L’histoire oubliée de Raymond Babylas Amory, ce Martiniquais qui s’est sacrifié en Normandie en 1940

C’est un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale : le 18 juin 1940, un pilote de l’Aéronavale, Raymond Babylas Amory, originaire de Martinique, trouvait la mort au terme d’un combat épique au-dessus des marais d’Auvers dans la Manche. Un historien amateur nantais veut honorer la mémoire de ce « héros oublié ».

Raymond Babylas Amory est mort le 18 juin 1940, le jour où le général De Gaulle lançait son célèbre appel. Lui, l’enfant de Fort-de-France qui avait grandi à Toulon et était devenu pilote de l’Aéronavale, est tombé à l’âge de 22 ans, abattu par un Allemand dans les marais d’Auvers (Manche) au terme d’un combat aérien épique.

« Je veux rendre hommage à ce héros oublié », explique Romain Verardo. Le Nantais, chef d’entreprise trentenaire, s’est lancé début 2024 sur les traces du jeune homme dont il souhaite raconter l’histoire dans un livre-enquête. « Il pourrait être le premier pilote de couleur de l’Aéronavale. »

 

Samedi 23 novembre 2024, Romain Verardo (à droite) s’est rendu à Auvers (Manche) pour y rencontrer Côme Hérout, ancien maire de la commune, et Marcelle Lemeltier, témoin du combat aérien du 18 juin 1940. (Photo : Romain Verardo)

Il aurait abattu un avion allemand

C’est en faisant des recherches sur le passé de Cécile Lemeltier, la grand-mère de sa conjointe, que Romain Verardo a entendu parler d’Amory. Marcelle Lemeltier, sœur de Cécile, lui a raconté qu’un avion allemand s’était crashé le 18 juin 1940 juste devant la maison familiale. L’une des autres filles Lemeltier, Andrée, avait été blessée au bras ce jour-là. L’aviateur allemand avait réchappé au crash. C’est le second maître Raymond Babylas Amory qui aurait abattu cet avion, estime Romain Verardo au vu de plusieurs éléments qu’il a recueillis.

 

Ce combat aérien au-dessus des marais d’Auvers, Méautis, Carentan, a également fait l’objet d’un article dans le journal « Messager de la Manche » du 27 juillet 1940. (Image : Messager de la Manche du 27 juillet 1940)

« Deux articles de presse, du Cherbourg Éclair le 1er août 1940 et du Messager de la Manche du 27 juillet 1940, évoquent cet incident et confirment qu’Amory aurait abattu un avion allemand, explique le Nantais. Je me suis attaché à ce personnage et j’ai eu envie de lui rendre l’histoire qu’il mérite. »

Issu d’une famille d’esclaves

Romain Verardo a découvert que Raymond était né à Fort-de-France le 24 janvier 1918. « J’ai retracé sa généalogie sur plusieurs siècles. Il était issu d’une famille d’esclaves. »

Son père s’appelait Fernand Amory et était canonnier dans l’armée française, sa mère se prénommait Marie Irène. La famille s’était installée à Toulon quand Raymond était enfant. Brillant, le jeune Martiniquais a passé ses diplômes de mécanicien puis de mécanicien aéro, jusqu’à l’obtention de son brevet de pilote de l’Aéronavale le 30 décembre 1939.

 

Raymond Babylas Amory, sur la photo de sa remise de diplôme de pilote de l’Aéronavale, prise le 30 décembre 1939 à Hourtin, en Gironde. (Photo : Association Ardhan)

 

En juin 1940, Raymond Babylas Amory se trouve à Querqueville avec son unité. « Face à l’avancée de l’armée allemande, son unité doit se replier sur Rochefort, raconte Romain Verardo. Durant ce transfert, elle croise une formation allemande de Messerschmitt de la Luftwaffe. » C’est lors de cet épisode que l’avion Bloch MB151 d’Amory est abattu, avant de s’écraser dans le marais des Saussaies à Auvers.

« À 22 ans, il s’est sacrifié »

« Amory avait face à lui une puissante escadrille allemande. Il a sauvé ses copains en livrant, entre Carentan, Méautis et Auvers, un combat héroïque durant lequel il a multiplié les piqués à ras du sol, détaille l’historien amateur. À 22 ans, il s’est sacrifié. On ne peut pas se contenter de deux lignes sur lui, souvent fausses, dans certains livres. »

Si l’Histoire n’a pas retenu le nom du jeune pilote martiniquais, « il est devenu un enfant d’Auvers. Des habitants ont veillé sur son corps : des soldats de la Première Guerre mondiale, des membres de la Jeunesse catholique, des femmes de la commune… » Sur sa sépulture, son nom a été mal orthographié : il y est nommé Raymond Amaury…

Retrouver la famille d’Amory

« En 1994, son corps avait alors été déplacé pour le mettre dans le carré des corps restitués au cimetière d’Auvers, en présence d’un représentant de l’Aéronavale. Sur les photos de l’époque, il y a des enfants. J’aimerais retrouver sa famille, pour échanger avec eux. »

 

Ce combat aérien au-dessus des marais d’Auvers (Manche) a été relaté dans le journal « Cherbourg Éclair » du 1er août 1940. (Image : Cherbourg Éclair du 1er août 1940)

 

Raymond Babylas Amory n’était pas marié. A-t-il eu des frères ou sœurs ? se demande Romain Verardo qui poursuit son long travail d’investigation afin « de retracer ses derniers jours ». Après être venu le samedi 23 novembre 2024 à Auvers, il compte se rendre aux archives du musée de l’Aéronovale à Rochefort mais aussi à Toulon pour « retrouver la tombe de sa mère et le quartier dans lequel il habitait » et peut-être, si le propriétaire du terrain est d’accord, fouiller les lieux du crash dans la Manche. « L’avion a été récupéré après guerre par des ferrailleurs mais je trouverai peut-être quelque chose sur place… »

Contact : Romain Verardo à l’adresse mail : amoryauvers@protonmail.com. Pour l’aider à financer ses recherches, il a créé une cagnotte en ligne sur le site Internet Leetchi.  

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