ChatGPT crée une onde de choc dans le monde de l’enseignement

« Écris-moi un essai de 1000 mots sur l’oeuvre littéraire de Gabrielle Roy. »

Sur ChatGPT, des mots s’enchaînent rapidement. « Gabrielle Roy est une écrivaine francophone canadienne connue pour son oeuvre littéraire à la fois poignante et réaliste », écrit-il. Il poursuit sur Bonheur d’occasion et la volonté de l’autrice de représenter les milieux défavorisés.

ChatGPT, une interface de conversation dotée d’une intelligence artificielle, répond à une panoplie de questions. L’outil écrit aussi des textes généralement bien ficelés à l’aide de quelques simples indications. Les possibilités qu’offre la plateforme suscitent des craintes dans le monde de l’enseignement au Québec et pourraient forcer un changement dans les méthodes d’évaluation, mais génèrent aussi des réflexions positives.

La plateforme est accessible depuis à peine deux semaines, et la nouvelle se répand « comme une traînée de poudre » chez les élèves, constate Sylvain Duclos, enseignant de mathématiques.

Cela l’a incité à publier une vidéo sur TikTok pour alerter ses collègues et leur donner des conseils sur la redéfinition des tâches et évaluations classiques. « J’ai vu les capacités de plagiat, raconte le professeur au secondaire. Des travaux qu’on donne au secondaire peuvent être facilement générés. » Les créations sont originales. Il est impossible de confirmer sur des moteurs de recherche que l’élève a fait du copier-coller à partir d’un texte existant. L’outil, qui sera appelé à évoluer, a toutefois des limites et fait parfois des erreurs.

« Il faut aussi se questionner sur les façons dont on peut utiliser cet outil dans l’enseignement, précise Sylvain Duclos. Et pour une éducation à l’éthique numérique des jeunes, qui auront à travailler avec des outils comme ça. »

ChatGPT fait réagir sur les groupes Facebook d’enseignants. Le volume élevé d’information qui circule a incité Simon Duguay, un enseignant d’informatique à l’école secondaire De Rochebelle, à Québec, à créer il y a quelques jours un groupe qui compte maintenant plus de 500 enseignants et personnes intéressés à discuter des possibilités de l’outil. « Je ne pensais pas que ça allait lever autant que ça, lance-t-il. C’est un sujet qui vient chercher les gens. »

 

On a les mêmes questions que tout le monde, mais on ne va pas tomber du côté où on ne voudra pas l’utiliser

— Yannick Dupont

 

Comme d’autres avec qui Le Devoir a discuté, il a l’impression que la plateforme ne sera pas une mode éphémère. « Il y avait une certaine crainte au début dans nos discussions, nous sommes tous surpris par son efficacité, raconte Simon Duguay. Mais on voit aussi beaucoup de potentiel. »

« J’ai déjà vu plusieurs profs s’en servir pour faire des exemples à présenter en classe, ajoute l’enseignant, enthousiaste. D’autres pour monter des documents, ou pour avoir plusieurs versions d’un même examen en classe pour éviter que les élèves trichent. »

Débat dans les écoles

Ce n’est pas tout le monde qui considère que ChatGPT représente une avancée positive. Des enseignants préoccupés ont écrit au service informatique de leur centre de services scolaire (CSS) pour vérifier si le site sera banni du réseau Internet, estimant que cela leur ferait moins de choses à gérer en classe.

Sylvain Duclos, lui, a écrit à son CSS pour lui demander « d’agir autrement qu’à son habitude » et de se poser des questions pédagogiques avant de bloquer le site. Le débat a cours, et les établissements devront trancher. Les demandes du Devoir adressées à différents CSS sont restées lettre morte, mardi.

ChatGPT ne fait toutefois pas peur au collège privé Sainte-Anne, situé sur l’île de Montréal, qui a plutôt comme philosophie de préparer ses élèves au « vrai monde » et de « s’inscrire dans l’avancement de la société ». « On a les mêmes questions que tout le monde, mais on ne va pas tomber du côté où on ne voudra pas l’utiliser, mentionne Yannick Dupont, directeur du Laboratoire d’innovation et de recherche action. Nous allons tenter quelques expérimentations pour voir ce que les élèves vont en dire et comment il sera utilisé dans un contexte scolaire. »

 

Des travaux qu’on donne au secondaire peuvent être facilement générés

— Sylvain Duclos

 

Les risques de tricherie pourraient pousser l’établissement à se questionner sur la façon de mener des évaluations. « Ce n’est pas la première fois qu’un outil comme ça va bousculer des pratiques et permettre de réfléchir à ce qu’on fait, dit-il. On y voit une super occasion de se remettre en question et de voir s’il n’y a pas des pratiques qu’on devrait peut-être transformer ou abandonner. »

Inquiétudes au cégep

ChatGPT suscite l’inquiétude chez des profs de cégep, même si ceux-ci voient ses failles. « Pour la session d’hiver, on a intérêt à y penser maintenant, ça nous laisse le temps de modifier nos plans de cours », lance Ariane Boivin, qui enseigne la psychologie au cégep Garneau, à Québec.

Elle donnait une réflexion personnelle à faire à ses étudiants, mais la fera sauter parce que « l’outil est beaucoup trop bon ». Elle a demandé à ChatGPT deux exemples concrets d’intimidation vécue dans son enfance et leur incidence sur lui à l’âge adulte. « J’avais de l’empathie pour lui, on aurait dit qu’il avait suivi une grande thérapie », laisse-t-elle tomber.

Des professeurs de littérature ont constaté que la plateforme « connaît » très bien certains romans, et songent à faire travailler leurs étudiants sur des sujets que celle-ci ne maîtrise pas.

L’outil peut également générer du code informatique. Pierre-François Léon, qui enseigne la programmation au cégep, a constaté que grâce à ChatGPT, un étudiant aurait une note variant entre 60 % et 80 % dans certaines de ses évaluations. Il fait néanmoins passer ses examens sur papier, ce qui limite les possibilités de tricherie.

Bloquer ChatGPT « ne sert à rien », croit-il, et il ne veut pas « diaboliser l’outil ». Il préconise plutôt son intégration, et il a fait des tests en classe. « Pédagogiquement, au-delà de générer du code, l’outil apporte des éléments sur le code qui sont intéressants pour l’étudiant. »

Le père de famille a également eu une discussion ouverte avec sa fille de 2e secondaire sur les possibilités qu’offre ChatGPT, après avoir constaté que, en théorie, elle pourrait l’utiliser pour faire plusieurs devoirs à la maison. « Il faut enseigner [aux jeunes] l’esprit critique par rapport à l’intelligence artificielle », conclut-il.

 

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