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L’ouverture de l’année de Frantz Fanon par diverses manifestations organisées par l’association Tous Créoles avaient déplu les fanonistes estampillés.
Ces derniers craignaient de se voir déposséder de leur icône par les membres d’une association qui ne serait pas de la famille. Ce sentiment d’exclusivisme n’est pas nouveau. Même le PPM en avait en son temps fait les frais en s’y voyant exclu d’une invitation à célébrer l’auteur de Peau noire masques blancs. Son président, alors président de la région Martinique, avait riposté en offrant des livres de Fanon aux élèves des classes terminales du Lycée qui porte son nom. En bref, la mémoire de Fanon ne paraît pas prête à être livrée à la reconnaissance d’une société apaisée. La question se pose : à qui une société apaisée ferait-elle peur ? A qui Tous Créoles fait-elle peur ? Et voilà que l’Association récidive en créant le Grand Salon du Livre qui se tiendra les 2 et 3 août 2025 dans les jardins de l’habitation Clément. D’où une seconde question : la culture martiniquaise aurait-elle cessé d’être captive de la gauche identitaire qui détient à peu près tous les vecteurs de son développement ? Même gêne et pareil déplaisir de la part d’une intelligentsia qui constate qu’au pays des Césaire, Fanon, Glissant, Chamoiseau et Confiant, aréopage d’intellectuels qu’on ne retrouve, par le nombre et la qualité, dans aucun autre pays aux dimensions de la Martinique, il n’existe pas d’évènement public pouvant ressembler à un tel hommage rendu au Livre et à la Lecture.
En revanche, en écho à l’allégorie du doigt montrant la lune, laquelle pointe la niaiserie du sot, la tentation est forte de montrer la main qui donne, pour la stigmatiser, plutôt que l’objet à apprécier, en l’occurrence la lecture et la culture. N’est-ce pas aussi, pour rester dans la culture, le sort du seul véritable éditeur que n’ait jamais connu la Martinique, Emile Désormeaux, qui a publié pratiquement tout ce qui s’est écrit dans ce pays au cours de la période littéraire martiniquaise la plus riche ? Que ceux qui, nombreux, ont connu le succès ici et ailleurs grâce à leurs débuts prometteurs chez Emile, tentent d’obtenir que sa mémoire ne tombe pas définitivement dans l’oubli. Mais le paysage intellectuel martiniquais n’est pas à une ingratitude près. Songeons que le plus grand intellectuel de la Martinique, Aimé Césaire, n’a jamais mis les pieds à la faculté de Lettres de Schoelcher et qu’il a encore moins été invité à y donner une leçon inaugurale.
Celui qui écrit ces lignes a été invité à présenter ses ouvrages à ce Grand Salon du Livre où, à l’inverse d’autres lieux de culture, il n’a constaté ni ostracisme ni sectarisme. En plus de s’y rendre volontiers, votre serviteur n’a donc pas eu le choix, ne pouvant compter sur quiconque pourrait l’aider à franchir les portes fermées presque partout ailleurs. Les arguments utilisés pour tenter d’infirmer ce choix viennent souvent des auteurs qui ont la carte et qui n’ont généralement pas de difficultés pour se faire connaître ni par les centres culturels ni par les canaux audiovisuels.
Par ailleurs, les arguments d’ordre ethnique et victimaire, les pires pour la santé de la société, se sont substitués aux objectifs socialistes qui accompagnaient la revendication anticolonialiste. Les militants indépendantistes et autonomistes ont échoué à convaincre les Martiniquais de la justesse de leur combat, ils ont recours à des leviers d’ordre racialiste qui sont mieux entendus par la population, plus encline à succomber à l’émotion qu’à la raison. Cette inclination de notre société m’avait inspiré, dès le début de l’année 2008, la chronique ci-dessous reproduite où je craignais l’apparition en Martinique d’une petite Palestine dont notre jeune drapeau rouge-vert-noir allait hériter des couleurs, la blanche en moins.
“La Martinique ne doit pas basculer (Janvier 2008).
“Tout se passe comme si l’indépendance était en vue et que ses promoteurs s’affairaient, en guise de paquet cadeau au peuple, à lui préparer une querelle intestine. On voudrait faire de la Martinique une petite Palestine qu’on ne s’y prendrait pas autrement. En effet, l’imagination martiniquaise est féconde, l’armée des quelques centaines de nationalistes est suffisamment forte pour se construire un superbe affrontement entre africanité, créolité et même, paraît-il, arabité. Les adeptes de la négritude combattent la fille naturelle de celle-ci, la créolité, qui, depuis la création de l’association « Tous Créoles », sème un vent de polémiques au sein des intellectuels. Lesquels, par ailleurs, paradoxalement, portent aux nues la créolisation et la pensée rhizome d’Edouard Glissant. La guerre est ouverte contre le métissage et la créolité. Une sorte d’irrationalité parcourt le souvenir de l’esclavage, qui conduit à estimer que le Martiniquais ne peut pas être quelqu’un d’autre que l’arrière-petit-fils d’un esclave africain. Foin des métis ou des mulâtres, des Békés ou des Chinois, des Syriens ou des Indiens : il n’y aurait de martiniquais que d’origine africaine. Cette définition ethnique exaltée est porteuse des plus grands dangers. La violence originelle de la traite et de l’esclavage des Noirs africains aurait, selon les africanistes, un caractère initiatique qui conférerait à leurs descendants une légitimité exclusive à être martiniquais. Ainsi se développe l’idée d’une pureté ethnique imaginaire qui pourrait gangrener notre société. Chacun y serait invité à renier, en soi, sa part d’Indien, de Chinois, de Moyen-Oriental, ou surtout d’Européen, pour ne garder que sa part d’Africain. Nous sommes priés de croire que le rejet d’une partie de nous-mêmes permettrait à nos consciences d’accéder enfin à la tranquillité. Ce pari peut être mortel.
Il est réconfortant d’observer que les trois principaux élus du département, de la région et de la ville de Fort-de-France (Alfred Marie-Jeanne, Claude Lise et Serge Letchimy) emportent une grande adhésion populaire alors qu’ils ne peuvent être considérés par leur typologie comme les représentants idéaux de l’africanité. Différents entre eux, ils diffèrent également de la grosse majorité des élus et de la population qu’ils représentent. On s’interdit de croire que ces authentiques martiniquais le sont parce qu’ils posséderaient tous les trois des ancêtres africains. En réponse au « sincère et courageux De Jaham et de sa minorité », il est effrayant de lire, écrit de la même main : « tous égaux mais séparés ». Tenir séparés, tenir à part rappelle l’apartheid. Pourtant, un effort doit être fait par tous pour éviter que la Martinique ne bascule dans le racial. Si l’évocation des mânes de nos ancêtres nous y conduit, il est urgent de rappeler l’esprit de Nelson Mandela ou de Martin Luther King dont on observe qu’ils sont désespérément absents du discours politique martiniquais.”
Fort-de-France, le 25 juillet 2025
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...un Coran ni une Torah... Mais commenter un article ancien est-il interdit ?... Lire la suite
...article paru en octobre 2024 ? Lire la suite
...sériyé on ti moman... On bagay sériyé ki la wi! Lire la suite
...et apprendre. Lire la suite