D’UN NON LIEU A UN AUTRE, CHRONIQUE SUR QUELQUES AFFAIRES JUDICIAIRES

Raphaël Constant

La confirmation du non-lieu par la Chambre de l’instruction dans le dossier du crash de Maracaibo ne surprendra personne, en tous les cas pas ceux qui suivent ce dossier avec attention. Lors de l’audience de la CHINS, les magistrats composant cette instance, avec le soutien du Parquet Général, avaient refusé qu’une audience publique permette d’exprimer au grand jour les contradictions et manquements de ce dossier. La peur de la vérité et de la prise à témoin de l’opinion publique montraient bien la honte de l’institution judiciaire de sa propre incurie.

Les même magistrats sont allés à refuser d’entendre un témoin expert que l’AVCA avait fait citer. Cet expert mettait en pièces sinon en mille morceaux la thèse officielle sur les causes du crash. Il fallait le faire taire.

 

Si ce dossier du crash se clôt provisoirement ainsi, il y a deux raisons fondamentales. D’une part, en 15 ans d’instruction, la France (et ses juges) n’a jamais voulu aller au fond des choses car elle craignait de s’aliéner des oligarchies de certains pays d’Amérique Latine et particulièrement l’armée colombienne. C’est ainsi que jamais un gendarme français n’a pu se rendre au siège de la compagnie d’aviation. Entre la vérité pour les morts martiniquais et les intérêts diplomatiques français, la justice française a fait clairement son choix. D’autre part, que n’a-t-on dit dans les couloirs que ce dossier avait déjà coûter très cher, trop cher. Que vaut le prix de nos 152 morts ?

 

A cela s’est rajouté le mépris nauséeux des magistrats de la dernière audience de la CHINS. C’était la cerise sur le gâteau de l’ignominie.

Il restera donc à se battre dans ce dossier à la Cour de Cassation et devant le CEDH.

 

La confirmation de ce non lieu intervenant trois mois après celui sur le chlordécone ne peut pas ne pas avoir un écho pour notre peuple : la justice française est hors d’état sinon dans l’incapacité de défendre les intérêts collectifs des martiniquais à compter du moment où sont en jeu les intérêts de l’état français ou de la caste békée.   

 

Il m’aura fallu du temps pour réagir par écrit à cette ordonnance de non lieu dans l’affaire du chlordécone. Il m’était pourtant évident depuis septembre 2021 que nous allions dans cette direction après que les juges avaient refusé d’entendre les victimes. Mais, je me disais naïvement qu’ils n’oseraient pas aller jusque-là. C’était oublier leur cynisme de la défense des intérêts de l’état et de la caste.

Pour moi, ce non-lieu, c’était et c’est un crachat et on ne peut que s’interroger comment des gens (les deux juges) supposément intelligents peuvent prendre des êtres humains pour des imbéciles.

Car, non seulement, elles ont prononcé un non lieu, ce qui en soi est une insanité mais elles ont imaginé un motif à ce non lieu.

 

Alors que le procureur de Paris, avec cynisme, tambourinait depuis mars 2021 (date de l’interview du procureur de Paris dans le journal France Antilles) « prescription, prescription !!! » (ce que les différentes défenses avaient valablement critiqué) nos deux juges parisiennes (qui, rappelons-le, ont refusé de rencontrer des victimes du chlordécone et ne semblent avoir jamais mis les pieds en Guadeloupe et en Martinique) ont prétendu qu’il n’y avait pas de délit au fallacieux motif qu’en 1990 on ne savait pas que le Curlone (nom commercial du chlordécone) était dangereux pour la vie humaine.

 

On ne savait donc pas et donc laisser le curlone être vendu, distribué, donner sans protection aux ouvriers et répandu dans toute la Martinique (ou la Guadeloupe) tout cela ne posait aucun problème sinon qu’après on a découvert une « catastrophe sanitaire ».

On ne savait pas disent-elles.

On peut dire que ce ne sont pas les seuls à prétendre cela car combien de politiciens guadeloupéens et martiniquais ont de 1990 à 2004 protester contre l’utilisation du Curlone en Martinique. Où étaient ceux qui prétendre aujourd’hui s’opposer au non-lieu ?

La réalité est que ceux qui produisaient et qui vendaient savaient que c’était une danger.

Nos politiciens ne savaient donc pas car ils ne voulaient pas savoir.

Car contrairement à ce que disent les deux juges de Paris, on savait depuis le début des années quatre-vingt-dix de l’autre siècle que c’était dangereux.

Sinon, pourquoi ce produit aurait été interdit aux USA après une catastrophe sanitaire ? Pourquoi l’OMS l’avait classé parmi les produit pouvant donner le cancer ? Pourquoi en France même les autorités sanitaires avaient décidé de ne plus en accepter la commercialisation ?

La récente enquête de Radio France révèle le scandale mais il existe dans le dossier des deux juges les preuves que depuis cette période les producteurs et les vendeurs du Curlone savaient que c’était dangereux.

 

Au moins le parquet de Paris est clairement méprisant.

Non seulement, il admet que ces homologues de Fort de France, Pointe à Pitre et Basse Terre n’ont rien fait pendant plus de dix ans (1993 à 2004) contre l’utilisation de pesticides mais il pousse le cynisme à reprocher aux victimes d’avoir déposé plainte trop tard.

