Si toutes les municipalités ou presque se font un devoir de célébrer "LE MOIS DU CREOLE" désormais, si les médiathèques organisent des "Dikté Kréyol", si la CTM avait voté à l'unanimité (moins une abstention) la co-officialité de créole et du français, s'il existe une Licence, un Master et un Doctorat de créole à l'Université des Antilles, si un CAPES et une Agrégation de créole permettent de recruter des enseignants de créole dument formés (et non de simples et courageux animateurs culturels), si on voit de temps à autre des articles en créole dans les journaux-papier et les sites-web tels qu' ANTILLA, FONDAS etc..., si des publicitaires font apposer au bord des routes des panneaux 4/4 avec des textes en créole, ces progrès sont dus à QUI ?
Oui, à qui ?
Car on revient de loin, de très loin même. Dans les écoles primaires du siècle dernier, en effet, il n'était pas rare de voir apposées des affiches disant : "IL EST INTERDIT DE CRACHER PAR TERRE ET DE PARLER CREOLE". Des enseignants comme Albert Oscar s'étaient vus dans les années 80, mis pied pour avoir osé utiliser notre langue dans ses cours et avait dû faire une longue grève de la faim à la Maison des Syndicats afin de se voir réintégrer. Pour la petite bourgeoisie, le créole était "sale", "vulgaire", "vié-neg" et surtout "ne menait à rien". Elle répétait que "le créole n'a pas de vocabulaire", "le créole est pauvre" etc...et même un Aimé Césaire le qualifiait de "langage limité", omettant le fait que c'était la seule et unique langue qu'avaient parlé nos ancêtres pendant 3 siècles. Omettant aussi de voir que c'est grâce à elle que ces derniers avaient, au beau mitan de ce déni total d'humanité que fut l'esclavage, réussi à créer la cuisine créole, le jardin créole, les contes créoles, la musique créole, le costume créole, la case créole, la joaillerie créole etc...
Bref, à reconstruire leur humanité.
C'est dans les années 1970-80 que, prenant le relais du peuple, premier gardien du créole, que des défenseurs de la langue (intellectuels, linguistes, écrivains, chanteurs, journalistes etc.) ont pris à bras le corps le combat pour la revalorisation de notre langue. Des chanteurs comme Eugène Mona, des groupes comme Kassav, des linguistes comme Jean Bernabé et son groupe de recherches, le GEREC, des écrivains comme Monchoachi, Joby Bernabé, Térez Léotin, Raphaël Confiant, Georges Mauvois, Daniel Boukman, Jude Duranty et tant d'autres, des journalistes comme ceux du tout premier journal entièrement en créole, Grif An Tè (1979-82) dont le directeur était Serge Domi et Antilla-Kréyol, des organisateurs de manifestations culturelles comme la Kreolfiesta d'Yv-Mari Séraline ou encore de prix littéraires pour des oeuvres en créole comme le Prix Sony Rupaire organisé par Daniel Dobat (dit Mandibèlè). Tout ce monde a contribué au sauvetage d'un idiome voué à la perdition.

