Rezension: Dominique Berthet, L’imprévisible rencontre. L’autre, le lieu, l’art

Heiner Wittmann ("Romanistik.info")

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Dominique Berthet a publié aux Presses Universitaires des Antilles le volume > L’imprévisible rencontre, sous-titré « L’autre, le lieu, l’art ».

Pour aller directement à l’essentiel, il faut noter que ce livre est aussi une introduction très réussie à l’étude de l’art.

Les rencontres marquent la vie. C’est le cas pour tout le monde.Les rencontres marquent la vie. Certaines s’oublient, d’autres marquent toute la suite de la vie. Il s’agit de rencontres entre les gens et puis aussi de rencontres avec l’art, qui peuvent tout aussi bien donner une autre direction à la vie. Le critère de Sartre pour une œuvre d’art réussie était de savoir si le spectateur pouvait en faire quelque chose (de nouveau) pour lui-même (et pour les autres). Car alors, l’œuvre d’art est réussie. Et c’est précisément ce processus que Berthet examine ici sous tous les angles, de manière très réussie.

Une rencontre ? Si on y réfléchit, si on essaie de décrire ses effets, on se rend vite compte de la complexité de ce processus. Les relations ne sont pas encore une vraie rencontre. La proximité avec l’art est évidente. Si tu te promènes dans les salles d’un musée, tu peux constater par toi-même à partir de quand le fait de regarder, de regarder furtivement en passant, devient vraiment une rencontre avec l’image : par exemple, le Saint Marc sauvant l’esclave du Tintoret. Un demi-cercle se forme autour de l’esclave à terre, puis lorsque les spectateurs de cette image complètent le cercle par un demi-cercle, la rencontre est parfaite.

L’introduction de Berthet devient une phénoménologie de la rencontre : de l’imprévisible aux rencontres de toutes sortes : rencontre-attraction à rencontre-fascination. Les rencontres peuvent aussi avoir des conséquences néfastes, lorsque les cultures se rencontrent et ne se comprennent pas ou se soumettent et s’exploitent mutuellement ou unilatéralement. De nombreux artistes ont également consacré leur travail à ces thèmes. Et il y a pire encore. Avec les œuvres de cinq artistes des Caraïbes, Berthet montre « la tragédie de la traversée », des gens entassés dans le ventre des bateaux. Et Wifredo Lam (1902-1982), un autre artiste des Caraïbes, dont la vie et l’art ont été marqués par des rencontres fatidiques, déjà en Espagne, à Paris avec Picasso et ensuite avec les surréalistes, est évoqué.

La deuxième partie du livre met l’accent sur les rencontres avec des lieux : hauts lieux ou ultra-lieux : ici ou ailleurs (Cf. H. Wittmann. La photographie de l’ailleurs : une esthétique de la vue, in: > Recherches en esthétiques, Revue du C.E.R.E.A.P., > Ailleurs n°10, octobre 2004 (11-20) et il est question de rencontres qui peuvent aussi être particulièrement marquantes. Comme on aime revenir sur des lieux auxquels on associe des expériences et des impressions très personnelles : « Questionner le lieu. c’est aussi s’interroger sur la façon dont on s’y déplace ». (p. 10) Et Berthet parle d’artistes, comme Paul Gauguin, qui ont peint ces ailleurs.

Les îles sont des lieux très particuliers qui façonnent les communautés sociales à leur manière. Coupés du monde extérieur, des groupes sociaux très particuliers se forment, avec une relation très particulière avec leur environnement. Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau sont cités ici, qui, à partir de l’étroitesse, prennent en compte l’étendue de la mer et le contact avec d’autres îles. Les travaux de Jean Paul Forest, qui vit à Tahiti en tant qu’artiste, sont à leur manière des témoignages uniques de la manière dont on traite la nature sur l’île. Ou Alain Joséphine, qui capture les forces de la nature en Martinique ou en Guadeloupe avec ses grandes images. Tout comme le Vénézuélien Ismael Mundaray, dont Berthet présente ici en détail les œuvres, comme le Projet Orénoque, ou le Projet Amazonie.

La troisième section du livre est consacrée à « l’esthétique de la rencontre », bien sûr d’abord la rencontre avec l’art et rappelle l’autonomie de la peinture et de la sculpture par rapport à la poésie, comme chez Lessing. Plus tard, le dépassement de ces limites devient une caractéristique de la modernité. Enfin, il y a aussi des rencontres avec l’art dans les galeries et les musées, dans les biennales et les fondations. Et c’est là que l’on se pose aussi la question de savoir ce qui pousse l’artiste à créer quelque chose ? Il est évident que les rencontres avec le spectateur jouent également un rôle important.

Le dernier chapitre décrit des œuvres présentées à la 59e Biennale d’art de Venise, comme celles de Chun Kwang Youn, Anish Kapoor ou Anselm Kiefer.

La lecture de ce livre aiguise l’attention sur les bases esthétiques de l’art, sur une nouvelle manière de rencontrer l’art. L’idée d’identifier la rencontre avec le phénomène par lequel commence la réception de l’art est déjà une idée de base remarquable. On aurait pu y penser ! Ce n’est pas pour rien que l’exposition de photos à Arles s’appelle : « Les rencontres d’Arles ». Avec ce livre, Berthet réussit à placer l’importance d’un terme, d’un processus, au centre du débat esthétique. En examinant la rencontre sous tous les angles à la manière d’un essai, en examinant et en présentant toutes ses implications, il crée un échafaudage pour la compréhension et la portée de l’art. Les nombreuses reproductions de ce volume soulignent son intention et contribuent à la réussite de ce volume.

Dominique Berthet
L’imprévisible rencontre
L’autre, le lieu, l’art
Collection Arts et esthétique
Point-à-Pitre : Presses Unversitaires des Antilles 2024
170 p.
ISBN: 9791095177845

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