Selon Dominique Berthet, il existe en Martinique un incroyable bouillonnement artistique et un réel foisonnement de création : « Peintures, sculptures, volumes, collages, assemblages, œuvres monumentales, vidéos, photographies, techniques mixtes, installations, performances cohabitent et s’hybrident ». L’art est « d’une impressionnante vitalité et d’une grande diversité ». Son constat se fonde, entre autres, sur la fréquentation assidue depuis près de trente ans, de nombreux artistes de Martinique et de leurs ateliers, « des laboratoires de pensée et d’action » souvent évoqués dans ses divers ouvrages.
Témoigne également de l’effervescence et du dynamisme d’un art contemporain en pleine expansion, le nombre de manifestations artistiques qui se sont déroulées ces dernières années, sous l’impulsion et la détermination des acteurs du milieu de l’art. Leurs énergies convergent pour étendre la visibilité et le rayonnement des pratiques artistiques dans l’île et à l’extérieur. Aussi, la présentation de ce qui caractérise un art contemporain en Martinique nécessite la prise en compte régulière des nouveaux acteurs de la scène artistique, des évènements culturels qui se succèdent dans le temps et constituent des jalons importants dans l’évolution de l’art. En ce sens, le présent essai Art contemporain en Martinique, une réédition augmentée et en couleurs de Pratiques artistiques contemporaines en Martinique, esthétique de la rencontre 1, constitue un apport notoire depuis la première édition de 2012. Un riche avant-propos et une nouvelle conclusion condensent des éléments d’information indispensables à la compréhension de la vie artistique de la Martinique, de ce qui nourrit son dynamisme, mais aussi des difficultés qui le freinent.
L’exposition collective « Esthétique de la rencontre » (Fondation Clément 30 novembre 2012 - 6 janvier 2013) s’est tenue peu après la première parution de cet essai et figure au rang des évènements marquants qui se sont succédés dans l’île entre 2012 et 2019. Selon Dominique Berthet, cette exposition dont il était le commissaire fait référence, elle fait mémoire, car elle a été « la première à offrir un large panorama des pratiques artistiques marquantes de Martinique, avec la participation d’artistes considérés comme des fondateurs, comme des jalons incontournables de l’art martiniquais ». C’est dire si le lien à établir avec le présent ouvrage est essentiel, car les 21 artistes qui participaient à l’exposition y sont évoqués. Les démarches de 12 d’entre eux sont décrites, approfondies, analysées et interprétées, en relation avec les notions qui traversent et nourrissent leurs œuvres : lieu, héritage, mémoire, rencontre, trace, identité, fragmentation, hybridation.
Le contenu de cet essai augmenté est inchangé par rapport à l’édition de 2012, néanmoins une surprise notable attend le lecteur au détour des pages. Art contemporain en Martinique fait « peau neuve » avec la mise en couleurs des 61 photographies des œuvres présentées dans chacun des douze chapitres. L’entrée dans l’ouvrage peut ainsi se faire de manière buissonnière, par une découverte des images variées, extrêmement parlantes et captivantes qui éveillent notre curiosité et stimulent notre imaginaire, comme par le texte d’une grande clarté.
S’il est difficile de réduire à quelques lignes les apports que l’on peut trouver au creux de cet ouvrage très dense et abondamment illustré, on retiendra d’abord le plaisir de la lecture procuré par cette approche sensible de l’art contemporain en Martinique. Pour ceux qui ne connaissent pas la première édition, il est l’outil incontournable pour comprendre comment le lieu, sa prégnance, l’histoire des idées et l’évolution des débats esthétiques ont dessiné le paysage d’un art singulier en Martinique, un art qui revendique sa spécificité. On y apprend beaucoup sur ces artistes insulaires, sur ce qui les anime et constitue le moteur de leur création, détermine la richesse de leurs œuvres originales, audacieuses, insolites, innovantes, à la fois profondément enracinées dans leur lieu et ouvertes sur le monde.
Pour ceux qui sont déjà familiarisés avec le contenu, la découverte de l’avant-propos constitue une invitation à reconsidérer cet ouvrage en couleur sous un angle nouveau, à saisir son inscription dans une dynamique, dans un mouvement. Outre le fait de concentrer des informations sur certains jalons importants du développement de l’art contemporain dans l’île (programmation des expositions de la fondation Clément, 1ère biennale d’art contemporain (BIAC), Marché d’Art Contemporain de la ville du Marin, Pool Art Fair), la part belle est faite aux pratiques performatives. Ces dernières prennent de plus en plus d’importance en Martinique, sous l’impulsion du Festival International d’Art Performance (FIAP 2017 et 2019), un évènement inédit et de grande envergure.
Une riche bibliographie complète cette réédition avec de nombreux ouvrages, articles, entretiens, qui sont autant d’incitations à établir des liens, approfondir des connaissances, engager des réflexions fécondes à partir de ce qui se joue dans ces esthétiques de la rencontre.
« Interroger la rencontre en art, c’est interroger l’infini des possibles dans le mouvement permanent de l’imprévisible » rappelle Dominique Berthet. C’est ce à quoi nous invite cet ouvrage passionnant, à découvrir ou à redécouvrir, pour le plus grand plaisir.
Dominique Berthet, Art contemporain en Martinique, nouvelle édition, Paris, L’Harmattan, coll. « Local et global », 2020, 212 pages.
Martine Potoczny
Albè, quelqu'un a-t-il jamais nié l'existence d'un racisme anti-noir dans le monde arabe ? Lire la suite
Merci Frédéric...
Lire la suite... "Nuit noire" et Albè. MAIS DEUX POINTS À RAPPELER. Lire la suite
Un lapsus s'est glissé dans mon commentaire ci-dessus: Lire :..les Palestiniens de Gaza et non . Lire la suite
1) Comme vous le dites vous-même: " étant les premiers concernés" par le "racisme anti-noir" des Lire la suite