Le point d'orgue de tout ce travail a été la création d'une graphie normalisée pour le créole que l'on doit à Jean Bernabé. Avant cela, on répétait que "le créole ne s'écrit pas" ou alors on l'écrivait avec l'orthographe du français. Cette graphie a mis du temps à s'imposer et même un Edouard Glissant (cf. Le Discours antillais, 1981) avait fait preuve de réticence à son égard mais à la fin du 20è siècle la partie était gagnée : non seulement la majorité des gens admettaient que le créole pouvait s'écrire mais reconnaissaient que la graphie-Bernabé ou graphie-GEREC constituait une norme à laquelle il fallait désormais se conformer. On en arrivait même à la situation comique et paradoxale de gens qui...s'excusaient de ne pas savoir écrire...le créole !
Mais l'autre élan donné à ce mouvement est venu d'en dehors de la Martinique. De la Guadeloupe d'abord avec le mouvement nationaliste (UTA, UPLG, MPGI etc...) qui décida de s'exprimer principalement en créole, d'écrivains de grand talent comme Sonny Rupaire, Hector Poullet, Max Rippon etc...De Sainte-Lucie où à l'occasion d'un colloque sur le créole fut créée l'Association Bannzil Kréyol qui avait l'ambition de réunir tous les peuples créolophones des Amériques et de l'Océan indien. De la Dominique surtout qui instaura en 1981 le 28 octobre comme "JOUNEN KREYOL ENTENATIONAL" avant de lancer le FESTIVAL INTERNATIONAL DES MUSIQUES CREOLES. D'Haïti évidemment avec ses auteurs formidables comme Félix Morisseau-Leroy ou Frankétienne, sa réforme scolaire qui introduisit le créole à l'école primaire, puis la fondation de l'Akadémi Kréyol Ayisien. Des diasporas crélophones d'Europe ett d'Amérique du Nord (notamment du Québec) aussi. Des Seychelles au tout premier chef avec leur Festival Kreol de renommée mondiale.
Sans toute cette effervescence il est clair que le mouvement de défense et de valorisation du créole en Martinique n'aurait jamais connu l'ampleur qui est la sienne aujourd'hui.
Mais ils rencontre deux écueils sur sa route : un entêtement et une stupidité. Un entêtement parce que les défenseurs de notre langue n'ont toujours pas réussi à faire comprendre à la population qu'il ne s'agit pas tant de parler le créole que de l'écrire. En effet, même à l'époque où il était mal vu ou interdit (à l'école, à l'église etc.) de le parler, les gens le parlaient quand même ! Il y avait toujours des endroits où il avait droit de cité : veillée mortuaire, carnaval, soirées-bèlè, conversation quotidienne entre amis etc...Donc oui, c'est une excellente chose que d'augmenter les lieux où il est légitime ou en tout cas normal de l'utiliser, mais le plus important est de l'écrire (sous forme-papier ou numérique). Cela pour une raison simple : une langue n'acquière sa pleine et entière souveraineté que si en plus de l'oral, elle conquière l'univers de l'écrit. Et pour y parvenir, il lui faut des grammaires, des dictionnaires et des textes littéraires, puis, plus tard, des écrits scientifiques. Or, l'écrit créole a été jusqu'aux années 1980-90 à la fois confidentiel et sporadique comme on peut le constater dans la liste ci-après qui n'est pas entièrement chronologique ni exhaustive (et qui sera augmentée prochainement à cause d'inévitables oublis) :
. Premier catéchisme en créole martiniquais (1842) : Catéchisme en langue créole précédé d'un essai de grammaire sur l'idiome usité dans les colonies françaises de l'Abbé Goux.

. Premier texte littéraire en créole martiniquais et recueil de fables adaptées de La Fontaine (1844) : Les Bambous. Fables de La Fontaine travesties en patois céole par un vieux commandeur du Blanc créole François-Achille Marbot lequel n'était ni planteur ni usinier mais juriste. Il fit une carrière de magistrat et finit gouverneur de l'île de la Réunion où il décéda.

. Premier recueil de contes en créole martiniquais (1943) : Folk-lore of the Antilles, French and English par l'Américaine Elsie Clew-Parsons.

. Premier recueil de fables authentiquement martiniquaises (1950) : Fab' Compè Zicaque de Gilbert Gratiant.

. Première thèse de doctorat en lexicologie du créole martiniquais(1956) : Le vocabulaire du parler créole de la Martinique d'Elodie Jourdain (Blanche créole) soutenue en Sorbonne.

. Réédition du premier recueil de chansons créoles (1964 ; rééd. 1970) : Carnaval de Saint Pierre Martinique. Chansons créoles d'avant 1902 de Victor Coridun.

. Première pièce de théâtre en créole martiniquais (1966) : Agénor Cacoul de Georges Mauvois.

. Première étude sur les proverbes en créole martiniquais (1966) : Les proverbes créoles de la Martinique : langage et société de Jean-Pierre Jardel et Pierre David.

. Première troupe théâtrale en créole martiniquais (1970-80) la Famille Marsabé.

. Premier Groupe de recherches universitaire (1975) : fondé par Jean Bernabé à l'Université des Antilles et de la Guyane. Le GEREC (Groupe de Recherches en Espace Créole) exista jusqu'au années 2004 et était composé (s'agissant de sa composante martiniquaise) de Robert Damoiseau, Elisabeth Vilaylek, Lambert-Félix Prudent, Jean-Charles Hilaire, Raphaël Confiant, Martine Coadou, Jacques Coursil...............

. Première grammaire du créole martiniquais (1975) : Fondal-Natal. Grammaire basilectale approchée des créoles guadeloupéen et martiniquais (trois tomes) de Jean Bernabé.

. Première revue de créolistique (1976) : Espace créole publiée par le GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créole) fondé par Jean Bernabé, sur le campus de Fouillole (Guadeloupe), au Contre Universitaire Antilles-Guyane (qui dépendait de l'université de Bordeaux).

. Premier roman en créole martiniquais (1979) : Jik dèyè do Bondyé de Raphaël Confiant.

