La triste fin de Compère Colibri

   C'est donc une caricature du drapeau Rouge-Vert-Noir qui a/aurait été choisie comme "emblème" par quelques 20.000 Martiniquais (soit l'équivalent de la population de la commune du Robert). Caricature pour deux raisons : le rétrécissement indécent de la couleur verte alors que partout dans le monde celle-ci symbolise la lutte pour la sauvegarde de l'espèce humaine menacée par le réchauffement climatique ; l'image d'un sisi, autrement dit un colibri en français, dont on se demande ce qu'il peut bien faire là.

   En effet, on est en droit de se demander si les concepteurs du désormais "drapeau-au-sisi" (tout comme il y a un le "drapeau-au-lambi") et ceux qui ont voté en sa faveur ont la moindre idée de ce que représente le colibri dans la culture créole. Certainement pas l'image exotique qu'en donne les dépliants touristiques en tout cas ! Pour alphabétiser ces ignares dans leur propre culture, on leur offre la lecture ci-après d'un conte créole recueilli à la fin du 19è siècle par l'écrivain-voyageur Lafacadio Hearn. Ce conte a été republié dans le n° 4 (janvier 1942) de la revue Tropiques dirigée par Aimé Césaire et René Menil pendant "le Temps de l'Amiral Robert" (guerre 39-45). 

   En bonne logique, dirigeants et militants du PPM, parti créé par Césaire, devraient connaître ladite revue et surtout son contenu, non ? En plus, comme le montre la photo qui illustre le présent article, un colibri est rouge-vert-noir, pas noir uniquement. Bref...

 

Conte Colibri

https://www.potomitan.info/atelier/contes/conte_creole91.php

Lafcadio HEARN
 

— Bo-bonne fois...

— Trois fois bel conte!

Il était une fois... Il y a longtemps, longtemps. En ce temps-là, le Diable n'était encore qu'un tout petit, petit bonhomme.

 

Or donc, le Bon Dieu voulait faire une route et les nègres prétendaient ne savoir travailler qu'au son du tambour. Un seul tambour il y avait sur la terre: le tambour de Colibri.

Dieu manda le Cheval.

— Chouval, mon fils, va-t-en chez Coulibri lui demander son grand tambour. S'il refuse de me le prêter... frappe!!!

Chouval s'en va: Placata, Placata, Placata.

Il arrive chez Colibri

— Bonjour Coulibri!

— Bonjour Chouval!

— Bon Dié, mon maître, te demande de lui prêter ton grand tambour.

Coulibri répond, l'effronté:

—  Tu diras à Bon Dié, ton maître, qu'il aura le tambour... quand ma tête sera sous la pierre de taille, dans la cour de ma maison.

Chouval se cabre. Coulibri comprend qu'il faut se défendre.

Sans perdre la carte, il appelle Crapaud, son nègre.

Crapaud veut bien «manier» le tambour, n'est-ce-pas?

Alors Crapaud escalade le tambour, le fait sonner. Il commence à chanter:

«Ingoui, ingoua; gombou-lé zombis,
Bambous-lé-bois, bambous-lé-zombis;
Ingoui, ingoua; bam si boin, tambingoui
Tambingoua;
Timb si moin prêté pou renne.»

Et aussi, comme pour les zombis:

«Ingoui, ingoua, gomboulé zombi
Bam ou lé ga, gomboulé zombi
«Ingoui, ingoua, bam si gouin, timb,
Min goui ; tamb min goua
B'ann si moin prêté pou renne.»

Chauffe, chauffe, Crapaud!

Des pieds, des yeux, Chouval lance feux et flammes...

 

Coulibri y perdit quelques plumes. Mais le beau courage de la petite bête, vous le savez, vous autres?

Il tourne, il tourne, au dessus, autour de la tête de chouval et Zip, Zip, dans les yeux!!!

Voilà Chouval aveugle comme Toupie.

Chouval en a les sangs tournés, il détale, et vite comme vous pensez.

Il n'y voyait point. Il arrive pourtant chez le Bon Dieu, lui montre ce qu'a fait de lui cette bestiole.

Le Bon Dieu n'est pas content.

Sa bile s'échauffe.

Il appelle le Boeuf:

— Bef, mon fils, tu as des cornes, toi, tu en viendras à bout.

Ah! la maudite engeance! tu vois ce qu'il a fait de Chouval, Coulibri; va le corriger.

Bef s'en va, faraud comme un Docteur. Il tuera Coulibri, certes!

Il arrive:

—  Bonjour. Coulibri!

—  Bonjour, Bef!

— Bon Dié, mon maitre, vous demande votre grand tambour « bel air ».

Coulibri ne répond même pas : il fonce. Bef ne s'est pas mis en garde, qu'il a les yeux hors de la tête.

Cependant Crapaud «maniait» le tambour de toute sa force: Coulibri y puisait son courage.

«Ingoui, ingoua ; gomboulé zombis
Bambous-lé-bois, bambous-lé zombis
Ingoui, ingoua; bam si boin, tambingoui
Timbingoua;
Timb si moin prêté pou renne».

«Ingoui, ingoua, gomboulé zombi
Bam ou lé ga, gomboulé zombi
Ingoui, ingoua, bam si gouin, timb,
Min goui ; tamb min goua
Bann si moin prêté pou renne.»

Cette fois le combat fut bref:

Tac!

