Plus d'un mois après le démarrage des manifestations contre la vie chère et pour l'alignement des prix des produits alimentaires sur ceux de la "Métropole", les élites martiniquaises sont toujours en état de sidération.
Sidération totale qui frappe surtout ces "grands défenseurs du petit peuple" qu'affirment être nos autonomistes, indépendantistes, souverainistes et autres partisans autoproclamés du desserrement de nos liens, désormais vieux de 4 siècles, avec celle qu'un vote de l'Assemblée Nationale avait décidé en 2023 de nommer désormais "Hexagone" et non plus "Métropole". Apparemment cette décision n'a pas traversé l'Atlantique, ce qui en dit long sur nos parlementaires censés être des relais entre le Pouvoir central et nous.
Cette sidération frappe tout autant nos syndicalistes qui, pour certains, tentent démagogiquement de s'accrocher à un mouvement qui, dès le départ, avait décidé de les ignorer, voire de les tenir à l'écart. Quant à nos intellectuels, ils se cachent comme d'habitude. Comme pour le chlordécone qui fait de notre île le N° 1 mondial du cancer de la prostate, comme pour le scandale de la SODEM qui a exproprié des dizaines de "malheureux" pour faire passer le TCSP sans dédommager ces derniers, comme pour la volatilisation de 10 millions d'euros dans la comptabilité de l'Université des Antilles par la faute d'un groupe de recherches appelé CEREGMIA, comme pour le SMTVD censé gérer nos déchets et dont certains dirigeants ont commis des malversations en toute impunité etc...etc...
Sidération de nos politiques en premier lieu, notamment de la CTM, qui s'est vue contrainte d'organiser des rencontres pour discuter de la vie chère après que l'Etat français, par le biais de son préfet, en avait fait de même quelque temps auparavant. Rencontres qui, à ce jour, n'ont abouti à rien car les distributeurs et autres Békés freinent des quatre fers, jouant sur l'épuisement du mouvement de révolte et sur le caractère pour le moins irréaliste, voire surréaliste, de la demande formulée par les manifestants. Demande d'ailleurs non seulement irréaliste mais porteuse à moyen terme de la disparition de la déjà maigrichonne production locale. Le seul protagoniste à avoir conservé son sang-froid dans cette affaire est... l'Etat français pour lequel le mouvement des aligneurs de prix est une sorte de mouvement des Gilets Jaunes tropicaux. Et face ça, il sait y faire : flics, GIGN, CRS etc...
En y regardant de plus près, on se rend compte que ce mouvement de révolte témoigne de deux choses :
. un conflit générationnel d'abord : face à une classe politique, syndicale et intellectuelle composée de sexa-septua-octogénaires, on a un mouvement dirigé par des quadragénaires. Ces derniers sont des experts en communication numérique tout comme leur alter ego du vaste monde : WhatsApp, Instagram, vidéos etc... Toutes choses qui sont assez peu utilisées, voire inconnues de nos élites vieillissantes et qui sont d'une efficacité redoutable. Ainsi, une simple vidéo de quelques minutes montrant un leader activiste en train d'haranguer ses partisans ou une manifestation des aligneurs de prix dans un supermarché a cent fois plus d'impact qu'un long article (y compris celui-ci !) tentant d'expliquer ou d'exposer des arguments qui passent par-dessus la tête de Ti-Sonson.
. une divergence fondamentale quant à notre rapport avec la France. Nos élites vieillissantes sont dans l'idéologie dite "émancipatrice", elles se veulent héritières de la pensée des Césaire, Ménil, Fanon, Glissant etc... et souhaitent pour certaines l'autonomie, pour d'autres l'indépendance. Elles ont ainsi réussi à soit éliminer le camp assimilationniste ou pro-français du paysage politique martiniquais soit à contraindre celui-ci à rejoindre ses positions (le GRAN SANBLE s'alliant avec BA PEYI-A AN CHANS ; la totalité des élus de la CTM (moins 1 abstention) votant en faveur de la co-officialisation du créole alors que dans les années 80, tout partisan du créole était considéré comme un indépendantiste ou en tout cas un anti-français. Or, le mouvement actuel est principalement économique : "Baissez les prix !" est le principal mot d'ordre des militants qui investissent régulièrement les supermarchés. Il ne parle ni d'autonomie et encore moins d'indépendance (ce qui serait absurde car personne à Barbade ou à Sainte-Lucie ne manifesterait pour exiger que le prix du bacon soit identique dans leurs îles et en Angleterre).
Ce conflit générationnel et cette divergence fondamentale témoignent en fait de l'impasse dans laquelle se trouve la Martinique depuis la loi de Départementalisation/Assimilation de 1946.
