LA RELANCE DU PROCES DES 7 DE L’OCEANIS ! JUSTICE DE COULEUR OU/ET COULEUR D’INJUSTICE

Raphaël CONSTANT

La décision du Parquet de Fort de France de réactiver le procès des sept de l’Océanis confirme que le pouvoir colonial (étant évident que le Parquet de Fort de France n’est aucunement indépendant) entend poursuivre et intensifier la répression contre les militants qui remettent en cause son système et sa domination.

 

Rappelons que l’affaire dite de l’Océans concerne des faits de novembre 2019 qui se sont passés il y a près de trois ans. A compter de septembre 2019, des militants se disant « anti-chlordécone » commençaient une politique d’appel au boycott actif des supermarchés de Bernard Hayot. Chaque semaine, un magasin appartenant au GBH faisait l’objet de manifestation. Au fur à mesure des semaines, des appels à l’arrêt des manifestations vont provenir des organismes pro-békés et pro-patrons comme Contacts-Entreprises, le Medef etc… Dans une premier temps, l’état va mettre en place une surveillance policière. Puis, cela ne décourageant pas les appels au boycott et les manifestations, la ¨Préfecture va décider d’agir plus fortement. On verra débarquer en Martinique des troupes de gardes mobiles qui agiront pour la première fois en novembre 2019 au Robert devant le supermarché Océanis, récemment acheté par GBH aux mains du Groupe Ho Hio Hen.

Les militants qui manifestaient pacifiquement ont été cernés, agressés par une troupe armée violente et armée. L’affrontement était cherché par le pouvoir et il eut lieu. Il est important de rappeler cela car, par la suite, on présentera ces militants comme violents alors que la violence ait venu (comme d’habitude) du pouvoir français. Cette manifestation ayant été filmée par les forces du désordre colonial, les films vont être dépouillés pour identifier les auteurs. Il s’ensuivra en décembre 2019 la première grande rafle ordonnés par le Parquet de Fort de France sous l’autorité du Procureur de l’époque, M. Gaudeul.

Arrivée massive au petit matin, porte de maison cassée, famille épouvantées, voisins aux abois, les gardes mobiles, habillés en ninja avec casques et tenue de combat, amenaient les militants menottés.

 

C’est ainsi que le premier procès fut convoqué pour le 13 janvier 2020. Ce jour, le parquet mit en place une nouvelle atteinte aux droits des militants ou du simple martiniquais avec impossibilité d’un procès public ou d’y assister. Même quand le Tribunal ordonna qu’on laisse rentrer une partie du public, devant le Procureur de la République, la police l’empêcha et utilisa des grenades lacrymogène contre les manifestants, qui était pacifiquement rassemblée devant le Palais. Là encore, comme le voulait le pouvoir, l’affaire dégénéra et on connut des affrontements jusqu’en début de soirée. Bien entendu, avec la complicité de médias et de politiciens complaisants, le pouvoir, contre la vérité, fit porter le poids de la violence sur le dos des militants.

Le procès fut renvoyé en juin 2020. Puis, dans le cadre d’une véritable pantalonnade, le parquet décida d’annuler l’audience. De manière absolument extraordinaire, le procureur de l’époque indiqua dans une interview que dans le cadre de sa bienveillance il n’allait pas ré-audiencer l’affaire mais sans pour autant l’abandonner, montrant ainsi le caractère arbitraire de ce type de poursuite.

Depuis deux ans étaient passés.

 

Mais voici donc que le parquet ressort le dossier et un nouveau procureur (qu’on nous a dit de gauche mais il est vrai que la gauche française a toujours été paternaliste et pas -sinon pas du tout- anticolonialiste) convoque à nouveaux les 7 de l’Océanis pour un procès le 16 novembre 2022.

 

Entre temps, il est vrai, depuis 2019, de nombreuses autres affaires ont fait l’objet de nombreuses poursuites, procès, emprisonnements : la lutte contre l’apologie de l’esclavage (affaire JM), les violences policières (affaire Keziah), Manifestation contre l’obligation vaccinale (aéroport), les atteintes aux biens des békés (incendies), l’effacement des symboles coloniaux (les statues), la lutte de soignants (Procès Phares entre autres), etc… A cela s’ajoutent d’autres affaires comme celles de Félix Jean-François, Hérvé Pinto, Olivier Bérisson, poursuites contre des avocats, etc..

