Les explications fallacieuses du vote pro-Le Pen aux Antilles et en Guyane

     Suite au score mirobolant des "Ultramarins" en faveur de Marine, ce qui a fait d'eux des "UltraMarines" (pour faire une plaisanterie facile), on a vu fleurir toutes sortes de déclarations et d'analyses chez nos politiques, journalistes et autres commentateurs facebookiens.

     A entendre ces brillants esprits, ce vote émanerait d'un "mouvement de colère" des populations des derniers confettis de l'Empire envers le Diable à savoir Macron-obligation-de-la-vaccination et de sa politique "en faveur des riches". Déjà, il y a un premier problème dans cette explication : Macron n'est pas le premier président français qui soit "en faveur des riches" car tel fut aussi le cas de Pompidou, Giscard, Mitterrand (une fois le Parti socialiste rallié au néo-libéralisme), Hollande et Sarkozy, or les électeurs martiniquais n'avaient pourtant pas plébiscité Jean-Marie, le papa de Marine. Macron serait-il donc pire que ses prédécesseurs ? 

    Evidemment non ! 

    Donc l'explication avancée par nos différents commentateurs est tout simplement foireuse. Le deuxième argument avancé par eux est que les mêmes électeurs qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour ont donné leur voix à Marine Le Pen au second. D'où l'on voit bien qu'il s'agit d'"un vote de colère", nous assènent-ils doctement, et pas un vote d'adhésion. Problème : une saine colère__oui, "saine"__aurait dû s'être traduite au second tour par une abstention généralisée et non par un vote pour un parti anti-nègre, anti-musulman et antisémite. Si 80% des électeurs antillais et guyanais s'étaient abstenus au second, là oui, l'argument de la "colère" serait recevable. Or, tel n'a pas été le cas ! Le taux d'abstention a été identique à celui de toutes les élections dans nos régions et quand on voit certains bomber le torse en proclamant qu'ils ont toujours donné pour consigne aux Martiniquais de ne pas voter aux "élections présidentielles françaises", on ne sait pas s'il faut sourire ou carrément pleurer. Car enfin, l'actuel maire de Fort-de-France n'a-t-il pas été élu par seulement 22% du corps électoral et l'actuel député du sud de la Martinique par seulement 28% ? Quelle que soit donc l'élection__municipale, législative, présidentielle ou européenne__on retrouve à peu près le même taux d'abstention. 

   La réalité est que les scores de Mélenchon, puis de Le Pen, sont la manifestation d'une colère irrationnelle contre la vaccination. Ce sont des scores antivax ! 

   Colère irrationnelle parce que rien de ce qui a été dit de l'extrême dangerosité des vaccins à ARN Messager ne s'est révélé vrai. En Occident, plus de 80% de la population a été piquée au Pfizer ou au Moderna, or à la date d'aujourd'hui, on n'a assisté à aucune hécatombe en France, en Allemagne, en Angleterre ou aux USA. Là, par contre où il y a eu une hécatombe, c'est bien en Martinique avec 900 morts pour une minuscule population de moins de 400.000 habitants ! Pas besoin d'avoir un doctorat en arithmétique pour savoir que ces 900 morts correspondraient à plusieurs dizaines de milliers de morts dans un pays de 67 millions d'habitants comme la France. On mesure l'irresponsabilité de nos politiques, syndicalistes, intellectuels, artistes et autres qui sont monté au créneau contre la vaccination, eux qui sont censés éclairer "lè pep". Ou de ceux qui se sont réfugiés dans un mutisme hypocrite ou intéressé (électoralisme oblige). Ne surtout pas aller à contre-courant de ce dernier même s'il se trompe car il risquerait de ne plus voter pour nous à l'avenir ! 

   Pire : ceux qui ont laissé dire que la vaccination est une entreprise "colonialiste" similaire à l'empoisonnement de nos populations par le chlordécone. Du grand n'importe quoi ! A ce compte-là, le colonialisme est donc responsable du cyclone Hugo, des tremblements de terre ou de l'invasion des sargasses. Aussi pire : ceux qui ont mis l'hécatombe sur l'insuffisance criante des moyens médicaux et des hôpitaux en "Outremer". Car enfin, non seulement il y a maints déserts médicaux dans l'Hexagone mais de plus, nous sommes des colonies. Pourquoi la Métropole colonialiste traiterait-elle mieux ses colonies que son propre territoire ? Certains attendraient-ils de l'Amère-patrie qu'elle construise à Fort-de-France ou à Pointe-à-Pitre la réplique exacte de l'hôpital américain de Neuilly ? Infantile ! Quant à ces politiciens qui ont réclamé à cors et à cris "une gestion locale de la pandémie", oublient-ils ou feignent-ils d'oublier qu'en janvier 2010, "lè pep" avait rejeté à 80% un tout petit début de responsabilité locale ? 

   Bref...

   Un descendant d'esclave, quelle qu'en soit la raison, n'a pas le droit de déposer un bulletin dans l'urne pour un parti qui prône la suprématie blanche. Quelle qu'en soit la raison ! Le faire revient purement et simplement à insulter tout le travail de désaliénation entrepris par Aimé Césaire, René Ménil, Frantz Fanon, Edouard Glissant et tant d'autres. A insulter aussi la mémoire de tous ces combattants anonymes que furent les Nègres-marrons du temps de l'esclavage, les ouvriers agricoles assassinés par la soldatesque coloniale lors de l'Insurrection du sud de 1870, de la grève du François de 1901 ou de Février 1974, les manifestants de décembre 1959 en Martinique ou mai 1967 en Guadeloupe. Ou encore ceux qui avaient envahi la piste de l'aéroport du Lamentin pour interdire à l'avion à bord duquel se trouvait le papa de Marine d'atterrir en 1987.

   Non, trois non, cent fois non ! Un descendant d'esclave n'a pas le droit  de voter pour un parti qui veut "renvoyer les Noirs et les Arabes chez eux", qui parle de "Grand Remplacement" de la population blanche par "des hordes de basanés", qui prône surtout le maintien des liens coloniaux entre la France et "l'Outremer". Quand un peuple sombre dans l'irrationalité, chose hélas fréquente chez nous (exemple : en février 2009, il manifeste en déclarant que Péyi-a sé ta nou, sé pa ta yo ! mais en janvier 2010, il vote massivement pour rester entre les bras de ce même "Yo"), il est du devoir des élites, particulièrement des politiciens, de dire clairement à ce même peuple qu'il est dans l'erreur au lieu de le caresser dans le sens du poil. 

   Quand nous parlons du "peuple", nous ne pointons évidemment pas du doigt les 30% qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté mais des autres. De tous les autres...qui avaient le choix de s'abstenir ou de voter blanc.

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