Rappel contextuel. Le livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » est paru en 2011 aux Éditions de l’Université d’Haïti et à Montréal aux Éditions du Cidihca.
Coordonné et coécrit par le linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol, ce livre collectif de référence rassemble les contributions de quatre linguistes qui, pour la première fois dans l’histoire de la créolistique, abordent d’un regard neuf la problématique linguistique haïtienne sur plusieurs registres liés : les droits linguistiques, la convergence créole-français, la didactique du créole, la nécessité d’une Loi contraignante d’aménagement des deux langues officielles du pays, le créole et le français. L’« Avant-propos » est l’œuvre du linguiste québécois Jean-Claude Corbeil, spécialiste mondialement connu de l’aménagement linguistique et auteur, entre autres, du « Dictionnaire visuel » (version originale française, versions subséquentes en anglais, espagnol, allemand, italien). Sur le site de l’éditeur Québec-Amérique, il est indiqué que ces vingt-cinq dernières années le « Dictionnaire visuel » s’est écoulé à « 9 millions d'exemplaires vendus dans une centaine de pays, le succès de ce dictionnaire [lui a valu d’être] traduit en 35 langues ». Auparavant Représentant-résident de l’UNESCO en Haïti, spécialiste de l’éducation, Bernard Hadjadj est l’auteur de l’« Introduction » du livre. Auteur de la « postface » du livre, le juriste Joseph-G. Turi est le fondateur et le secrétaire général de l’Académie internationale de droit linguistique. Depuis sa parution, le livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » a connu une ample diffusion tant en Haïti qu’en outre-mer, et l’édition originale était épuisée. La nécessité d’une réédition s’est donc imposée, notamment pour le marché européen, pour les Antilles et pour la Guyane. Les éditions du CIDIHCA France ont relevé le défi de rééditer cet ouvrage de référence en 2023 et, en plus d’une présentation particulièrement soignée, la nouvelle édition comprend un document historique de grande qualité visuelle : la version créole officielle de la « Konstitisyon Repiblik Ayiti » parue en 1987 dans Le Moniteur, le journal officiel de la République d’Haïti. Le livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » a fait l’objet de deux comptes-rendus de lecture majeurs. Le premier, sous la plume du linguiste Renauld Govain, est paru en Haïti le 16 juin 2011 et a pour titre « Un livre qui met en débat l’actualité linguistique haïtienne ». Paru le 17 janvier 2012 dans le Bulletin de l’Agence universitaire de la Francophonie, « Le français à l'université », mis en ligne le 13 mars 2012, le second compte-rendu de lecture est l’œuvre d’Asselin Charles, Ph. D., professeur retraité de littérature comparée et qui a eu une longue carrière aux États-Unis, à Taiwan et au Nigeria. Asselin Charles est le premier traducteur en anglais du roman de Franketienne, « Dézafi » (University of Virginia Press, 2018). Un compte-rendu de lecture de cette traduction anglaise a été publié dans le Journal of Haitian Studies (vol. 25, n° 2) sous la plume de Jocelyn Franklin. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que Asselin Charles a traduit du français à l’anglais le célèbre livre d’Anténor Firmin « De l’égalité des races humaines » (Paris, Librairie Cotillon, 1885). Cette traduction anglaise, qui a pour titre « The Equality of the Human Races », est parue en 2002 à la University of Illinois Press. Le professeur Asselin Charles a aimablement autorisé la republication de son compte-rendu de lecture du livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions ».
L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions
Par Asselin Charles
American University of Nigeria
« Le français à l'université »
17 janvier 2012
Référence de l'œuvre : Berrouët-Oriol, Robert, Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort, (2011), L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions, Éditions du CIDIHCA, Montréal et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, Port-au-Prince, 234 pages.
Les Haïtiens ont dû attendre près de deux siècles après l’indépendance de leur pays, soit jusqu’en 1987, pour que le créole, langue unificatrice de tous les Haïtiens, soit constitutionnellement reconnu comme langue officielle, au même titre que le français. La seule officialisation du créole n’aura cependant pas mis fin à la marginalisation des unilingues créolophones, représentant 80 % de la population, qui n’ont toujours pas un plein accès aux services de l’État ni à un système efficace d’éducation. Au nombre des raisons sociohistoriques qui expliquent cet état de choses, il faut surtout retenir l’absence d’efforts réels de la part de l’État pour satisfaire les droits linguistiques de la majorité. D’où la nécessité urgente de concevoir et d’appliquer une politique d’aménagement linguistique en vue de gérer la coexistence du français et du créole dans l’espace haïtien.
Telles sont les préoccupations de cet ouvrage collectif, dirigé par Robert Berrouët-Oriol. Ce livre réunit les contributions de quatre linguistes. Il se propose d’explorer le contexte historique, social et politique de la coexistence du créole et du français en Haïti, de faire le tour des diverses tentatives lancées en vue de les aménager et d’offrir, sur des bases pragmatiques plutôt qu’idéologiques, des pistes valables pour un tel aménagement. Comme préalable à cette entreprise, les auteurs considèrent qu’il convient de mettre fin à des débats chimériques comme ceux auxquels on s’attarde sur la définition du créole, sur ses différentes appellations, le créole ou l’haïtien, ou encore sur la diglossie. D’autres notions, plus pertinentes, selon eux, notamment celles de droit à la langue comme droit humain universel, de convergence linguistique dans une franco-créolophonie haïtienne et d’aménagement linguistique dans un cadre légal, pourraient mieux aider à trouver des solutions aux problèmes des langues en Haïti.
