Maurice : le Royaume-Uni restitue l’archipel Chagos, la base américaine est maintenue

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a signé l’accord de restitution à l’Île Maurice de cet archipel, stratégiquement situé dans l’Océan indien. La justice britannique a débouté un recours qui voulait l’annuler. Dans les années 1960 et 70, le Royaume-Uni avait expulsé les populations locales pour installer une base militaire américaine, qui va rester.

Londres solde les comptes de feu son Empire colonial : les îles Chagos, au cœur de l’océan Indien, vont être restituées par le Royaume-Uni à Maurice après soixante ans de litige. Le maintien sur place de la base militaire américaine de Diego Garcia est garanti.

L’accord a été signé, ce jeudi 22 mai, a annoncé le Premier ministre britannique Keir Starmer. Il avait temporairement été bloqué par une ordonnance de la justice dans la nuit de mercredi à jeudi. En effet, le recours de dernière minute, déposé par deux Chagossiennes, Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe qui accusaient notamment le gouvernement britannique d’avoir pris cette « décision importante sans consultation », a été débouté par la justice britannique.

Les habitants déplacés et leurs animaux massacrés

Ce ne sont pas les eaux turquoises où l’éco système, avec plus de 300 espèces de coraux, de ces 55 îles qui ont poussé le Royaume-Uni à s’accrocher aussi longtemps à cet ensemble de sept atolls.

Vidéo associée: Le Royaume-Uni rétrocède l'archipel des Chagos à l'île Maurice (Dailymotion)

En effet, lorsque Maurice accède à l’indépendance en 1968, Londres garde la main sur les îles Chagos (britanniques depuis 1814 et rattachés à la colonie de Maurice en 1903) moyennant un dédommagement de trois millions de livres (équivalent à 3,5 millions d’euros).

Pas question d’en faire un lieu de villégiature pour touristes anglais. Alors que les GI’s s’embourbent au Vietnam et que l’URSS domine une partie du globe, les États-Unis jettent leur dévolu sur l’atoll Diego Garcia, le plus vaste de l’archipel, pour y déployer une base militaire louée par le Royaume-Uni. Washington dispose depuis d’un « super porte-avions », plaque tournante pour les bombardiers à longue portée, précieux pendant les guerres en Afghanistan et en Irak. Entre 2500 et 3 500 militaires et civils américains (selon les déploiements d’unités) y sont basés.

Pour contenter son allié, le gouvernement britannique a expulsé sans droit de retour, entre 1968 et 1973, les quelque 2 000 personnes qui habitaient les îles. Ils descendaient de travailleurs indiens, venus sur place après l’abolition de l’esclavage en 1834, qui se sont mêlés aux descendants des esclaves africains installés durant la colonisation française au XVIIIe siècle. Le personnel britannique les traite de « Tarzans et de [s] Vendredis » dans des communications internes.

 

L’ONG Human Right Watchs a publié, en 2023, un rapport de 103 pages qui dénonce ce « crime colonial ». Les Chagossiens, dont les animaux domestiques ont été exterminés, se sont vus entassés entre des bidonvilles à l’île Maurice et la ville de Crowley, dans le Sussex (Angleterre).

La Cour internationale de justice, l’assemblée générale de l’ONU et le Tribunal international du droit de la mer ont, entre 2019 et 2021, validé les revendications de Maurice sur l’archipel. Pour les 10 000 Chagossiens, l’espoir de revenir chez eux s’est ravivé.

Un bail de 99 ans pour la base militaire

Après des discussions entamées en janvier 2023, Londres a accepté en octobre dernier de reconnaître la souveraineté de Maurice sur les Chagos, seulement si elle conserve la base de Diego Garcia. La finalisation du texte avait été ralentie par l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et un changement de Premier ministre à Maurice.

Dans leur recours, Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe mettaient en doute la capacité des autorités mauriciennes à « agir dans leur intérêt étant donné le mauvais traitement réservé aux Chagossiens ».

En effet, les Chogassiens ne pourront pas retourner sur l’île principale. Le Royaume-Uni dispose d’un bail de 99 ans prolongeable sur Diego Garcia contre un paiement de 101 millions de livres (120 millions d’euros) annuels. Ils la « sous-louent » au Pentagone jusqu’en 2036 selon le bail renouvelable.

La base de Diego Garcia, sur la plus grande île de l’archipel Chagos, occupe une place de premier ordre dans le dispositif de déploiement de l’armée américaine. Elle a été notamment utilisée lors des campagnes d’Afghanistan et d’Irak. Photo d’illustration d’octobre 2001.© AFP

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