Pauvre Bef s'enfuit comme Chouval. Il arriva hors d'haleine près du Bon Dieu. Le Bon Dieu était encore plus fâché.

Il roula son tonnerre.

Et il poussa un grand cri.

Alors vint Poisson Armé.

Il l'envoya contre Coulibri.

Poisson Armé s'en fut: celui-là était sûr de son affaire.

 

Coulibri n'était plus du tout le même. Il avait laissé bien des plumes dans les cornes de Bef! Et aussi, Bef l'avait blessé aux aisselles.

Quand il vit Poisson Armé, un petit froid lui saisit le corps. Personne ne s'en aperçut: Petite bête, oui, mais petit César: ne le savez-vous pas, vous tous?

A la Bête-à-piquants, il répondit, l'air tranquille:

—  Bonjour, Pouesson Armé!

Tout de même il se sentait paresseux de se battre. Avant de se mettre en train il dit à Crapaud:

— Crapaud, mon fils, t'en prie, s'il te plait, tape fort. Chauffe-moi ce tambour, hein!

Crapaud ne se le fit pas dire deux fois: ses doigts saignaient tant il frappait dur.

Pouesson Armé s'enroula comme boule piquante, rentra ses yeux et attaqua. Pauv' Coulibri, au premier choc, eut le corps tout labouré.

Tape donc, Crapaud: chauffe-moi ce tambour voyons!

Crapaud suait l'encre:

«Bambous-lé-bois, bambous-lé-zombis».

Il chantait, il chantait…

Pouesson Armé fonçait toujours. Au second coup ce fut fini:

— Mon dernier combat, dit Coulibri qui tomba mort.

Pouesson Armé, en toute hâte, ramassa un grand coutelas qui traînait par là, coupa la tête de Coulibri, la mit sous la pierre de taille, dans la cour de la maison.

Alors seulement il prit le tambour et l'emporta.

Amis, je ne saurais vous dépeindre la frayeur de Crapaud. Non, je ne saurais. Il s'enfuit, il s'enfuit si vite que dans sa course précipitée, sa queue resta prise sous le tambour…

Et voilà pourquoi le Crapaud n'a plus de queue.

Lafcadio H earn.

 

  1. Césaire Aimé, Tropiques n° 1 à 34, 1941-1945, Paris, Jean-Michel Place, 1994, 848 p., ISBN: 2 85893 205 0 http://www.jeanmichelplace.com/fr/livres/detail.cfm?ProduitID=769

Commentaires

Why?

Rose

17/01/2023 - 13:09

Pourquoi cet article très politique ,argumenté (ss qu'on soit forcément d'accord avec lui ) est-il classé dans la rubrique parodique "RIgoladeri" ?

Le drapeau "au perroquet' de la Dominique.

OuiNon

18/01/2023 - 14:17

D'après le règlement du concours, les drapeaux soumis aux votes devaient être présentés par leur auteur. Ils devaient être une création originale, sans rien qui fasse partie d'une oeuvre préexistante.
Le 16 janvier, le présent blog a daté le drapeau RVN "canal historique" de l'insurrection du Sud, en 1879. Si son auteur avait alors 20 ans, il en aurait 164 aujourd'hui. Ce n'est donc pas lui qui a présenté le drapeau n°891, mais une autre personne qui ne peut prétendre que son oeuvre est originale.
On apprend maintenant que le drapeau RVN "au sissi" (n°242) a pris son image du colibri dans la banque d'images en ligne Shutterstock. Une de ses parties est donc une oeuvre préexistante, en contravention au règlement du concours.
En conséquence, aucun des deux drapeaux finalistes ne satisfait au règlement de la CTM, malgré la gestion de celui-ci par un "comité ad hoc" et la présence d'un huissier de justice.
Et ne parlons même pas des modalités obscures du vote en ligne. Le quotidien local écrit : "plus de 26.000 Martiniquais ont pris part au second tour..." Certes, le choix du drapeau n'intéresse pas grand-monde, à part certains Martiniquais. Mais qu'est-ce qui permet d'affirmer que les 26.000 votants l'étaient ?
On peut aussi remettre en cause l'organisation d'un concours pour choisir un drapeau. Le 9 janvier, on pouvait lire sur le présent blog : "on n'a jamais vu un pays choisir son drapeau par consultation électorale". Outre le fait qu'il n'est pas interdit d'innover, est-ce si sûr ? D'une manière générale, sait-on comment ont été choisis les drapeaux des différents pays ? Notamment, des pays devenus indépendants sans affrontements avec leur ex-colonisateur, comme dans la Caraïbe ex-anglaise. De quel processus est issu le drapeau "au perroquet" de la Dominique ?

MERCI GOOGLE !

Albè

18/01/2023 - 21:18

Il suffit d'aller sur Google, s'agissant du drapeau de la Dominique, et de taper "Who has created the flag of Dominica ?". Qui a créé le drapeau dominiquais ? Et on a la réponse : Alwyn Bully. Un artiste du pays ! Et toujours sur Google, l'explication des couleurs du drapeau et du perroquet qu'il arbore est aussi donnée : le JAUNE représente les premiers habitants de l'île à savoir les Kalinagos ou Caraïbes ; le NOIR représente le sol fertile ; le BLANC représente l'eau pure. Et le perroquet ("sisserou") est indigène de la Dominique. Merci Google !

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    Albè, je voulais dire...

    Frédéric C.

    25/11/2024 - 14:16

    "National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...

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