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Durant l’interview accordée à Guadeloupe la Première (samedi 20 septembre 20025) pour la sortie de son dernier ouvrage « Salves de Blues » en librairie, l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin a fait allusion au jazz de façon pour le moins frappante : « (…) une musique « judéo-nègre !». Cette approche inaugurant peut-être une dimension silencieuse qui m’est parfaitement inconnue, il m’a donc paru important de questionner une maille (de façon succincte) l’état de la recherche sur cette musique.
D’abord deux commentaires liminaires simples :
Dans un chapitre consacré aux musiques (The Black Atlantic, Jewels brought from Bondage, Black Music and the Politics of Authenticity, 1993), Paul Gilroy, sociologue et penseur majeur des études culturelles, définit le jazz comme une expression culturelle emblématique de l’Atlantique noir, exprimant mémoires de l’oppression et de l’exil, rupture du cadre de la domination et métaphore de la résistance esthétique et politique, balan (élan) vers la liberté. En d’autres mots, le jazz n’est pas uniquement un genre musical mais un langage de la modernité des populations noires. Il est issu d’une esthétique diasporique et hybride, illustrant un métissage culturel combinant des composantes africaines, européennes et caribéennes. A ce titre, il est impossible de le figer dans une nationalité ou une tradition unique.
Gunther Schuller (Early jazz, 1968), musicien et théoricien, pionnier de l’histoire analytique du jazz, nous apprend que le jazz naît de la rencontre de l’Afrique et de l’Europe dans le contexte afro-américain. Il insiste sur les racines et l’héritage africains, les influences européennes (harmonies, structures, instrumentation) et le long processus de fusion qui bâtit sa singularité et son esthétique spécifique.
En l’approchant en tant que fait social, Ted Goia (The History of Jazz, 1997), historien, pianiste et critique américain, insiste systématiquement sur le contexte social, économique et politique dans lequel le jazz est né, puis s’est développé. Selon l’auteur, les conditions de vie des afro-américains, la ségrégation, les migrations intérieures ou les lieux d’expression ont façonné les évolutions du jazz. Ces dernières et la dynamique de transformation proviennent toujours de ruptures sociales et culturelles.
A noter les travaux récents (2019-2024) qui valorisent la biguine comme racine diasporique du jazz, longtemps invisibilisée au profit d’un récit purement états-unien. En mettant en avant les liens significatifs entre la biguine de Saint-Pierre et les débuts du jazz, ils soutiennent l’idée qu’elle pourrait avoir exercé une influence (directe ou indirecte). L’article d’Aurélie Boutant, « De la biguine au jazz caribéen : expressions créatives insulaires et archipéliques (2020), cite Jacqueline Rosemain qui note que vers 1880, les musiques créoles de la Louisiane, avant de devenir ce qu’on appellera jazz étaient semblables à celles de Saint-Pierre. De façon synthétique, les musicologues montrent les parallèles structurels (rythmes, instruments, ensembles) et les historiens insistent sur les circulations culturelles entre Antilles et Louisiane (via ports et migrations).
En définitive, quand on examine les travaux des penseurs du jazz, on ne trouve aucune trace de judaïsme. Alors, quelle pertinence l’auteur aurait-il voulu mettre en lumière ?
Peut-être a-t-il fait référence à la contribution de certains interprètes, arrangeurs ou compositeurs, notamment George Gershwin, compositeur et pianiste d’origine juive, issu du monde classique et de Broadway, qui a su intégrer l’énergie du jazz dans ses compositions et le légitimer dans les sphères savantes et internationales ?
Peut-être voulait-il renvoyer à la contribution commerciale et médiatique ? En effet, de nombreux producteurs, éditeurs et patrons de labels de disques d’origine juive ont joué un rôle important dans la diffusion du jazz : Norman Granz, fondateur du label Verve ; Prestige Records, fondé en 1949 par Bob Weinstock ; Alfred Lion et Francis Wolf, fondateurs de Blue Note Records, référence absolue du jazz moderne, etc.
