Qui écoute la radio, regarde la télé ou consulte les sites-Internet des principaux médias martiniquais n'a eu qu'une vision tronquée de ce qui s'est passé il y a quelques jours au collège de la commune de Saint-Joseph.
La chose n'est racontée qu'avec un minimum de détails au point que l'auditeur ou le téléspectateur s'est imaginé qu'il s'agissait de quelque chose d'hélas banal : l'agression d'une enseignante par un élève. Or, après enquête, on découvre les éléments ci-après :
. une enseignante fait sa rentrée et explique à sa classe sa façon de travailler et ce qu'elle attend de cette dernière. A plusieurs reprises, un élève plutôt baraqué et âgé de 14 ans s'amuse à l'interrompre et à rigoler. L'enseignante lui demande alors de se calmer un peu, ce qui déclenche la colère de l'élève qui se rue sur elle et se met à la frapper à la stupeur des autres élèves.
. l'enseignante parvient à se dégager et se rend au bureau de la principale, aussitôt suivi par l'élève agressif qui se met à rouer de coups la principale qui s'effondre par terre. Entre temps, des enseignants, alarmés par le vacarme, viennent au bureau de la principale, lui prodiguent les premiers soins et la relèvent alors qu'elle était à moitié inconsciente.
. entre temps, l'élève s'est enfui et dans la cour, il voit son enseignante qui tente de calmer des élèves des différentes classes alarmés par le vacarme. Il se rue une deuxième fois sur elle et la bourre de coups de pied et de poing jusqu'à ce qu'elle aussi s'effondre. Il continue à la frapper au sol !
. un agent parvient difficilement à maitriser l'élève (l'établissement ne comporte quasiment que des femmes tant au niveau du personnel enseignant que de service). La police municipale, alertée entre temps, arrive et comme il s'agit d'un mineur, hésite à lui passer les menotes. Enfin, c'est au tour des gendarmes de débarquer (alors que la gendarmerie se trouve à deux pas du collège) et finit par être maitrisé, puis extrait de l'établissement.
Comme on le voit, il y aurait pu avoir un drame tant les deux agressions subies par l'enseignante et celle subie par la principale ont été violentes. Alors, d'aucuns diront que cet élève est atteint de troubles mentaux, que pareille chose arrive partout à travers le monde et qu'il n'y a guère de moyen de prévenir ce type d'agression. Sauf que dans le cas de l'élève du collège de Saint-Joseph, il avait déjà été exclu d'un établissement pour les mêmes raisons ! Cependant, aussi grave qu'ont été ses actes, il faut les replacer dans un contexte plus large : celui de la détresse que vit au quotidien une majorité d'élèves issus des classes populaires et immigrées. Interrogé à ce sujet, un enseignant de Fort-de-France nous dit ceci :
"Nos collègues qui enseignent à Terreville, Tartenson, Cluny etc...n'ont aucune idée de ce que vivent nos élèves issus des Terres-Sainvilles, Trénelle, Dillon, Four-à-Chaux etc...Savez-vous qu'il nous arrive parfois le matin, au début du cours, de demander qui n'a pas mangé ce matin et dix doigts se lèvent ! Qui n'a pas mangé depuis hier ? Quatre doigts se lèvent ! Parfois, il nous arrive d'acheter des paquets de biscuits ou de chocolat pour les leur donner !...La situation des enfants anglophones et hispanophones est la plus dramatique mais beaucoup d'enfants martiniquais vivent la même chose. A Tartenson ou à Terreville, jamais un enseignant ne verra un élève s'effondrer en larmes en plein cours et quand on l'interroge, il ou elle répond "Mon frère est en prison et je ne l'ai pas vu depuis six mois". Sans même parler de certains pères, en réalité des géniteurs, qui attentent à la pudeur de leurs filles ! Nous, les enseignants, nous devons faire avec toute cette détresse et on devrait tous recevoir les palmes académiques car aucun d'entre nous ne baisse les bras. En plus de nos cours, nous organisons toutes sortes d'ateliers ou de petites manifestations pour tenter de redonner une forme d'estime de soi à nos élèves."
Une autre enseignante nous dit :
"Cette détresse-là, elle n'existe pas uniquement dans la conurbation Schoelcher-Fort-de-France-Lamentin. Elle existe aussi dans les établissements de commune comme Saint-Joseph où depuis des années déjà les forces de l'ordre ont dû intervenir. Le système en place, le Rectorat, la CTM etc...portent une lourde responsabilité dans cette situation de même que les Békés et les prix exagérés de leurs supermarchés, mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi la responsabilité des parents : ces pères qui confisquent l'allocation de rentrée scolaire pour s'acheter des motos le plus souvent volées ou ces mères qui l'utilisent pour s'acheter des Iphones à 800 ou 1.000 euros. Sans même parler de ces parents qui vivent du commerce de drogues..."
Quand on écoute attentivement ces enseignants, on mesure la cassure, la fracture même, qui s'est instaurée entre les classes populaires (surtout les 27% qui vivent sous le seuil de pauvreté) d'une part, et de l'autre, les classes moyennes basses (smicards) et hautes (40%-centaires). Autrefois, dans les familles, on pouvait trouver un agricuteur, un instituteur, un maçon, un chef d'entreprise, un mécanicien, un médecin, un djobeur etc...Une forme de solidarité familiale existait qui permettait d'atténuer les inévitables difficultés de la vie, mais désormais, depuis à peu près deux décennies, une sorte de mur s'est progressivement instauré entre les classes moyennes et les classes populaires, ces dernières se voyant forcées d'intégrer les classes immigrées qu'elles vont dès lors pointer du doigt (alors même que si nombre d'écoles maternelles et primaires ne ferment pas c'est grâce aux enfants saint-luciens, haïtiens, dominiquais, dominicains etc.).
Aucun sociologue martiniquais, à notre connaissance, n'a étudié cette fracture entre classes moyennes et classes populaires. Tout le monde se focalise sur la fracture entre la classe supérieure (Békés blancs et Békés de couleur) et les deux autres classes. Avec raison certes ! Mais ne pas voir que la fracture, certes récente, entre classe moyenne et classe populaire est lourde de danger pour notre société est aussi grave à terme. L'enfant d'un avocat, d'un médecin, d'un professeur, d'un pharmacien etc...ne lèvera jamais le doigt quand le maitre ou la maitresse posera la question : "Qui n'a pas mangé depuis hier ?".
NB. Un autre enseignant interrogé nous dit que la période du Covid et du confinement a été terrible pour beaucoup d'élèves des classes populaires qui ne pouvaient plus bénéficier de la cantine. Souvent leur seul vrai repas de la journée !
Il y a eu, dès la fin du 19è siècle, un mouvement de revendication autonomiste dans quasiment tou Lire la suite
Le cas de la GRANDE-BRETAGNE mérite d'être pris en compte(SAINTE-LUCIE, DOMINIQUE).
Lire la suite...rendent caduc le laïus qui les précède. Lire la suite
...La France de de Gaulle-Debré-Foccart a choisi l’option de l’indépendance des pays d’Afrique su Lire la suite
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