Leçons de la Catalogne

   A 59 ans, il cède la présidence de son parti et redevient simple militant. Non, ce n'est pas le début d'un roman de politique-fiction, mais bel et bien la réalité : Carles Puigdemont quitte la direction de son parti Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne). En quoi cela nous concerne-t-il, nous autres Antillais, se demandera-t-on ? Et d'abord c'est où la Catalogne ?

   Eh bien, en 2017, la Catalogne avait tout simplement tenté de faire sécession d'avec l'Espagne, le parti de Puigdemont ayant organisé un référendum (illégal selon l'Espagne) sur l'indépendance. Référendum remporté par les indépendantistes ! Il s'en était suivi une répression des autorités espagnoles d'une férocité inouïe comme on peut le voir sur les photos ci-après. 

 

34

 

 

   Carles Puigdemont et ses principaux collaborateurs avaient même dû fuir en Belgique (pour se mettre sous la protection de l'Union Européenne) car ils risquaient la prison à vie. Ils y sont toujours à la date d'aujourd'hui et le récent congrès de leur parti au cours duquel Puigdemont a cédé sa place de président s'est déroulé dans le sud de la France. Revenons donc à notre question : en quoi cela nous concerne-t-il, nous, Martiniquais ? Quelles leçons pourrions-nous tirer de ce qui s'est passé en Catalogne ?

   D'abord celle-ci : la question de l'indépendance ne saurait être une question raciale. En effet, Catalans et Espagnols sont tous Blancs, Catalans et Espagnols sont tous chrétiens et leurs langues sont soeurs (le catalan est plus proche de l'espagnol que ne l'est le créole du français). Cette banalité (l'indépendance n'a rien à voir avec la race) semble complètement inconnue de bon nombre de militants indépendantistes martiniquais et des partis auxquels ils sont affiliés. Pourtant, pas besoin d'un doctorat en sciences politiques pour le savoir : Québécois et Canadiens anglophones sont tous Blancs ; Tchèques et Slovaques aussi pourtant ils ont cassé la Tchécoslovaquie en deux pays distincts ; Soudanais du nord et Soudanais du sud sont tous Noirs ("Sudân" en arabe signifie "pays des Noirs") et pourtant ils se sont, eux aussi séparés en deux états ; Tibétains et Chinois sont tous "Jaunes" et pourtant etc...etc... La racialisation de la lutte pour la souveraineté nationale martiniquaise est de l'enfumage visant à cacher le manque de cojones des leaders autonomistes et indépendantistes.

   Car, des cojones, Puigdemont et ses amis en ont eu ! Démocratiquement élus et majoritaires à l'assemblée catalane, sans demander la-permission-s'il-te-plaît au Papa espagnol, ls ont tout aussi démocratiquement organisé un référendum sur l'indépendance qu'ils ont remporté sans tricheries, des observateurs internationaux étant présents dans les principaux bureaux de vote. En Martinique, on ne verrait jamais un parti autonomiste ou indépendantiste, devenu majoritaire autrefois à la Région, aujourd'hui à la CTM, organiser un référendum sur l'autonomie ou sur l'indépendance. Ils attendraient que le soit le Papa français qui l'organise ! Pourtant, la Martinique a dix fois plus de raisons objectives de vouloir se séparer d'un pays qui se trouve à 7.000 kms de lui que la Catalogne et l'Espagne, le Québec et le Canada anglophone, la Tchéquie et la Slovaquie, le Soudan du Nord et le Soudan du Sud, le Tibet et la Chine, pays qui sont séparés par... 0 (zéro) kilomètre. Qui sont frontaliers, si l'on préfère. 

   L'autre enseignement que nous pouvons tirer de l'expérience catalane est que la revendication de souveraineté nationale n'a pas besoin d'être forcément de gauche ou d'extrême-gauche. La Junts per Catalunya de Puigdemont est un parti de...droite ! D'ailleurs, les partis indépendantistes québécois, écossais, kabyles (Algérie), tibétains, casamançais (Sénégal) etc...ne se réfèrent pas à Marx, Lénine, Mao ou Castro. Il n'y a qu'en Martinique et en Guadeloupe que les mouvements autonomistes et surtout indépendantistes sont tous de gauche ou d'extrême-gauche. Or, à quoi ça sert de se référer à Castro ou à Guevara si, lorsqu'on arrive au pouvoir, on n'est pas foutu, on n'a pas assez de cojones pour organiser un référendum sur l'autonomie ou sur l'indépendance sans en demander la permission à l'Etat dit "colonial" ? On nous répondra que ce serait illégal. La belle affaire ! Le référendum catalan de Puigdemont n'était-il pas illégal aux yeux de l'Etat espagnol ?

   On nous répondra aussi qu'il y a le risque que le "OUI" à l'autonomie ou à l'indépendance soit rejeté à 80% comme le fut en janvier 2010 l'Article 74 qui pourtant n'aurait accordé qu'un tout petit début de commencement d'autonomie. A cette crainte d'un rejet massif, il convient de répondre ceci : les Martiniquais doivent savoir ce qu'ils veulent. POINT BARRE. Ce ne sont pas des enfants ! Soit ils prennent leur destin en main soit ils décident de rester français ad vitam aeternam mais à ce moment-là qu'ils arrêtent leurs sempiternelles vitupérations anti-békées et anti-"métros". On ne saurait avoir le beurre, l'argent du beurre et l'arrière-train de la fermière en prime. 

  NB. Puigdemont, 59 ans, a démissionné et est redevenu simple militant de son parti pour, a-t-il déclaré, "faire place à la jeunesse". Or à la Martinique, des quinquagénaires et sexagénaires ont démissionné avec fracas d'un certain parti indépendantiste au motif que son leader, octogénaire, serait trop vieux. Conclusion : en Catalogne, on est vieux à la soixantaine alors qu'en Martinique, on est jeune. Interdit de rire !...

 

5

Connexion utilisateur

Commentaires récents