Seulement, envisager que la contribution des juifs américains comme décisive au point d’ériger le jazz comme une musique « judéo-nègre » ne résiste pas à l’évidence :
En final de compte, qu’est-ce que nous apprend l’irruption du judaïsme dans le biotope jazz ? Elle m’aide à considérer un néo-concept : celui de la désappropriation (sic). S’il est un concept dédou (élimé) sur les réseaux sociaux, c’est bien celui de l’appropriation culturelle. Par appropriation culturelle, on désigne le fait pour un individu ou un groupe issu d’une « culture dominante » d’emprunter, utiliser à des fins commerciales ou imiter des pratiques culturelles (langage, symbole, musique, rituels, etc.) qui appartiennent à une autre culture généralement minorisée, marginalisée ou historiquement opprimée.
On entendrait alors par « désappropriation » l’idée de se délester, ou de prêter explicitement -ou de façon obscure- à des personnes, des cultures exogènes ou dominantes des éléments issus de ses propres pratiques.
...en réécoutant votre interview grâce au "replay" de GUADELOUPE La 1è, rien de ce que vous expli Lire la suite
bonjour en tant qu'écrivain du roman "SALVES DE BLUES" (Caraïbéditions), je vous remercie de vos Lire la suite
... abandonner cette religion colonialiste que leur ont imposé "les racistes arabo-berbères" ! Lire la suite
Pour une raison que j'ignore ,certaines personnes veulent absolument me faire paser pour un anti- Lire la suite
...m’emmerder à aller proposer cette signature à 1 ou 2 artistes de scène (l’un d’eux est présent Lire la suite
Commentaires
"jazz judo nègre"
DANIEL MAXIMIN
01/10/2025 - 12:00
bonjour en tant qu'écrivain du roman "SALVES DE BLUES" (Caraïbéditions), je vous remercie de vos remarques concernant la dénomination de "musique judéo-nègre" de "saet vous informe que je ne reprends en aucun cas cette définition proposée par les nazis au moment de son interdiction en Allemagne puis dans les pays occupés, dont la France, avec un volonté de mépris. Cette politique de violente répression des musiciens et des adeptes, notamment la jeunesse très réprimée dans les soirées swing à succès malgré l'interdiction et les descentes policières dans les boites de Berlin, Munich et autres villes. Je vous transmets un extrait du roman qui présente un jeune soldat allemand Michael,musicien de jazz au violon alto, secrètement impliqué dans un réseau anti nazi, mobilisé à Paris comme chauffeur des officiers en poste àParis Extrait du roman SALVES DE BLUES, où est présenté le décret authentique de Goebbels,adjoint d'Hitler responsable de la culture, contre la musique de jazz
"
Aujourd'hui, en ce début de mars 1942, presque trois ans après son premier voyage quasi initiatique d'avril 39 à la rencontre du jazz de Duke Ellington à Chaillot, Michael se considérait en son for intérieur bien plus comme un vaincu réfugié à Paris que comme un occupant vainqueur. Il se réjouissait un peu égoïstement de la liberté musicale qui lui était encore possible ici, alors que la situation s'aggravait tragiquement sur tous les fronts, y compris en Allemagne même, la répression musicale étant concernée au même titre que les autres, reflétant la folie généralisée de ce qui allait être dévoilé bientôt comme une "solution finale", décidée à une conférence secrète fin janvier près de Berlin dont quelques officiers supérieurs à Paris bien informés venaient tout récemment d'en avoir l'écho. Elle programmait la disparition totale de tous les juifs d'Europe, -paraît-il au moyen de camions de gazage et dans des camps spécialisés secrets-, et l'élimination d'autres humains en raison de leur religion, leur race, leur nationalité, leurs convictions, leur sexualité, leurs infirmités mentales ou physiques, leurs écrits, leurs tableaux, leurs musiques, en ratissant bien large sans rien oublier. Et sans oublier ce swing judéo-nègre maudit, objet cette fois d'une récente directive spécifique de Himmler début 42, avec une "annexe musicale" appliquée comme toutes les autres avec zèle et rigueur par son cruel adjoint : Reinhard Heydrich. Michael avait été informé dès février de sa teneur très menaçante par ses amis de leur Hot-club de Berlin, qu'ils avaient par précaution fermé depuis quelques mois :
"Tous les meneurs, je dis bien les meneurs mâles ou femelles, et tous les professeurs qui épousent les vues de l'ennemi en encourageant la jeunesse swing, doivent être envoyés en camp de rééducation. Là-bas, les jeunes doivent dès l'arrivée être battus, puis obligés sévèrement à marcher droit, et forcés à travailler".
