Plus 45 % des descendants d’immigrés non européens subissent du racisme selon un rapport de l’Insee

C’est ce qu’on appelle le « paradoxe de l’intégration ». Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, « l’amélioration relative des conditions socio-économiques des descendants d’immigrés, le fait qu’ils soient nés et aient grandi en France, ainsi que leur citoyenneté française » ne les protège pas des situations de discriminations, souligne l’Insee dans un des éclairages publiés le 21 novembre à partir d’une enquête réalisée à l’été 2022 auprès de 27 000 répondants.

C’est même le contraire quand ces deuxièmes générations sont issues de familles non-européennes. Ils sont ainsi 34 % à dire avoir connu des discriminations, contre 26 % pour leurs parents, soit 8 points de hausse entre les deux générations. Cette situation les distingue des enfants d’immigrés d’origine européenne, qui, eux, « sont moins nombreux à rapporter des expériences de discrimination que la génération précédente » (13 % contre 19 %).

L’origine géographique, premier facteur de discrimination

Pourquoi une telle détérioration du ressenti entre les immigrés non européens et leurs descendants ? « A caractéristiques comparables, le statut migratoire et l’origine géographique demeurent les principaux facteurs de déclaration de discriminations », rappelle l’Insee.

Ensuite une partie du décalage de ressenti (3 points sur les 8 d’écart entre immigrés et leurs descendants) est liée aux caractéristiques socio-économiques de chaque génération. Moins diplômés et plus âgés, les immigrés ont moins tendance à évoquer la discrimination à laquelle ils sont confrontés que leurs enfants, mieux formés et plus sensibilisés.

Au-delà de ces facteurs explicatifs partiaux, plusieurs expériences de vie contribuent à renforcer le sentiment de discrimination chez les descendants de migrants non européens. D’abord, ceux issus de familles non européennes – à l’expression notable de ceux venus d’Asie – sont ceux qui expriment le plus avoir été moins bien traités à l’école que les autres (19 % des répondants contre 8 % des descendants d’immigrés européens). Cette expérience multiplie par trois le risque de se sentir discriminer.

Encore plus déterminant est le fait d’avoir fait l’expérience du racisme sous forme d’insultes, de remarques ou d’attitudes hostiles, comme c’est le cas de 45 % des descendants d’immigrés non européens, (8 % pour les Européens), soit 15 points de plus que leurs parents. « Les expériences répétées de traitements inégalitaires (…) peuvent être associées avec un sentiment persistant d’altérisation et peuvent expliquer qu’ils déclarent plus de discriminations » souligne l’Insee.

« Le fait de pouvoir intégrer un meilleur milieu professionnel dans lequel il y a plus de personnes qui ne sont pas issues de l’immigration fait qu’ils expérimentent un plafond de verre », analyse Pierre Tonneau, auteur de l’étude et responsable de la cellule statistiques et études sur l’immigration.

« Déni de la qualité de français » et « renvoi aux origines »

Le sentiment de discrimination est aussi renforcé par deux autres types d’expérience : « le déni de la qualité de français » et le « renvoi aux origines », explique l’étude. Ces deux facteurs « contribuent fortement au sentiment de discrimination quelle que soit l’origine » et « multiplient par deux à trois la probabilité de déclarer des discriminations ». Or, ce sont sans surprises les descendants immigrés non européens qui y sont le plus confrontés.

Ils sont ainsi 29 % à dire s’être vu nier la qualité de Français, contre 8 % pour ceux qui viennent de familles européennes, qui font un bond en avant par rapport à leur parent (40 %). L’Insee explique cette différence par « le fait que les descendants d’immigrés européens soient relativement invisibles ».

Les autres, au contraire, « continuent à expérimenter l’altérisation connues par les immigrés, et celle-ci contredit leur aspiration à l’égalité de traitement ». Or, rappelle l’Insee, « faire l’expérience des discriminations en raison de ses origines, renforce la construction de l’identité ethnoraciale ». Et si la lutte contre les discriminations était le meilleur outil contre ce que les politiques appellent le communautarisme ?

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