Boubacar croyait en Obama, Aminata rêve de Kamala !

Quand Barack Obama a été élu pour la première fois en 2009, Boubacar et ses potes de Bondy avaient été fous de joie. Ils avaient organisé un défilé dans la rue principale de cette charmante bourgade du 9-3, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "BRAVO, NOTRE PRESIDENT !". 

 Tout le monde avait alors dansé, chanté, calvacadé à qui-mieux-mieux. Enfin, les Renois...

   Il est vrai que partout à travers "le monde noir" on avait assisté à ces démonstrations de joie sans borne: des ghettos de Kingwstown (en Jamaïque) au quartier de Notting-Hill (à Londres), du Morne Trénelle (Martinique) au bush (territoire des Aborigènes en Australie), de Papouasie-Nouvelle-Guinée au Kenya (pays natal du père d'Obama lequel, soit dit en passant, ne possède pas un seul chromosome de descendant d'esclave noir américain puisque sa mère est blanche). 

   C'est que Boubacar était persuadé qu'au lendemain de cette élection, pour le moins miraculeuse à ses yeux, les flics qui se baladent au pied de son immeuble cesseraient de lui demander ses papiers une fois sur deux quand il se rendait à son boulot de vigile dans un supermarché Auchan. Que la vendeuse de la boulangerie-pâtisserie où il se ravitaille cesserait de ne jamais répondre à son "Bonjour, madame !". Que son patron arrêterait de le menacer de le virer quand Boubacar lui demanderait de ne plus le faire bosser tous les dimanches matin et instaurerait un roulement entre les nombreux gardiens du temple de la consommation qui les emploient. Que le samedi soir, quand, lui, Boubacar, voudrait entrer dans une boite de nuit qui ne soit pas dans sa bourgade, les costauds de l'entrée ne lui barreraient pas la voie.

    Que...que...que...

    Que suite à l'élection d'un Noir comme lui à la tête du plus puissant pays du monde, les racistes et les fachos n'oseraient plus le regarder de haut, lui faire des remarques désobligeantes ni lui tomber dessus à bras raccourcis lorsqu'il traverserait une rue ou un quartier leucoderme. SON PRESIDENT ETAIT DESORMAIS SA MEILLEURE PROTECTION ! On allait voir ce qu'on allait voir maintenant. Or, dès le lendemain et dans les jours qui suivirent, Boubacar ne nota aucun changement, même modeste, chez les personnes qu'il était amené à côtoyer chaque jour qu'Allah fait. Rien du tout ! Quedalle ! Wallou ! Comme si personne n'avait remarqué qu'Obama et lui avaient l'épiderme identique (ou presque). 

    Interrogeant ses potes à ce sujet, il constata que tous étaient logés à la même enseigne que lui : "RETOURNE CHEZ TOI EN AFRIQUE !". 

    Boubacar patienta durant quatre ans, se disant que les Gaulois devaient souffrir de myopie avancée et lorsqu'Obama fut réélu en 2012, il reprit espoir. Cette fois-ci, il était impossible, absolument impossible, que personne ne remarquât que le président américain était son "frère". Au lendemain de la réélection de "son" président, il bomba le torse et c'est d'un pas assuré, vaillant même, qu'il se dirigea vers la station de métro qui reliait sa lointaine bourgade à la Ville-Lumière. Cette fois, il se livrerait à une petite provoc. Juste pour faire enrager les racistes : il se baladerait dans un quartier huppé. Genre 16è arrondissement.

   Mal lui en prit, le pôvre, car un fourgon de flics croisa sa route et l'embarqua, le prenant sans doute pour un sans-papiers en vadrouille alors qu'il etait arrivé au Pays des Droits de l'Homme à l'âge de trois ans et que ses parents avaient acquis la nationalité française depuis fort longtemps. Son père, aujourd'hui à la retraite, avait bossé durant toute sa vie dans la voirie municipale et sa mère avait fait des ménages dans un hotel Ibis. Or, malgré les deux mandats de "son" président, rien n'avait changé !!! 

   Et puis, voici que ces temp-ci, sa cousine Aminata, qui habite Créteil, vit dans la même exaltation qui fut la sienne durant les deux mandats d'Obama : une femme, qui plus est noire comme elle, avait de fortes chances de devenir présidente du pays le plus puissant du monde. A l'hosto où Aminata bosse comme aide-soignante, les infirmières cesseraient de lui aboyer leurs ordres et les toubibs de la croiser dans les couloirs sans lui jeter un regard comme si elle était transparente ou invisible. Or, elle est pourtant noire et le noir, ça se voit, bon dieu de bon sang ! En novembre prochain, tout ce beau monde cessera de la morguer quand Kamala (qui, soit-dit en passant n'a, elle non plus, pas un seul chromosome de descendant d'esclave noir américain puisque sa mère vient de l'Inde et son père de la Jamaïque) entrera à la Maison Blanche. 

   En visite chez sa tante durant un weekend, elle entreprit alors son cousin Boubacar et s'étonna de son peu, son très peu d'enthousiasme à l'égard de la prochaine victoire de Kamala. Et voici que contrairement à son affabilité habituelle envers elle, le bougre la rabroua : 

   "T'es pas Américaine que je sache ! Donc arrête de nous casser les pieds. OK ?" 

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