Nantes. Afrique : Peter Lema rend hommage au professeur Anselin et à Marcel Zang

L'enseignant et chercheur, Alain Anselin, s’est éteint le 16 mai l'âge de 76 ans à Pointe-à-Pitre. Il était venu régulièrement venu à Nantes à l’occasion de rencontres et de colloques (1). Le Nantais Peter Lema, ancien référent principal du Collectif du 10 Mai lui rend hommage.

Peter Lema : «Le Professeur Anselin était un immense chercheur. Un homme fin, blagueur et subtil qui a ouvert nos yeux sur les politiques du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer), dans un ouvrage publié en 1979 combinant  analyse et enquête. Il a été enseignant à l’Université Antilles-Guyane. Il fut auparavant élève de Cheikh Anta Diop à Dakar. J’ai d’ailleurs lu quelque part que ce dernier le considérait comme un de ses grands héritiers.   Respecté par les égyptologues du monde entier, ainsi que par celles et ceux qui avaient compris l’intérêt capital de faire connaître les travaux qui ont permis que soit démontrée l’origine négro-africaine des hiéroglyphes égyptiens, le directeur des « Cahiers caribéen d’égyptologie », était aussi membre de « Présence Africaine » et contributeur de la « Revue Ankh ». Surnommé «L’Egyptologue de Dillon »,  Alain signait souvent à la fin de certaines correspondances par : La momie. Ses amis, ses proches et ses familles ont certainement vu quelque part cette signature. En 1998, lors du 150ème anniversaire de la seconde abolition française de l’esclavage, abolition qu’il considérait comme colonialiste (voir vidéo), il réunira  chercheurs des trois continents (Afrique-Amérique-Europe), et coordonnera un Colloque anti-esclavagiste.   Derrière l’humilité de cet historien intègre, on pouvait distinguer à la fois ténacité et rigueur dans ses recherches scientifiques. Derrière ce farouche combattant pour la Justice-Vérité, il y avait patience et pertinence dans sa transmission du savoir.   Récemment, quand nous lui avions envoyé le manuscrit du Tywara (ou Masque antilope), il avait fait part de son enthousiasme et y a contribué en commentant la présentation dans l'ouvrage du masque monumental TRIUMPH OF THE HUMAN SPIRIT, 2000 positionné face au Tribunal, à Manhattan, New York, USA. Pour mémoire, en 1991 à New York, à l’approche des célébrations des 500 ans du débarquement de Cristobal Colon dans les Amériques, des travaux mettent à jour au cœur de New York des dizaines de milliers de tombes d’Africains qui y furent détenus en esclavage entre 1625 et 1827. La mobilisation militante permet que ce lieu d’inhumation - African Burial Ground – soit formellement reconnu comme marqueur historique national - National Historic Landmark - et qu’en mémoire de ces martyrs de la cupidité humaine, soit érigé un mémorial englobant en plus de l’espace funéraire architectural de ré-inhumation, plusieurs œuvres mémorielles. Parmi les lauréats du concours, le Dr Lorenzo Pace l’emporte avec son oeuvre intitulée « Triomphe de l’Esprit Humain ». Or voici ce qu'Alain nous avait alors écrit: « très beau lien entre les Bords ! Le Triomphe de l’Esprit humain et le cimetière sont des lieux vrais ….rien à voir avec l'ambiguïté du Mémorial ACTe et les rodomontades de Jessie Jackson en Guadeloupe. Étudiez, devenez des traders ! le nouveau mot pour colon, de la planète entière ?  Oui, aujourd’hui nous sommes en deuil. Alain était de notre famille, il est bien en esprit un Gilet Jaune du Mémorial».

Et à Marcel Zang.

« Voilà trois ans, le 21 mai 2016, que Marcel Zang nous a quitté.

Nous sommes le 21 mai 2019, 3 ans jour pour jour depuis la disparition de Marcel Zang. Après l’hommage rendu le 20 juin 2016 Salle Vasse, précédé par celui du 10 juin 2016 à l'Espace Louis Delgrès, nous constatons qu’aucune initiative ambitieuse ne se profile pour la divulgation de ses œuvres. Marcel gênait de son vivant, ses textes continuent à gêner dans le présent. Le contexte politique actuel me pousse à conseiller aux lecteurs de découvrir ou de redécouvrir le texte « Le Programme » ou « Le Leu Leu ». Zang était un visionnaire. Je l’avais d’ailleurs mis en contact avec Alain Anselin, qui proposait de publier son texte « le devoir d’oubli » chez Présence Africaine. Il fallait associer ce texte avec d’autres. Cela a pris du temps et n'a pu malheureusement aboutir . La dernière diffusion de ce texte s’est faite le 10 Mai 2016 dans l’Humanité, 11 jours avant sa disparition. Après un hommage rendu lors du Printemps des Poètes 2017 à Rezé par Eva Yariveh et Niqolah Seeva, les organisateurs du Salon du Livre africain d’Angers m’ont accordé un bel espace en 2017 et 2018 pour défendre ses textes et ceux d’Aimé Cesaire et Léon-Gontran Damas à Angers, avec l’accompagnement musical de Maykèz.

Le 1er juin prochain, c’est l’association Afrique Loire qui organise un bel hommage marron à la Médiathèque Lisa-Bresner. C’est sa voix qui boucle la vidéo hommage à Alain Anselin, avec le texte "Combat de Nègre et de chiens" de Bernard-Marie Koltès

(1) 2009 : Première rencontre et interview au Musée du Château lors de la présentation de son ouvrage « Le Refus de l’esclavitude » en présence de son éditeur.

2010 : Atelier avec les membres du Collectif du 10 Mai Historique (2006-2016), et sa première conférence portée par les associations nantaises à la Médiathèque Jules vallès le 10 Mai 2010

2011 : Première rencontre internationale dans le cadre de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaines, 10 ans de la Loi Taubira sur le plan national, 10 ans de la conférence de Durban sur le plan international. Cette rencontre se tient le 7 mai Gare de l’Etat à l’initiative du Mouvement International pour les Réparations. Elle sera suivie d’une visite Square Toussaint Louverture. Les résolutions seront énoncées le 8 Mai Place Royale lors de la 6ème édition de la Marche sous le signe de la Résistance, et le 10 Mai lors d’un colloque international que nous avons organisé à l’Unesco-Paris, en collaboration avec le programme « La Route de l’esclavage ». Alain Anselin y était. Il reviendra à Nantes quelques mois après l’inauguration du mémorial de l’abolition de l’esclavage.

Marcel Zang