Certes, cette loi a permis la Sécurité Sociale, l'Allocation-chômage, l'Allocation parent isolé, les 40% des fonctionnaires, la CMU etc...ainsi que la considérable amélioration des infrastructures (routes, écoles, hôpitaux etc...) MAIS A QUEL PRIX ? Celui de la déresponsabilisation de nos élites et le recours permanent à la (prétendue) généreuse manne de Manman la France et de Papa l'Europe. Situation qui a des aspects souvent tragicomiques comme le fait que nos collectivités sont régulièrement incapables, pour ne prendre que ce seul exemple, de consommer les fonds européens qui nous sont alloués avant le 31 décembre de chaque année, chose qui choque nos voisins caribéens indépendants. Etant donné que lesdits fonds nous sont renouvelés régulièrement pourquoi s'en faire ? Nous n'avons pas su, nos élites vieillissantes plus exactement, utiliser cet argent pour enclencher un vrai processus de développement endogène malgré nos belles déclarations sur l'autonomie alimentaire, l'autonomie énergétique etc... Au point que si jamais une 3è guerre mondiale éclatait et que notre cordon ombilical avec la "Métropole" en venait à être coupé, nous nous retrouverions dans une situation bien pire que celle de l'époque de l'Amiral Robert.
Face à l'incurie de nos élites politiques, syndicales et intellectuelles, se pose la fameuse question de Lénine : QUE FAIRE ?
En fait, la loi de départementalisation/assimilation nous a piégés. Nous sommes comme des crabes dans une ratière. Car de deux choses l'une : soit l'Etat français parvient, comme pour les Gilets Jaunes, à mater la contestation, cela par la force ; soit les aligneurs de prix gagnent leur combat et la vie devient alors moins chère, ce qui sera évidemment bénéfique pour les 30% de Martiniquais qui vient sous le seuil de pauvreté mais qui à moyen terme sera désastreux pour notre économie ou ce qui en tient lieu. SANS REVENDICATION POLITIQUE CLAIRE, dans les deux cas nous continuerons à tourner en rond dans la ratière qui nous a été imposée. Les responsables de cette impasse sont dans l'ordre, les Békés blancs et les Békés de couleur, ensuite notre classe politique, syndicale et intellectuelle, enfin les 70% qui ne vivent pas sous le seuil de pauvreté (sinon pourquoi aurions-nous quasiment 1 voiture par habitant ?).
LE VRAI PROBLEME EST DE SAVOIR CE QUE VEULENT VRAIMENT LES MARTINIQUAIS.
Veulent-ils rester français ad vitam aeternam ou vont-ils enfin se décider à s'émanciper de la France comme l'ont fait nos voisins caribéens d'avec l'Espagne et l'Angleterre ? Or, nous ne le savons pas nous-mêmes ! Nous votons, par exemple à 80% contre un tout petit début de commencement d'autonomie (Article 74), une poussière d'autonomie même, mais DANS LE MEME TEMPS nous développons un discours noiriste dans la vie de tous les jours ("Les Blancs ceci, les Blancs cela...) qui s'enferre dans le racialisme (et non le racisme qui est la croyance que sa "race" est supérieure aux autres). Ce noirisme est d'ailleurs l'un des symptômes de notre infantilisme et de notre impuissance à changer les choses. Il ne gêne pas vraiment ou en tout cas il ne met pas vraiment en danger la tutelle française. Qu'est-ce que ça peut lui faire, à cette dernière, que des Martiniquais se croient ou s'affirment descendants de Toutankhamon ? Elle s'en contrefout !
Conclusion : il faut que les 70% de Martiniquais qui ne vivent pas sous le seuil de pauvreté sachent ce qu'ils veulent vraiment car aucun prolétaire n'est allé voter contre l'Article 74. Pour un prolétaire (pour les 30%), chaque jour est un combat pour tenter de survivre et il n'a pas le loisir de se déplacer pour aller déposer un bulletin dans l'urne, chose qui explique notre taux d'abstention invraisemblable à chaque élection. Ainsi, nos députés soi-disant "souverainistes" n'ont été élus que par 25% du corps électoral et ne se sentent pas gênés aux entournures de siéger à l'Assemblée nationale aux côtés de députés "métropolitains" qui, eux, l'ont été par 40, voire 45% du corps électoral de leur circonscription. Tout ce qui semble les intéresser c'est d'être réélus afin de continuer à percevoir leurs 7.500 euros mensuels de député basané de la République Une et Indivisible tout en continuant imperturbablement à bavasser sur "notre souveraineté".
La grève générale d'1 mois de février 2009 l'a montré et démontré : tant que les Martiniquais (les 70% au premier chef) ne se décideront pas à regarder les choses en face et à "prendre une décision avec eux-mêmes" comme on dit en créole, notre île continuera à être secouée par des mouvements de révolte qui ne changent rien FONDAMENTALEMENT à notre situation. Mais qui, violence coloniale oblige, laissera inévitablement des gens sur le carreau : grève de l'Usine du François en 1901, émeutes de Décembre 59 à Fort-de-France, répression sanglante des ouvriers de la banane à Basse-Pointe et au Lorrain en Février 74 etc...Ne faudrait-il pas mettre fin à cet éternel remake ?
La seule solution qui s'offre à nous est pourtant simple : sortir de la ratière. Sans haine de la France ni détestation du "Blanc" et accepter de vivre avec ce que nous avons.
Comme le font nos voisins caribéens...
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite
Rien de plus facile que de modifier la constitution. Lire la suite
En droit français actuel PERSONNE ,même pas Macron ne peut "octroyer" l'indépendance à un territo Lire la suite