conséquent.

Ainsi par exemple, en ce qui concerne les relations internationales, il faut comprendre que les engagements internationaux qui en l’état actuel des choses seraient pris par la Martinique engageraient l’Etat d’une manière ou d’une autre. Elle a de ce fait besoin pour agir de l’accord de ce dernier dans l’exercice de son pouvoir, un des plus régaliens qui soient ; il est donc inutile de considérer que l’action dans ce domaine pourra être libre. Des avancées et des accommodements sont certes possibles, mais il est nécessaire de prendre conscience, sans émotion particulière, réelle ou feinte, des conditions dans lesquelles il peut être envisagé d’avancer. Ou alors il faut faire le saut statutaire.

En ce qui concerne la langue officielle, qui est fixée dans la Constitution, le changement de statut sera là aussi le chemin le plus court pour parvenir à un résultat en cette matière si on y tient vraiment.

Plus conséquente est la question du droit de propriété. En France, il est reconnu constitutionnellement comme un principe fondamental du droit, par la possession de titres. Et ce, malgré le cri de Proudhon ! On peut aménager ce droit par des changements agraires comme il y en a eu, mais on ne changera pas ce principe dans le monde français. S’il y avait eu une possibilité d’aller aussi loin que le suggèrent certaines demandes, Césaire n’aurait pas manqué de profiter de ses accointances avec le gouvernement en place en 1981 pour leur donner suite. Soulever cette question en s’égosillant dans les espaces publics n’est donc pas a priori pertinent : il faudrait commencer par changer de statut, donc s’affranchir de la Constitution française, pour l’envisager. En revanche, la question de l’utilisation des terres dans le sens de l’intérêt collectif peut et doit être étudiée, non dans la rue mais entre personnes averties et responsables, sous le regard attentif bien sûr et avec l’implication des Martiniquais…

Il en est ainsi de tous les sujets qui touchent les principes fondamentaux de l’Etat. Si on tient à des changements, il faut immédiatement enclencher la saisine du peuple en lui disant quelles sont les conditions pour y parvenir. 

Pour les autres sujets, le champ des possibilités d’action est loin d’être inexistant. Encore faut-il vouloir faire l’effort pour l’occuper.

C’est faute d’avoir fait ce travail simple et honnête d’information et de vérité que des manifestants s’énervent à répétition dans le plus grand désordre. Car c’est bien ce à quoi on doit s’attendre lorsqu’une excitation est provoquée de manière lancinante sur des objectifs qui se sont révélés jusqu’à présent être des leurres.

Il n’est pas vrai, l’environnement français étant ce qu’il est, que la Martinique dans son statut actuel est corsetée à un point tel qu’elle ne puisse pas évoluer dans une atmosphère de progrès. Elle a des efforts notamment d’imagination à faire pour trouver sa place et régler ses problèmes dans ce cadre. Il vaut mieux alors qu’elle soit positive dans l’état actuel de sa situation, sans s’acharner par conséquent à se pétrifier dans les vieilles rancœurs, sans rien oublier non plus pour autant de son passé.

On peut au contraire concevoir qu’il faille revoir les règles de fonctionnement de la société en prenant plus ou moins de distance avec l’Etat. Il y a alors des efforts à faire qui ne sont pas les mêmes. Ces efforts doivent être prioritairement marqués du sceau de la volonté et de l’acceptation de conséquences qui peuvent être dures. Dans ce cas il y aura lieu d’être ferme dans son choix, un choix qui peut d’ailleurs être modulé. Il vaut mieux alors qu’il se réalise avec le moins possible de fabrication d’intensité dramatique.

C’est le flou qui est affligeant et qui devient désormais peu tolérable. On doit considérer que le peuple est assez éclairé pour décider de son sort. Le moindre des respects est de lui tenir un langage clair, même si, et surtout si l’esprit de résilience de l’électorat martiniquais paraît énorme. Plus qu’énorme, presque infini !

Un langage clair, sincère et de bonne volonté, pour des objectifs clairs et, nécessairement, l’atmosphère générale s’en ressentira favorablement.

 

Le quatrième sujet consisterait à dépasser la problématique du statut pour toutes les questions qui le transcendent.

Les Martiniquais tendent à s’occuper eux-mêmes de leurs propres affaires, dont ils disent être « les meilleurs spécialistes » : c’est tout à fait honorable et compréhensible. Il faut seulement s’en donner les moyens si les possibilités actuelles, qui ne sont pas nulles, sont jugées insuffisantes.

Pourtant ils ont aussi tendance à négliger des domaines où leur implication est irremplaçable et où la parole publique locale est essentielle même s’il s’agit de questions qui chevauchent les compétences de l’Etat lointain. Le pouvoir local est en effet le mieux placé pour interférer ; il devrait, par amour du pays quel que soit son destin, être vent debout sur ces questions avant toute autre personne, sans se poser aucune limite.

Quelques exemples :

S’engager dans des actes concrets pour rendre possibles les productions locales et, surtout, et avant tout, induire pour les revivifier un indispensable retour des goûts alimentaires perdus. Ce sujet-là présente un intérêt tout particulier à tous les points de vue : progrès sur la sécurité alimentaire du pays par une moindre dépendance de l’extérieur, utilisation des friches disponibles pour créer de l’activité et de l’emploi, réduction des importations et par voie de conséquence diminution des coûts générant les réactions éruptives qui leur sont liées…. Cette question n’est certes pas perdue de vue, mais il est clair que ce n’est pas dans son domaine qu’il est fait montre de pugnacité, ce qui explique l’absence presque totale de résultats. C’est pourtant cette préoccupation, vitale, qui devrait prévaloir sur toutes les autres, absolument toutes, au point même d’être l’obsession des Martiniquais. Il serait logique par conséquent que, excluant toute diversion, le pouvoir local se mette beaucoup plus qu’on le voit en ordre de bataille « pour la victoire ».

