Nilor va-t-il démissionner de son poste de député ?

   Non pas pour avoir menacé un ministre de la santé de lui faire un coup de vaudou en pleine séance de l'Assemblée nationale, non pas pour avoir déclaré que "le fait d'être contre le viol ne fait pas de moi un anti-sexe", non pas pour avoir déclaré que le même ministre de la santé était intervenu en faveur d'Alfred Marie-Jeanne auprès de la justice pour que Chaben puisse se présenter aux élections législatives alors que ce dernier était sous le coup d'une condamnation pour déclaration de patrimoine incomplète, non pas pour avoir déclaré, en pleine Assemblée nationale, "Pour ma part, je suis fier d'avoir des ancêtres gaulois !",  non pas parce qu'il occupe la 563è place sur 577 députés en termes de semaines d'activités et le 568è en termes de présence aux réunions des commissions au cours de la législature qui s'est récemment achevée, non pas parce que Brutus a été vexé que son ex-mentor, Chaben, ait déclaré un jour à son sujet "Misié sé pa dépité-mwen, misié adan tout konplo kont-mwen !" etc...

   AWA !

   Rien de tout cela évidemment. Mais parce que ce qui suit...

10 députés NUPES iront-ils jusqu’à la démission pour que Paris écoute enfin « les Outre-mers » ?

Paul Vergès et Elie Hoarau avaient montré que la démission d’un mandat de député permettait de faire sauter les blocages pour améliorer la situation de la population

10 députés élus sous l’étiquette NUPES dont 6 de La Réunion ont tenu hier à Paris une conférence de presse commune pour dénoncer l’attitude du gouvernement. Les journalistes parisiens soulignèrent un discours fortement revendicatif insistant sur le blocage : le gouvernement ne veut pas entendre « les Outre-mers ». Comment gagner cette bataille en étant dans l’opposition ? Ces 10 députés vont-ils tirer les enseignements de cette impasse et présenter leur démission collective de l’Assemblée nationale pour créer un choc suffisamment grand afin que les « Outre-mers » soient enfin écoutés ? En 1987, un gouvernement avait fait voter un texte remettant en cause l’égalité inscrite dans la loi du 19 mars 1946. La démission des députés Paul Vergès et Elie Hoarau avait été le plus puissant élément déclencheur possible de la bataille décisive qui permit aux Réunionnais d’obtenir l’égalité sociale.

Hier, 10 députés élus sous l’étiquette NUPES dont 6 de La Réunion ont tenu une conférence de presse commune : Karine Lebon, Perceval Gaillard, Jean-Hugues Ratenon, Emeline K/Bidi, Frédéric Maillot, Philippe Naillet (La Réunion) ; Jean-Philippe Nilor (Martinique) ; Christian Baptiste (Guadeloupe) ; Davy Rimane (Guyane) et Jean-Victor Castor (Polynésie). Cette initiative rappelle les limites du cadre institutionnel dans lequel s’élaborent les lois. Étant membres de l’opposition à l’Assemblée nationale, ces députés n’ont que très peu de chance de voir leurs propositions adoptées, à moins qu’elles soient suffisamment rassembleuses pour avoir le soutien de la majorité parlementaire. Sur la question « pouvoir d’achat » dans les anciennes colonies françaises intégrées à la République, il semble difficile pour ces députés d’obtenir le soutien du groupe majoritaire à leurs propositions, d’où cette conférence de presse.
Ces parlementaires dénoncent l’absence de prise en compte de la situation sociale de leurs pays par le gouvernement. Ils restent donc pour le moment dans le registre de la protestation. En effet, la conférence de presse commune de 10 députés sur 577 sera-t-elle suffisante pour ébranler le gouvernement ?
Les propos tenus ont été suffisamment revendicatifs pour montrer le blocage de la situation, provoqué par les règles du parlementarisme. Dans ces conditions, pour que cette conférence de presse commune à 10 députés de 5 pays débouche sur des résultats, il est important de passer de la protestation à l’action pour dépasser les règles qui sont sources de blocages.
Afin de créer un choc tel dans l’opinion que le gouvernement puisse être ébranlé, ces 10 députés ont une arme très puissante à portée de main : la démission de leur mandat à l’Assemblée nationale.