 

La Chambre de l’instruction près de la Cour d’Appel de Paris aura donc le choix entre deux ignominies. D’un côté, pas de délit car pas connaissance du danger. D’un autre, délits oui mais prescrits !  

Reste entre les deux ignominies un petit couloir, celui de la vérité.

Arriverons-nous à l’imposer ?

 

Dans un précédent article, Je m’interrogeais sur le fait de savoir si, suite aux relaxes du 31 mars de trois militants arrêtés devant la Cour d’Appel de Fort de France suite au scélérat arrêté du maire de Fort de France de fermer « lakou kont nonlieu » et à l’annulation de la procédure par le tribunal correctionnel le 5 avril dans l’affaire dite des 7 de l’Océanis, nous étions en train de sortir du cycle répressif débuté en fin 2019 contre les militants anti-chlordécone (puis contre les soignants).

Le parquet vient de donner un début de réponse en faisant appel de l’annulation de la procédure pour les 7 d’Océanis.

La convocation du secrétaire général de la CSTM va dans le même sens d’un acharnement du Parquet à poursuivre pénalement tous les contestataires qu’ils soient politiques ou sociaux. 

Nous allons donc devant de nouveaux jours sombres.

 

Dans un interview à France Antilles, la procureure de la République, Mme TARRON dénonce deux fléaux pour notre pays : la drogue et les armes.

Ce que Mme TARRON ne dit pas ou ne comprend pas, c’est que ces fléaux peuvent provoquer les dégâts que l’on sait car la société coloniale martiniquaise marquée par le développement des inégalités, les discriminations et de la pauvreté est un terreau parfait pour les faire se développer.

La politique pénale menée depuis plus d’une décennie (en cela, Mme TARRON ne fait que reprendre ce que ces prédécesseurs ont dit et fait) n’a diminué ni la violence, ni la circulation des armes. Il est facile de constater que l’actuel déploiements réguliers et massifs de contrôle de la population ne diminue en rien la délinquance.

Ce n’est pas de policiers, de gendarmes, de places de prison, de répression dont la société martiniquaise a besoin mais bien de développement économique, d’emplois, de résorption de la misère.

Mme TARRON est hors d’état de comprends cette réalité.

 

Il se développe une nouveau discours chez les hauts fonctionnaires ou politiques français, c’est le « chlordécone bashing ». Tout ce beau monde (dont encore Mme TARRON en suite du ministre CARENCO et autres) comprend que nous ne soyons pas contents et même choqués de ce qui se passe. On le saurait à moins.

Reste que cela ressemble à des pleurs de crocodiles.

Car contrairement à ce qu’il veut faire croire le pouvoir ne fait pas grand-chose pour faire un bilan de l’empoisonnement (Combien de morts ?) et mettre en place la remise en état du pays.

 

Alors que le combat sur le non-lieu est encore en cours, on ne peut être qu’étonné que la CTM pense utile de demander au gouvernement français de faire une loi d’orientation sur le chlordécone comme sorte de solde de tout compte. En effet, en l’état, curieusement, on ignore précisément à ce jour l’ampleur de la catastrophe. Combien déjà de morts ? Combien à en prévoir ? Ce pesant silence montre que ces Autorités n’entendent pas vraiment combattre ni les causes, ni les conséquence réelles du crime.

 

Quelques mots sur l’affaire RESPECT DOM.

L’association parisienne dirigée par un membre de la famille HAYOT a, en dépit de l’apport de deux avocats spécialistes dont l’un venant de Paris, subi une cinglante défaite devant le Tribunal Correctionnel de Fort de France.

Sur les 5 personnes poursuivies par RESPECT DOM, deux ont bénéficié de la prescription et trois ont été relaxés.

Ce n’est pas la première fois que la caste tente de se faire passer pour une minorité raciale que la loi doit protéger en tant que telle. Les poursuites contre la secrétaire générale de la CGTM pour avoir repris un slogan des manifestations de 2009 avaient déjà renvoyé dans les cordes cette thèse de la race à défendre.

Ce qui positionne les békés ce n’est pas leur couleur de peau. Certes, ils sont fiers de celle-ci, ce qui est, somme toute, leur problème, et veulent la préserver. Ce qui positionne les békés c’est leur place dans l’histoire de la Martinique et leur position de domination économique au travers des siècles. Ils ne sont pas plus une race que la noblesse française l’était en 1789. Et, c’est même pire car de nombreux nobles se sont rangés aux cotés du « tiers-état », phénomène inconnu en Martinique.

Au travers de cette affaire juridique, ce fut l’occasion de remettre les pendules à l’heure face aux délires « de la défense de la race » de nos nobliaux locaux !

 

Que les tenant du système se rassure. La caste béké est encore bien en place dans le cœur de la justice française en Martinique. L’acceptation par le Tribunal Mixte de Commerce du plan de redressement du groupe ANTILLES GLACE d’une composante de la famille Huygues-Despointes démontre bien que les intérêts de la caste ne sont pas en péril mais bien défendus.

Les salariés ont fait appel de ce jugement qui entérine la position du pot de fer contre les pots de terre.

 

On reviendra là-dessus bientôt.

 

Le 26/04/23

 

Raphaël CONSTANT

Avocat et Militant

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