Interférer dans les pratiques alimentaires des Martiniquais et leurs effets pondéraux excessifs, ainsi notamment que dans les addictions : le travail utile est par essence un travail de proximité.

Induire une éducation familiale et une information facilitant la vie en commun et se basant sur l’esprit de responsabilité notamment dans les rôles et les relations intrafamiliaux.

Contribuer autant que possible à la sécurité des personnes et des biens.

Faire reculer sur la place publique les habitudes de grossièretés ou de malpropretés au lieu de les laisser se banaliser etc…

En définitive se focaliser sur tous les sujets qui favorisent le vivre ensemble, un des bons moyens étant de faire en sorte que les individus visent autant que possible à s’élever dans la société, dans la meilleure harmonie possible.

(Dans cet esprit d’élévation, on peut citer l’opération « Talents de l’outre-mer » que j’avais mise en place quand j’étais à la tête d’une grande association en France hexagonale ; volontairement sélective, et très pédagogique dans les éditions que j’ai mises en œuvre durant mon mandat, son objectif premier est de tirer vers le haut les compatriotes ultramarins en magnifiant quelques exemples de réussites pour inciter les autres à les suivre. C’est cette veine-là qui est porteuse, celle de la recherche de la distinction. Pas celle de la sublimation de la vulgarité, comme on en aperçoit quelques signes.)

L’ambition d’une société harmonieuse est en effet une affaire d’état d’esprit, et cela relève moins des engagements financiers que des attitudes et du discours des Martiniquais responsables. Le changement de paradigme que cela implique comporterait, automatiquement et par induction, beaucoup d’autres effets désirables.

Ces bonnes dispositions seront souhaitables quel que soit le statut. La préservation du moral du pays l’exige.

 

**

Si à quelque chose malheur est bon, les évènements qui abiment le pays actuellement sont assez destructeurs pour donner l’occasion de procéder aux remises en question permettant d’essayer de les transformer en une chance pour l’avenir.

En vérité, le monde martiniquais doit s’interroger. Il doit s’interroger gravement, pour s’écarter de sa tendance à se focaliser sur des combats qui sont, soit perdus d’avance tant qu’il n’a pas assumé les changements préalables nécessaires, soit abstraits, soit secondaires par rapport aux questions vitales. Dans cet esprit c’est à un véritable « aggiornamento » que les Martiniquais au pouvoir devraient se livrer.

L’opportunité de provoquer un électrochoc est là.

On ne doit pas se faire d’illusion : la Martinique sera dépendante de l’extérieur pour beaucoup de choses, en particulier pour son alimentation, et pour longtemps. On peut constater qu’il en est de même par exemple de la Barbade, mais celle-ci sait que si elle veut vivre correctement, et elle y parvient, elle doit se mettre en ordre de marche sans casser ses outils de travail. Semblant faire davantage confiance aux avantages qu’elle obtiendra par la revendication de droits, et ne comptant pas de ce fait au même degré sur ses propres efforts, la Martinique est encore insouciante de sa faible capacité à compenser par ce qu’elle produit la valeur de ce dont elle a besoin. Chaque avancée économique ou sociale, présentée comme une victoire, accentue diaboliquement ce phénomène, mais celui-ci est occulté par le jeu des solidarités financières de toutes sortes. L’apparence qu’on se donne est de considérer que ces solidarités correspondent à ce qui est dû, notamment du fait de l’histoire ; c’est une posture, d’ailleurs peu reproductible ailleurs qu’en Martinique ou les quelques territoires de sa catégorie, en tout état de cause fragile, démobilisatrice, et entièrement contradictoire en ce qu’elle implique le maintien de la situation institutionnelle qui autorise l’exercice de ces solidarités alors même que par ailleurs ce maintien est mis en débat.

De deux choses l’une :

Ou bien, renonçant à des errements inconséquents, la Martinique sera réaliste ; et elle acceptera dans une perspective vertueuse de chercher à gérer au mieux sa situation en faisant des choix mûrement réfléchis et partagés.

Ou bien elle se résignera au chaos répétitif, à la merci des organisateurs de mouvements surchauffés pouvant générer des exactions, ou, pire encore, de bandes qui voudront exploiter ses fragilités aux fins qui sont les leurs.

Elle garde la possibilité d’être un phare, en étant consciente de ses capacités et des opportunités dont elle peut profiter, et en démontrant sa maturité intellectuelle et son aptitude à une approche raisonnable des affaires. Elle n’a pas encore pris ce chemin -là. Pour l’heure, elle crée de la souffrance au lieu de fabriquer de l’espoir.

Il lui reste à donner sa mesure, comme elle est capable de le faire. Il faut regarder devant !

Il y a tout un monde qui a un grand besoin de modèle ; la Martinique devrait donc s’attacher à donner de l’espérance à ce monde qui lui ressemble, ce qui implique qu’elle ne dérive pas en ayant gaspillé son avance.

Vu son parcours, elle ne doit pas décevoir. Elle peut apporter autre chose que ce qu’elle vient de montrer.

 

Georges Dorion

Haut fonctionnaire retraité.

Novembre 2024

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Commentaires récents

  • Baissez les prix sur la croisière, bande d'affameurs du peuple !

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