"Rejeté, forjeté par quels ancêtres ?" (Aimé Césaire)

   Au moment où le Père de la Négritude est célébré un peu partout en Martinique à l'occasion du 110è anniversaire de sa naissance, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que peu de gens l'ont lu en profondeur. Car il ne suffit pas de ressasser le même vers ou de publier une photo où l'on figure fièrement à ses côtés pour donner la preuve qu'on a saisi le fond de sa pensée.

   S'agissant de notre rapport à l'Afrique, par exemple, Césaire ne fut pas du tout un Marcus Garvey francophone. Il n'a jamais demandé aux Antillais de retourner en Afrique mais a cherché à domicilier l'Afrique aux Antilles, chose apparemment bien trop subtile à la fois pour ses adorateurs (les césairolâtres) et ses détracteurs (les césairophobes). Que signifie "domicilier l'Afrique aux Antilles" ? Ceci : tout faire pour promouvoir au maximum la part africaine de notre culture antillaise. Part occultée, niée, méprisée par les classes dominantes. Césaire s'y est employé à travers le SERMAC notamment, non sans un réel succès. Dommage que cette afro-domiciliation se soit limitée à la musique ! Pourquoi aucune grande langue n'y a jamais été enseignée ? Les Indo-Antillais, pourtant cent fois moins nombreux que les Noirs ont bien des écoles où l'on enseigne le tamoul et l'hindi. 

   S'agissant des "Ancêtres" qui préoccupent tant certaines fractions des nouvelles générations (sous la houlette de gourous à la petite semaine), il se garde bien de faire leur éloge dithyrambique comme on peut le voir dans l'extrait ci-après :

 

« À vrai dire j’ai le sentiment que j’ai perdu

quelque chose

une clef la clef

ou que je suis quelque chose de perdu

rejeté, forjeté

au juste par quels ancêtres »

 

   Césaire dit qu'il a l'impression d'avoir été "rejeté", "forjeté", ce dernier terme relevant du vocabulaire de l'architecture et désignant un bâtiment qui sort de son alignement ou de son aplomb. Et "rejeté/forjeté" par qui, par quels ancêtres, continue-t-il ? Il avoue ne pas le savoir ! En réalité, il ne veut pas le savoir car cela n'a pas d'intérêt parce que nul ne peut refaire, recommencer l'Histoire. Ce qui a été fait est fait et cela pour toujours. Il y a eu d'abord la barbarie européenne, cause première de l'esclavage, puis l'incurie africaine (des rois africains) incapables la plupart du temps de s'opposer à cette barbarie, plus rarement complices de cette dernière.

   Nous sommes les rejetons ("rejeté", écrit-il) de la barbarie et de l'incurie. 

   Nous autres, Antillais, sommes nés dans la cale des bateaux négriers. C'est là que commence notre histoire tragique. Elle ne commence ni avec Toutankhamon il y a 3.000 ans ni avec D'Esnambuc en 1635. Elle commence au fond du tout premier bateau négrier qui traversa la bien nommée "Mer des Ténèbres (l'Atlantique). Nous sommes les fils des Ténèbres qui avec une force de résilience extraordinaire ont réussi à se recréer une nouvelle langue et une nouvelle culture. 

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Commentaires récents

  • Tou-a éti nou anni chapé-tonbé adan'y lan

    FOSSOYEURS ?

    Albè

    05/05/2024 - 21:11

    Ils ont creusé leur propre tombe ou quoi ? C'est qui les croque-morts là dedans ?

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  • L'arrière-grand-père maternel de Joan Bardella était...algérien

    On ne change pas les règles durant la partie.

    MAMDIARRA DIAWARA

    04/05/2024 - 21:12

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    oss07

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