C'était ce même Heydrich qui, à l'étonnement de Michael, était pourtant réputé être un excellent violoniste, issu d'une famille de musiciens : un père compositeur et chanteur d'opéra, et une mère professeur de piano. Après tout, ajoutaient ses camarades pour augmenter son trouble, on dit que Mussolini aussi est un excellent violoniste ! Les chauffeurs, toujours à l’écoute des confidences des officiers entre eux, avaient appris que la visite à Paris de ce Heydrich "SS-Obergruppenführer und General der Polizei", traduit en plus court : "le bourreau de Prague", était annoncée pour tout bientôt pour la mise en musique en France de ce terrifiant programme encore secret, et les jeunes collègues de Michael n'avaient pas manqué d'imaginer ironiquement une sortie musicale pour ce guerrier :
- On conduira un soir l'Aryen Reinhard-avec-d. à Pigalle apprécier le Tsigane Reinhardt avec-dt ! Et toi, Michael, tu pourras interpréter un merveilleux duo violon-alto avec l'ogre Heydrich, mais gare aux fausses notes si ton archet tremble, car il t'expédiera aussitôt sur le front russe, casqué de ton alto fracassé sur ton crâne !
Cette nouvelle directive de Berlin, -dont Michael pensait avec effroi que l'application à Paris devrait envoyer en déportation son professeur de jazz et tous ses élèves, lui inclus-, manifestait bien pour lui la preuve, qu'au-delà de la musique, c'était aussi la jeunesse qui était la cible visée. Car il apparaissait de plus en plus que dans toute l'Allemagne, avec de plus les premiers signes d'affaiblissement militaire du Reich sur le front russe et l'entrée en guerre des États-Unis en décembre dernier, se développaient depuis quelques mois des actions de résistance clandestine, que la Gestapo arrivait plus difficilement à combattre dans l'œuf. Parce qu'elles étaient initiées par de petits groupes autonomes de jeunes encore minoritaires et dispersés, tout particulièrement dans les milieux étudiants de Munich, Hambourg, Francfort, Cologne ou Berlin, en plein cœur du dispositif nazi : tracts, graffitis, lettres et cartes postales discrètement disséminées dans les boites aux lettres ou sur les paillassons : écrits et gestes silencieux et furtifs, sans ostentation, sans armes, mais aussi sans boucliers."
bien cordialement. DANIEL MAXIMIN
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Albè
01/10/2025 - 12:25
...en réécoutant votre interview grâce au "replay" de GUADELOUPE La 1è, rien de ce que vous expliquez n'y apparait. Vous vous contentez d'y glisser de façon anodine "le jazz, musique judéo-nègre", ce qui fait que le quidam moyen de Vieux-Habitants ou de Baie-Mahault qui ne connait rien à l'histoire de l'Allemagne sera persuadé que le jazz fut une création commune des Noirs et des Juifs, ce qui est totalement faux ! Cette musique est née de la fusion des rythmes des esclaves noirs américains du Sud des Etats-Unis et de la musique créole de la Nouvelle-Orléans avec quelques touches de rythmes amérindiens, hispaniques et cajuns. Zéro influence hébraïque donc ! Ce n'est que beaucoup plus tard que des musiciens européens d'ascendance juive comme Gershwin se sont soit inspirés du jazz soit l'ont joué en y apposant leur empreinte.