La Semaine sainte et la « libération » des esclaves de Case-Pilote

Yves-Léopold Monthieux

Rubrique

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Cette tribune reprend en partie celle parue le 17 août 2016 intitulée « 23 avril 1848 : libération des esclaves de Case-Pilote ».

Qui, étant d’un certain âge, ne se souvient de la Semaine sainte telle que pratiquée en Martinique, notamment les Jeudi saint, Vendredi saint et Samedi Gloria. Les cloches des églises faisaient relâche tandis que les croix, statues et images étaient voilées. Pour remplacer les cloches les enfants de chœur se répandaient dans les rues en faisant crisser des crécelles, sorte de moulinet en bois qui s’appelait rara en Martinique. Ce mot provient peut-être du mot ara qui est une variété de perroquet de l’Amérique tropicale. D’où l’expression courante à l’époque « parler comme un rara lasimèn sinte ». On retrouve le mot à Haïti pour désigner une musique mystique jouée, notamment, au cours de la Semaine sainte, ce qui peut être considéré comme un point commun avec la Martinique. Une autre pratique, le « battre Judas », consistait pour les fidèles de la paroisse à circuler dans les rues en frappant sur des boîtes vides symbolisant Judas, l’apôtre qui a trahi Jésus. Des jeunes dévoyés en profitaient parfois pour se livrer à des exactions comme des lancers de pierres sur les maisons. En cette fin de semaine des 20, 21, 22 et 23 avril 1848, le phénomène prit à Case-Pilote une ampleur particulière.

Déjà les esprits étaient échauffés par toutes ces rumeurs qui couraient depuis l’avènement de la IIème République autour de l’abolition de l’esclavage. Songeons que le projet d’abolition avait été acté dès le 25 février 1848, au cours du premier « Conseil des ministres », le lendemain de la date de proclamation du gouvernement provisoire. Une véritable agitation avait salué dans toute l’île l’arrivée, le 10 avril 1848, du décret du 4 mars pris par le sous-secrétaire d’Etat nommé à cette même date, Victor Schoelcher, celui dont les statues allaient être décapitées et ou enlevées de la vue du public par certains maires, dans l’indifférence des sachants. Ce décret stipulait notamment : "Nulle terre française ne peut plus porter d'esclaves ». Tous ces bruits mêlés persistèrent avec une intensité chaque jour plus forte que la veille. Un peu partout dans l’île, aux yeux des colons, l’évolution des manifestations avait fait craindre des troubles. A juste titre. Car le 23 avril, jour de Pâques, sentant venir une possible insurrection, le sieur Antoine Le Pelletier de St Rémy, ancien maire et premier colon de la commune, s’enfuit abandonnant ses propriétés. Son épouse et ses enfants eurent la vie sauve en passant la nuit dans un champ de cannes et lui, pour s’être retrouvé chez son ami le maire du Prêcheur, le sieur Antoine Huc. Le maire en charge de Case-Pilote, Pierre Duquesne (et non Le Pelletier) disparut, lui aussi, abandonnant la mairie. Il sera remplacé à cette fonction par Jacques Decressionière.

C’est ainsi que les esclaves de Case-Pilote s’étaient retrouvés libres, de fait, dès ce 23 avril 1848, soit 4 jours avant le 27 avril et 1 mois avant le 22 mai. Il s’en était suivi une période de flou au cours de laquelle, selon la chronique, des résidences de colons furent occupées, leurs mobiliers et ustensiles de cuisines, emportés. Cette situation fut assez répandue et, tout en demeurant dans leurs fonctions, certains maires accordèrent leur liberté aux esclaves. Elle se serait produite notamment par les maires du Robert et du Lorrain. Il convient de préciser que les agitations locales se firent en résonance avec les manifestations contrerévolutionnaires qui se produisirent en métropole. Lesquelles avaient conduit à reporter les élections législatives du 9 au 23 avril. Au scrutin universel masculin, elles ne devaient avoir lieu en Martinique que les 17 et 18 septembre, le temps d’élaborer les listes électorales, ce qui avait conduit à attribuer hâtivement des patronymes aux nouveaux citoyens. L’ancien esclave Louisy Mathieu devint député de la Guadeloupe en octobre 1848.

Les esclaves de Case Pilote étant devenus libres de fait, si les événements y conduisant avaient compris le massacre de la famille Le Pelletier (il s’en était fallu de peu) et que ces incidents se fussent produits à St Pierre, ville capitale, ou une commune proche comme Le Carbet ou Le Prêcheur, ils pourraient conduire à un « 22 mai » anticipé. C’est dire que cette dernière date, historique, doit être considérée pour ce qu’elle fut, à savoir celle d’une insurrection née d’un incident, le dernier, comme il y en eut de nombreuses dans l’ile tout au long de la période esclavagiste.

Fort-de-France, le 17 avril 2025

Yves-Léopold Monthieux

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Commentaires récents

  • On pensait qu'il n'y avait pas pire qu'eux...

    POURQUOI SI PEU...

    Albè

    18/04/2025 - 20:12

    ...de commentaires au bas des articles de FONDAS K., vous demandez-vous ? Lire la suite

  • On pensait qu'il n'y avait pas pire qu'eux...

    Albè, oui, bien sûr...

    Frédéric C.

    18/04/2025 - 17:36

    ...ici j’ai exagéré, et sciemment caricaturé, avec 2 ou 3 kouyonnad au passage... Lire la suite

  • On pensait qu'il n'y avait pas pire qu'eux...

    EXAGERATION VOLONTAIRE

    Albè

    18/04/2025 - 12:46

    Votre commentaire est délibérement exagéré pour éviter de répondre à la question posée. Lire la suite

  • Accusé du viol d’une étudiante bordelaise, l’avocat Alex Ursulet sera jugé en novembre à Paris

    BEN DIS DONC !

    Albè

    18/04/2025 - 12:41

    Hallucinant ce truc ! Lire la suite

  • On pensait qu'il n'y avait pas pire qu'eux...

    Peut-être, Albè...

    Frédéric C.

    18/04/2025 - 11:41

    ...mais certains articles sont de nature à susciter, voire provoquer des réflexions approfondies. Lire la suite