. Premier journal entièrement en créole martiniquais (1979-82) : l'hebdomadaire Grif An tè dont le directeur de publication était Serge Domi. Membres du comité de rédaction : Serge Harpin, Térèz Léotin, Georges-Henri Léotin, Claude Larcher, Raphaël Confiant, Claude Clairicia, Franck Zaïre, Chéri-Zécoté.

. Naissance du style musical zouk qui chante exclusivement en créole (1979) : créé par Kassav', groupe composé de Guadeloupéens et de Martiniquais (Jaboc Desvarieux, Pierre-Edouard Decimus, Jocelyne Béroard, Patrick Saint-Eloi, Jean-Philippe Marthely, Jean-Claude Naimro).

. Première troupe de théâtre de rue en créole martiniquais (1983) : le Téat lari créé par José Alpha.

. Première association de créolistes natifs (1981) : Bannzil Kréyol. Elle fut créée lors du 3è Congrès du Comité International des Etudes Créoles qui s'est tenu à Vieux-Fort, dans l'île de Sainte-Lucie. Congrès dont le thème était : "Un créole/des créoles : continuité et créativité dans le monde créole". Conrès houleux au cours duquel les créolistes antillais et de l'océan indien se "révoltèrent" contre la domination sans partage de la discipline (la créolistique) par les chercheurs et universitaires européens et nord-américains (étasuniens et canadiens). Notamment contre le fait que le créole n'était considéré par ces derniers que comme un simple objet de travail, un cobaye, et qu'il n'était jamais utilisé dans les communications. A l'initiative du prêtre Saint-Lucien Father Anthony (dit "Pa Ba") et du Martiniquais Jean BERNABE, auquel est due la dénomination "Bannzil kréyol", la plupart des créolistes "natifs" présents lors de congrès prirent la décision de créer une structure parallèle ou concurrente du Comité International des Etudes Créoles. Par la suite des branches locales virent le jour (Bannzil Kreyol Réinion, Bannzil Kreol Sesel, Bannzil Kréyol Matinik, Bannzil Kréyol Kiba etc.) qui organisèrent des colloques et des manifestations durant plusieurs années, mais n'obtinrent pas les soutiens espérés des autorités politiques des différents territoires concerné. Le premier président de Bannzil Kréyol-Matinik fut le Martiniquais Raphaël CONFIANT auquel succéda la Guadeloupéenne Jane ETIENNE. Aujourd'hui, seul Bannzil Kréyol-Kiba, qui rassemble le presque 1 million de créolophones cubains (descendants des immigrés haïtiens du XIXe siècle), continue à fonctionner.

. Première introduction à l'école secondaire du créole martiniquais (1984) : Paul Blamèble et Yvon Bissol, respectivement professeur d'anglais et de français au Collège de Basse-Pointe introduisent un enseignement de créole dans leur établissement sur le modèle et avec l'aide des enseignants guadeloupéens Hector Poullet (mathématiques) et Sylviane Telchid (français) qui en avaient fait de même trois ans plus tôt au collège de Capesterre-Belle-Eau (devenu aujourd'hui "Collège Sylviane Telchid").

. Premier diplôme universitaire de créole (1985) : le DULCC (Diplôme Universitaire de Langues et Cultures créoles) est créé à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université des Antilles et de la Guyane (campus de Schoelcher, Martinique) sous la houlette du GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créole) et de son directeur, Jean Bernabé. Il s'agit d'un diplôme d'université (et non un diplôme national) qui dure deux ans.

. Le créole martiniquais obitient de statut de LV3 (Langue Vivante 3) en 1987 : Un nouveau pas sera franchi dans les années 90, lorsque Marijosé Saint-Louis, grâce à l’appui de Michel Auriol, proviseur du lycée Acajou ii du Lamentin (Martinique), le même qui avait permis au créole d’avoir droit de cité au collège de Basse-Pointe une dizaine d’années plus tôt, obtint la création d’un cours de LCR avec le statut de LV3 (Langue vivante 3), dans les classes de Seconde, Première et Terminale, à égalité avec des langues concurrentes telles que l’allemand, l’italien ou le portugais. Au baccalauréat de l’an 2000, les tout premiers élèves antillo-guyanais à présenter une épreuve de créole, au sein d’un examen officiel du système scolaire français, proviendront du Lycée Acajou II.

. Premier recueil de nouvelles en créole martiniquais (2000) : Lespri lanmè/Le génie de la mer de Térèz Léotin.

. Premières bandes dessinées en créole martiniquais (1981) : le magazine Fouyaya fondé par Alexandre Cadet-Petit.