On ne dénombre plus le nombres de rafles au petit matin, d’interpellations, des gardes à vue, de violences et d’humiliations policières (n’oublions pas le martiniquais trainer avec la laisse du chien du gendarme), de procès, de mois de prison, d’incarcération.

 

Dans l’affaire LONGCHAMPS, le parquet a montré et démontre encore un acharnement pour empêcher la mise en liberté de ce jeune militant, même contre l’avis du juge chargé de l’affaire. Il faut dire que le parquet a trouvé une oreille complaisante devant une chambre de l’instruction dont la simple humanité est aux abonnés absents.

 

Dans les poursuites contre le secrétaire de l’USAM, le parquet poursuit un militant sur la base de deux uniques témoignages alors qu’il y avait près d’une vingtaine de personnes présente à la réunion. Trois de ces témoins viennent soutenir devant le Tribunal que ce que disent les supposées victimes et leurs deux témoins aient faux. On donnera raison aux parties civiles, hauts cadres français de l’administration hospitalière. Il faut dire que les témoins de la défense étaient martiniquais et que dans cette musique répressive une blanche vaut plusieurs noires !

Dans ce même dossier, on poursuit le secrétaire général de l’USAM pour injure raciale car il aurait dit à un haut cadre français : « qu’en tant que blanche, elle prenait le travail des martiniquais et de leurs enfants ».

Ainsi, la vieille revendication du mouvement ouvrier français de « Vivre et travailler au pays » devient en colonie une injure raciale selon le parquet de Fort de France !

Tout est dit sur la démarche de ce parquet.

 

Car dans le même temps, dans deux affaires (affaires LIMERY et GROUPAMA) où les auteurs de propos racistes sont des français et les victimes des martiniquais, le parquet minorise les faits en ne voulant retenir que des contraventions et non des délits.

Ainsi va la « justice » dans ce pays.

Qui est vraiment raciste et motivé par une instrumentalisation de l’appareil judiciaire pour des poursuites politiques ?

 

Sans vouloir charger la barque, notons qu’un certain nombre de dossiers (dits sensibles et mettant en cause des tenants du système) sont à l’arrêt ou progressent avec une terrible lenteur : affaire du Ceregmia, affaires de harcèlement à l’Université, plainte pour détournement de fonds publics du Comité Citoyen du Sud (visant la SME), dossier de Cité Grenade pour mise en danger d’autrui (affaire de l’amiante), la plainte des syndicats des soignants concernant la gestion de la pandémie, la plupart des dossiers de travail en harcèlement, etc….

Ce n’est pas seulement dans le dossier du chlordécone que la justice française n’offre pas de procès équitable aux martiniquais.

 

L’obsession politique du Parquet a été une nouvelle fois illustrée par la requête en dépaysement déposée dans l’affaire de la plainte d’une association pro-békée contre deux sites, un auteur, un chanteur martiniquais. Il faut lire (à cet égard, voir article dans Fondas de la défense de Montray Kréyol) et relire ce que pensent ces gens qui sont en charge du respect de « l’ordre républicain » (le même ordre qu’on a connu dans les autres colonies françaises). Même la Cour de Cassation, peu susceptible d’être considérée comme favorable aux causes nationales qui ne sont pas française, a renvoyé ce parquet de Fort de France dans les cordes.

 

Dans les prochaines semaines, plusieurs procès concernant des militants vont intervenir. Nous sommes en pleine répression à basse intensité avec son corollaire de manipulations, d’intoxications.

 

L’ordre colonial et supposé républicain est en marche !

 

18/09/22.

Raphaël CONSTANT

Avocat et militant

Commentaires

Manifestations ?

OuiNon

20/09/2022 - 12:55

'Les militants qui manifestaient pacifiquement"...
Militants de quoi ? Contre le chlordécone, dit-on. Mais le chlordécone n'est plus utilisé. Et tout le monde aujourd'hui est contre le chlordécone. Dans ces conditions, que signifie manifester contre le chmordéckone ?
Par ailleurs, si le droit de manifester est constitutionnel, il est encadré. Les manifestations doivent être déclarées. Il ne semble pas que les manifestations en cause l'aient été. Et l'on peut se demander en quoi bloquer un centre commercial constitue une manifestation contre le chlordécone.
Quand des événements de la sorte (illégaux a priori) se répètent, les forces de l'ordre finissent par intervenir. Si le trouble à l'ordre public ne cesse pas, elles font usage de la force. On peut dire alors que la violence vient d'elles (comme d’habitude). Mais c'est leur rôle, en Martinique comme ailleurs.

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