Nous trouvons ces positions dans le chapitre intitulé « Propositions pour l’élaboration de la première loi sur l’aménagement linguistique en Haïti ». Ce texte s’accompagne de sa traduction en langue créole sous la plume du linguiste Hugues Saint-Fort. Les titres des diverses propositions de cette loi indiquent clairement ses objectifs : obtenir l’égalité de statut entre le créole et le français, appliquer les droits linguistiques reconnus à tous les Haïtiens, fixer les obligations de l’État en matière d’aménagement et de didactique des deux langues haïtiennes, réglementer l’exercice de la politique linguistique. Le livre de Berrouët-Oriol effectue ainsi le passage de la théorie à la pratique en posant les bases concrètes d’une législation qui assurera la jouissance de la pleine citoyenneté à tous les Haïtiens.
Certains aspects de la problématique des langues ont cependant été oubliés. Les auteurs ne tiennent pas suffisamment compte du contexte géopolitique et géoculturel que constitue le voisinage des pays anglophones et hispanophones de la Caraïbe. On ignore également d’autres forces qui interviennent depuis quelque temps dans le paysage linguistique haïtien et qui devraient amener à dépasser la simple opposition binaire du créole et du français. Le paradigme du bilinguisme français-créole pourrait bien être insuffisant au regard des facteurs liés à la mondialisation et à la migration. Les Haïtiens ont émigré un peu partout dans le monde, en particulier aux États-Unis. L’usage d’autres langues a favorisé l’émergence d’autres types de bilinguisme, notamment celui de l’anglais et du créole.
Il ne suffit plus alors d’opposer le créole au français. Le seul fait qui demeure immuable, c’est que le créole, langue maternelle et nationale, est incontournable et que c’est avec lui que devront composer toutes les autres langues.
L’aménagement linguistique en Haïti est un livre qui arrive à point nommé. Au lendemain du tremblement de terre de janvier 2010, le pays cherche un nouveau départ dans tous les domaines de la vie nationale. Cet ouvrage est une précieuse contribution à cette entreprise de reconstruction nationale, dans la mesure où il propose une solution pragmatique à la question linguistique en Haïti, qui est au fond une question de citoyenneté.
Données de réédition du livre en France
--Titre : « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions »
--Coauteurs : ROBERT BERROUËT-ORIOL (coordonnateur), Darline COTHIÈRE, Robert FOURNIER, Hugues SAINT-FORT
270 pages – Prix : 27 € – Format : 15 x 21 cm ; ISBN : 978-2-491035-22-8
--Éditeur : Les éditions du CIDIHCA France
Courriel : cidihcafrance@gmail.com
Les coauteurs :
ROBERT BERROUËT-ORIOL
Linguiste-terminologue, spécialiste de l’aménagement linguistique, Robert Berrouët-Oriol a travaillé à l’Office de la langue française du Québec où il a entre autres été responsable des accords de coopération entre la Banque de terminologie du Québec et les écoles de traduction du Québec et du Canada. Par la suite Directeur à Port-au-Prince des programmes Haïti/PNUD/UNESCO en éducation, il a été membre fondateur de la Secrétairerie d’État à l’alphabétisation et a aussi enseigné la linguistique à la Faculté de linguistique de l’Université d’État d’Haïti ainsi que les communications institutionnelles à l’Université Quisqueya. Co-auteur de la première étude théorique portant sur « Les écritures migrantes et métisses au Québec » (Ohio 1992), il est également critique littéraire et poète. Son livre, « Poème du décours » (Éditions Triptyque, Montréal, 2010), a obtenu en France le Grand Prix de poésie du Livre insulaire Ouessant 2010. En décembre 2010, il a été finaliste du grand Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde. Il a également coordonné et coécrit le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Éditions Zémès, Haïti, et Éditions du Cidihca, Canada, 2021).
DARLINE COTHIÈRE
Linguiste, didacticienne, Darline Cothière est professeure et directrice de la Maison des journalistes à Paris. Doctorante à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, elle a effectué des missions pour le compte de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) et mène des missions ponctuelles d’enseignement en linguistique et en didactique à l’Université d’État d’Haïti. Son domaine principal de recherches est l’acquisition du français en contexte créolophone. Elle est l’auteure, en 2007, de « L’enseignement apprentissage du français en Haïti : de l’applicabilité d’une “pédagogie convergente” » dans Français et créole : du partenariat à des didactiques adaptées, R. Chaudenson (dir.), OIF/L’Harmattan.
ROBERT FOURNIER
Robert Fournier est professeur associé de linguistique au Département de français à Carleton University, Ottawa, où il enseigne la linguistique française depuis plus de 20 ans. Il est également attaché à la SLaLS (School of Linguistics and Language Studies) et à l’IAS (Institute of African Studies) de la même institution. Robert Fournier est spécialisé en sociolinguistique et en socio-historique du français, en particulier les français créoles et les français populaires régionaux, domaines dans lesquels il fait des recherches et publie depuis plus de 25 ans. Il est notamment l’auteur de « Le mythe créole » paru dans « Situations créoles. Pratiques et représentations » (Éditions Nota Bene, Québec 2006).
HUGUES SAINT-FORT
Hugues Saint-Fort est docteur en linguistique de l’Université René Descartes, Paris V-Sorbonne. Il a enseigné le français à l’île Maurice et au sein du système universitaire de la CUNY (Kingsborough Community College, Queens College et City College of New York). Il a été nommé Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques en janvier 2005 par décret du Premier Ministre français. Réputé critique littéraire au Haitian Times de New York, il enseigne actuellement la linguistique au CUNY . Son prochain livre, à paraître, a pour titre : « Haïti : Questions de langues, langues en questions ».
"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite