Dans les milieux culturels et littéraires, c’est étrange comment la question du maintien, de la création d’instances nationales de reconnaissance, de légitimation et de valorisation ait pu faire débat. Une chose, un combat qui pourtant va de soi. Une bibliothèque portant le nom d’un écrivain, la multiplication de prix, de festivals à l’échelle régionale ou nationale, la multiplication des lieux de rencontres et d’échanges, des choses qui paraissent naturelles ailleurs et qu’on a peur de revendiquer et d’activer ici.

Heureusement, il y a des individus et des institutions qui persistent  dans cette voie. La cérémonie de présentation de « La petite fille bleue », œuvre lauréate du prix Deschamps 2021, ce vendredi 8 avril est un événement majeur. Le livre est beau. L’auteur, Louis Bernard Henry, est jeune. C’est un premier roman qui laisse espérer et qui s’inscrit dans la grande tradition de la littérature sociale haïtienne. Le jeune homme n’a d’ailleurs pas peur d’exprimer ses convictions.

Mais le plus important est le lancement de la quarante-septième édition. Le prix Deschamps, comme toute chose vivante, a connu des hauts et des bas. Il faut reconnaître que depuis quelques années il a pris de la vigueur, a interpellé candidats et lecteurs. Un grand prix, c’est des œuvres qui vont s’inscrire dans la longue durée. Certains avaient jugé sévère la décision du jury de ne pas attribuer le prix en 2016. Aucun des manuscrits reçus ne répondait aux critères, selon le jury. C’est un vice de croire que toute œuvre soumise doit être primée. La sévérité, même s’il y a dans toute décision une part d’arbitraire, avait contribué à revaloriser le prix. (Yon moun pa ka voye nenpòt bagay epi atann li pou yo bat bravo pou li). Les livres primés aux éditions suivantes ont été d’une grande qualité littéraire. « Tifi », de Saïka Céus, et le très beau « La couturière de Martissant » de Ronald C. Paul.

Désormais, sans dire que toutes les œuvres primées dans l’histoire du prix ne le méritaient pas, une habitude semble s’installer, celle d’attendre que l’œuvre primée soit de qualité. Le prix Deschamps, attendons-nous à un bon livre. C’est bien pour le prix et pour le milieu littéraire haïtien, et surtout pour les éventuels lecteurs.

Sur le plan général, Il faut souhaiter une ouverture vers la variété. Aucune activité ne peut représenter l’ensemble. Il s’écrit des choses très différentes, avec des options thématiques et esthétiques qui se contredisent. Et il importe que cette variété puisse trouver des cadres pour être exprimée. En cela, le prix Deschamps, ouvert à tous les genres, prend la place d’une sorte de grand prix national. Toutefois, souhaitons la création d’autres prix, plus spécifiques, consacrés à des genres. Il en existe déjà quelques-uns, il convient de les supporter et de les porter à la connaissance de tous.

Persévérance, mais aussi qualité du jury, des œuvres primées et de la structure organisationnelle. Rêvons : un grand prix de la biographie… du récit journalistique…

L’instance politique s’est fondue dans le marasme, le ridicule, la criminalité. Tout en luttant pour que la politique reprenne sens, il convient de construire aussi en dehors d’elle.  En dehors du « voye monte » et du « tout voum se do ».

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