Jeudi 27 mars, l’UGC Les Halles affiche complet pour l’avant-première de Fanon. Et pourtant, à quelques jours de la sortie du film, la distributrice Amel Lacombe lance un cri d’alarme : « Mercredi prochain (2 avril), le film est censé sortir, mais aucune salle d’art et essai de Paris n’en veut », s’inquiète-t-elle.
Dépitée, elle explique : « Personne ne va dire : “Je ne prends pas le film parce que j’aime pas les Algériens, les Noirs, les Arabes.” Non, ils vont dire : “Le film n’est pas assez art et essai, il est trop commercial, trop de musique, les acteurs jouent comme ci, c’est un biopic trop classique. Les jeunes n’iront pas, c’est un film de vieux.” »
Elle ironise, mais son agacement est évident : « Tout ça, c’est du blabla. En France, on aime bien les histoires Pocahontas, les filles arabes ou noires qu’on sauve de méchants garçons musulmans grâce à la civilisation, la musique et le cul. Je me lâche, j’en ai marre. Ça fait 25 ans que je fais ce métier et franchement, j’y crois plus. » Applaudissements dans la salle. Il y a des vérités qui frappent.
Le film de Jean-Claude Barny se concentre sur un moment crucial de la vie de Frantz Fanon, psychiatre martiniquais devenu l’une des figures majeures de l’anticolonialisme.
Entre 1953 et 1956, Frantz Fanon est médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida, en Algérie. Là, il découvre les conditions inhumaines d’internement des patients algériens et se bat pour une approche plus humaine. Le colonialisme, dans ses aspects les plus cruels, se révèle jusque dans les esprits. Peu à peu, il bascule dans l’engagement politique et soutient secrètement le FLN en soignant les résistants.
Le film met également en lumière Josie Fanon, son épouse, un personnage souvent ignoré par l’histoire. Dans Fanon, Josie n’est pas une simple figure secondaire, mais une femme forte, essentielle dans la vie de son mari. C’est elle qui, par sa détermination, le convainc de rester et de poursuivre son combat malgré les doutes.
Dix ans de travail, d’écrits, de recherches : Fanon a été un projet semé d’embûches. Faute d’autorisation pour tourner en Algérie, Jean-Claude Barny a dû déplacer le tournage en Tunisie et au Luxembourg. Mais il ne se décourage pas :
« Quand j’avais 15-16 ans, j’allais à la bibliothèque d’Argenteuil, raconte Barny. J’ai découvert un livre de Fanon. Ça m’a aidé à comprendre que je pouvais me construire autrement que dans le narratif qu’on me servait dans les médias ou chez certains politiques. »
Avec ce film, Barny boucle une boucle : « Depuis mon premier long-métrage, Fanon m’accompagne. Ce film, c’est l’aboutissement de toutes les thématiques que j’ai traitées. Avec l’Algérie en point central, parce que c’est là que s’est forgé le mythe de Fanon. »
Alexandre Bouyer incarne Fanon avec intensité, tandis que Déborah François interprète Josie, une femme qui prend toute sa place dans l’histoire. Stanislas Merhar campe un sergent Rolland complexe et nuancé. La mise en scène de Barny cherche à rendre palpable la pensée de Fanon, portée par une bande-son mêlant jazz et sonorités maghrébines.
Barny veut que Fanon ait un impact : « J’espère que ce film aidera à comprendre comment fonctionne le racisme, qu’il donnera des armes aux concernés pour se défendre. »
Fanon est un film essentiel, surtout à une époque où certains tentent de réécrire l’histoire en présentant la colonisation sous un jour édulcoré. Le film interroge, secoue. Il doit être vu.
Mais encore faut-il qu’on lui en laisse la chance. Parce qu’un film sur Fanon qu’aucune salle d’art et d’essai parisienne ne veut – ou ne peut – montrer, ça en dit long sur ce qu’il reste à déconstruire…
Paris, UGC Les Halles, le 27 mars 2025 – Salle comble pour l’avant-première de Fanon, en présence de l’équipe du film et d’un public conquis. Photo : Nadir Dendoune
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