. Premières émissions radiophoniques en créole martiniquais (1975-2009) : "Doktè Karayib", "Avoka Karayib' et "Bonjou misié li-mè" sur RCI (Radio Caraïbes International) par Mano (Emmanuel Loutoby.

. Première traduction de l'Ancien et du Nouveau Testament en créole martiniquais (1987) : par Joby Bernabé et Laurent Lifeson.

. Premier dictionnaire français/créole martiniquais (1992) : Dictionnaire élémentaire français/créole de Pierre Pinalie.

. Création d'une Licence de Langues et Cultures Régionales-Option "Créole" (1993) : ce diplôme, couramment appelé "Licence de créole", a été obtenu de haute lutte au sein de l'Université des Antilles et de la Guyane grâce à l'action du GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créole) et de son directeur, le Pr. Jean Bernabé. Il se déroule sur 3 ans comme toutes les autres licences.

. Premier prix littéraire attribué à un ouvrage en créole (1994) : le Prix Sony Rupaire a été fondé par le militant créoliste et professeur certifié de créole Daniel Dobat dit "Mandibèlè". Ce prix avait été doté financièrement par le Conseil Régional de la Martinique. Portant le nom du grand poète créolophone guadeloupén Sony Rupaire, la première édition avait récompensé Frankétienne, sommité littéraire de l'île de Toussaint-Louverture.

. Première marionnettiste et ventriloque en créole martiniquais (1995) : Jeanine Lafontaine, Jala de son nom d'écrivaine et d'artiste, a investi ce domaine quasiment inconnu en Martinique.

. Première traduction d'un auteur classique en créole martiniquais (1997) : Antigòn (texte de Sophocle) de Georges Mauvois

. Première "Dikté Kréyol" en créole martiniquais (1998) :

. Premier dictionnaire des titims (2000) : Dictionnaire des titim et sirandanes (devinettes et jeux de mots du monde créole) de Raphaël Confiant.

. Premier ouvrage scientifique écrit en créole martiniquais (2003) : Lamétéo atè bannzil karayib la de Serge Restog consacré à l'étude des phénomènes météorologiques propres à l'archipel caraïbe.

. Création du CAPES de créole (2001) : ce concours de recrutement de professeurs de créole pour l'enseignement secondaire a résulté d'un long combat mené par le GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créole) dirigé par Jean Bernabé durant toute la dernière décennies du 20è siècle. Le CAPES de créole sera finalement créé le 09 février 2001 par décret. Le GEREC publiera alors onze "Guides de Préparation au CAPES de créole".

. Premier dictionnaire des néologismes créoles (2001, rééd. 2024) : ouvrage de Raphaël Confiant.

. Premier Festival Créole (2004) : créé par l'ingénieur culturel Yves-Marie Séraline. La première édition de ce festival s'est déroulée dans la ville de Saint-Esprit.

. Première introduction des chants, de la musique et de la langue créole au sein de la lithurgie catholique (2005) : des prêtres (tels que père Jean-Michel Monconthour) et des laïcs martiniquais ont lancé en 2005 Bèlè Légliz. Ce mouvement promeut la rencontre entre la foi catholique et la culture bèlè, un ensemble de pratiques et de valeurs nées de la résistance à l’esclavage. Des groupes Bèlè Légliz existent aujourd’hui dans plusieurs paroisses de Martinique et contribuent à faire vivre un nouveau répertoire de danses et chants en langue créole.

. Premier Dictionnaire du créole martiniquais (2007) : de Raphaël Confiant.

. Première traduction d'un auteur francophone martiniquais en créole martiniquais (2010) : Rodolphe Etienne, journaliste, écrivain et traducteur, traduit en créole La tragédie du Roi Christophe, pièce de théâtre d'Aimé Césaire.

. Pemier ouvrage consacré aux surnoms en créole martiniquais (2014) : Non-savann, soudnon, ti-non par Jude Duranty dit Jid. Auteur de nouvelles et de romans en créole, il tient une chronique en créole__Kréolad__dans le magazine hebdomadaire Antilla depuis deux décennies.

"Krik ! Krak !" est afouiquain !
Lire la suite"Enjouriyé" ??? Man pé konnet tala. Man konnet "jouré"...
Lire la suite...man té ka fè épi zòt tou lé dé-a. Enjouriyé-kò zòt kon sa, sa pa ka fè avancé ayen. Lire la suite
Si tu veux augmenter ton vocabulaire ordurier, écoute du shatta !
Lire la suite...pouvoir enrichir mon vocabulaire en grossièretés, injures, mots orduriers. Lire la suite