Quand un roi du Bénin instaure une fête catholique au sein du barreau martiniquais

   La procession de la Saint-Yves, vous connaissez ? Certes, le bougre est loin d'être aussi célèbre que ses compères Saint-Pierre et Saint-Paul mais il n'est pas non plus une divinité de derrière les fagots. C'est tout simplement le saint-patron des avocats de France, de Navarre, d'Outremer, de Terre Adélie et de Morne Cabri. 

   Il est fêté chaque 19 mai, jour qui voit son clergé, les robes noires, processionner dans les rues en grandes pompes comme ce fut le cas ce jour au beau mitan de Fort-de-France sous la houlette du bâtonnier du barreau de ladite ville. Cela au moment même où le ministre français de la justice était en visite en Martinique et donc aux différents tribunaux qui s'y trouvent.

   Chaque profession a le droit d'avoir son saint et de le vénérer.

   Là n'est pas le problème !

   En fait, de problème il y en a trois s'agissant de Saint-Yves :  

 

    . Primo : le barreau de Fort-de-France comme tous ceux de l'Amère-patrie est une institution laïque, d'ailleurs longtemps perçue comme un repaire de francs-maçons (chose qu'elle semble être de moins en moins avec le renouvellement générationnel) et on ne voit donc pas du tout ce qui pourrait justifier la célébration d'une fête catholique en son au sein.  

 

   . Deuxio : le Bénin, dès l'époque du président Nicéphore Soglo dans les années 1990, avait reconnu le vaudou comme religion officielle sans pour autant rejeter les autres religions. On est donc en droit de s'étonner qu'un Antillais qui s'est fait couronner roi d'une tribu béninoise fasse allégeance au très catholique Saint-Yves. 

 

   . Tertio : l'actuel bâtonnier, quoiqu'ardent promoteur du moyenâgeux calot des avocats, est le roi d'une tribu du Bénin d'une part et de l'autre, grand défenseur de toutes les causes indépendantisto-souveraino-rouge-vert-noiristo-kamites de la tribu martiniquaise.

 

   HUM !...

   Vous avez dit bizarre ? Vous êtes pris d'une quinte de toux ou de fous-rires face à un tel comportement contradictoire ? Si oui, c'est que vous n'êtes pas natif de l'île aux fleurs, cette "version absurdement ratée du paradis" comme l'écrivait un illustrissime poète du cru. En effet, ce lieu est devenu celui de toutes les postures et impostures. Roi nègre tel jour, zélateur du calot moyenâgeux et d'un saint catholique, le lendemain.  Pourfendeur du colonisateur leucoderme et des descendants d'esclavagistes tel autre jour et le lendemain, participant à une cérémonie de pose d'une plaque sur un tribunal détruit par la Montagne de feu (comme l'appelaient les Caraïbes) lequel tribunal condamna, durant deux siècles et demi, soit aux galères soit à la peine de mort tout esclave qui osait se révolter.  

   En fait, si l'on comprend bien, les victimes de la "justice coloniale" devraient réciter, chaque fois qu'ils se retrouvent à la barre des tribunaux foyalais (fort-de-français pour nos lecteurs non-Antillais), au moins la première strophe de la prière adressée à Saint-Yves que voici :  

   "Saint Yves, tant que tu as vécu parmi nous tu as été l’avocat des pauvres, le défenseur des veuves et des orphelins, la providence de tous les nécessiteux.
Ecoute aujourd’hui notre prière.

Obtiens-nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée."

   Madinina, cirque Barnum à ciel ouvert ?

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