La question du pouvoir d’achat est essentielle

En effet, comme l’a rappelé le 13 juillet dernier la CGTR, la question du pouvoir d’achat est essentielle. Et cela d’autant plus qu’à La Réunion, le coût de la vie est déjà plus élevé qu’en France, et que près de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ce sous-développement est commun aux anciennes colonies françaises devenues départements. Il explique donc la nécessité de mesures spécifiques qui sont donc d’une autre ampleur que celles pensées pour répondre à la crise en France.
Mais le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille, mettant en avant un risque de rupture d’égalité. Une prise de position qui fut à l’origine de réactions d’indignation de plusieurs députés.
Confrontés à un blocage analogue en 1987, les deux premiers députés PCR élus à l’Assemblée nationale allèrent directement dans le registre de l’action. Le 14 octobre 1987, Paul Vergès et Elie Hoarau avaient tenu une conférence de presse au Palais Bourbon pour annoncer qu’ils avaient transmis leurs lettres de démission de leurs mandats de députés. Deux raisons avaient poussé à cet événement sans précédent alors, et sans équivalent à ce jour.

Conférence de presse du 14 octobre 1987 à l’Assemblée nationale : l’annonce de la démission

Tout d’abord, le gouvernement avait fait voter une loi qui faisait des Réunionnais légalement des inférieurs aux citoyens de la République vivant en France. « Avec la loi-programme, il y eut un tournant qui nous fait retourner à un régime colonial », avait indiqué Paul Vergès. « Ce qui est inadmissible pour nous », ajouta Paul Vergés, « c’est que auparavant la loi disait que nous avons les mêmes droits, cette fois-ci, une loi décide que nous ne sommes pas suffisamment majeurs pour toucher l’intégralité des prestations sociales comme en métropole. Il ne s’agit pas pour nous d’une question d’argent, c’est un problème de dignité. Je ne me sens pas inférieur à M. Chirac ou à M. Pons, je n’accepterai jamais que mes enfants soient traités comme inférieurs à leurs enfants »
Ensuite, les deux dirigeants du PCR voulaient « protester contre une administration singulière de la Justice à La Réunion ».

Les deux premiers députés PCR démissionnèrent pour faire gagner l’égalité sociale

Cette démission fut un coup de tonnerre à Paris. En effet, depuis la création du PCR en 1959, la fraude électorale puis le mode de scrutin avait empêché le Parti communiste réunionnais d’avoir des députés. Il fallut attendre 1986, soit 27 ans, et le scrutin proportionnel pour qu’enfin puissent être élus des députés communistes réunionnais : le PCR remporta deux des quatre sièges alloués à La Réunion.
Le mandat des deux premiers députés PCR dura à peine un an. Prenant acte de l’impossibilité de gagner la bataille à l’Assemblée, Paul Vergès et Elie Hoarau décidèrent d’utiliser l’arme de la démission pour faire avancer la cause de l’égalité sociale. Cette démission fut le point de départ d’une grande campagne d’explication auprès de la population. Elle obligea François Mitterrand, candidat à un second mandat de président de la République, à inclure l’égalité sociale pour les Réunionnais dans son programme. Lors de la présidentielle de 1988, ce fut le triomphe du candidat de l’égalité. Dès lors fut enclenchée la marche vers l’amélioration considérable de la situation des plus démunis. Ce sont des milliards qui ont bénéficié à la population sous forme de hausse des salaires et de prestations sociales à La Réunion. Ce que le parlementarisme n’avait pas permis d’obtenir le fut par la démission et la mobilisation des deux anciens députés au cœur des luttes de la population réunionnaise.

La démission pour créer un rapport de forces favorable à la population

Nul doute que la démission de 10 députés issus 5 pays — La Réunion, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Polynésie — constituera un événement considérable de l’actualité politique en France. L’onde de choc ainsi créée obligera les partis parisiens et le gouvernement à tenir compte d’une situation nouvelle : 10 députés décident de démissionner pour que la voix des peuples qu’ils représentent soit enfin entendue par le pouvoir à Paris. Voilà qui sera de nature à placer la situation sociale de ces pays sous les feux de l’actualité. Ce sera aussi un signal donné à toutes les victimes de ce système qui produit chômage, pauvreté et vie chère : leurs députés sont solidaires et sont prêts à se battre à leurs côtés pour qu’un mouvement social puisse créer le rapport de force nécessaire à un changement de politique du gouvernement.
Paul Vergès et Elie Hoarau ont montré l’efficacité d’une telle stratégie. Il reste aux 10 députés NUPES de s’en emparer, et pourquoi pas à l’élargir aux autres élus « Outre-mers » sous cette étiquette, pour que le gouvernement entende enfin la voix des « Outre-mers ».

M.M.

 

Conférence de presse à l’Assemblée de députés NUPES « Outre-mers ». En 1987, Paul Vergès et Elie Hoarau avaient tenu une conférence de presse dans le même lieu pour annoncer leur démission de leur mandat de députés afin de lancer la bataille pour l’égalité sociale qui ne pouvait être gagnée au Parlement. Ces députés NUPES vont-ils utiliser cette stratégie qui fut efficace pour améliorer la situation de la population ?

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