Arthur Régis s’en est allé, il était un homme de conviction et d’engagement

Ainsi donc disparaît l’un des derniers militants ayant œuvré, à côté d’Aimé Césaire, à la création du Parti progressiste martiniquais, en 1958. Sa première mission avait été d’encadrer les jeunes du parti. Après son départ du PPM, en 1980, sa vie politique fut quelque peu chaotique. Il n’exerça plus aucun mandat. Il fit un bout de chemin avec Guy Lordinot au Renouveau de Ste Marie puis rejoignit le RDM de Claude Lise.

La démission d’Arthur Régis, en janvier 1980, du mandat de conseiller général de Fort-de-France est très certainement la décision politique la plus importante prise par l’ex-militant du Parti progressiste martiniquais.  Elle s’inscrivait dans l’atmosphère politique du parti à la fin des années 1970, où un certain nombre d’évènements traduisait l’orientation du PPM vers une franche radicalité. Déjà aux élections législatives de 1973, Aimé Césaire avait annoncé que si le gouvernement refusait de répondre à la revendication autonomiste il démissionnerait de son mandat. Le 13 novembre 1975, il prononça à l’assemblée nationale sa déclaration sur le génocide par substitution en Guyane, expression reprise par d’aucuns, notamment par Arthur Régis, pour qualifier la situation de la Martinique. Le 24 février 1978, la campagne des législatives où se produisit l’affaire Jalta fut ouverte par le discours des « 3 voies et 5 libertés », élément culte de la doctrine du PPM. Dans la même période Camille Darsières faisait une déclaration qui connut un grand retentissement dans l’opinion. Il invitait les Européens à quitter la Martinique.  Faut-il ajouter que le mot d’ordre du Parti progressiste martiniquais était alors « l’autonomie étape vers l’indépendance » ?

On se souvient que, emporté sans doute par le verbe, Arthur Régis avait déclaré préférer se retrouver en prison dans une Martinique libre que libre dans une Martinique occupée.  Il m’avait confirmé ce propos au cours d’un entretien qu’il m’avait accordé, en 2007, au sujet d’Aimé Césaire, avant que je ne le reproduise dans l’une de mes tribunes. Le militant historique du PPM avait pu se laisser abuser, et en être victime, par l’ambiance de surenchère idéologique décrite ci-dessus et à laquelle le moratoire allait mettre fin de façon inattendue. On peut s’étonner que celui qui avait été considéré comme le protégé de Césaire et qui, somme toute, n’avait fait que prendre au pied de la lettre la doctrine du PPM, n’ait pas reçu par la suite une main tendue de la part des dirigeants de ce parti, dont Césaire lui-même.

Le PPM et son secrétaire général, en particulier, s’étaient montrés intransigeants à l’égard de celui qui avait pris la liberté de démissionner du canton que lui avait laissé Césaire et de conduire le parti à une élection partielle. Il avait été mis en situation de quitter de lui-même le parti, comme ce fut le cas, 25 ans plus tard, pour celui qui lui avait succédé, Claude Lise. Arthur Régis avait dit comprendre cette intransigeance.  En effet, en militant responsable, il avait assumé sa décision en suggérant néanmoins qu’il ne l’aurait sans doute pas prise si la décentralisation-régionalisation qui survînt en 1983 avait déjà vu le jour.

A ma connaissance, l’ancien militant du PPM est le seul élu politique martiniquais de ces 50 dernières années à avoir abandonné un mandat électif pour exprimer son opposition à l’Etat. Même Césaire, qui en avait fait la menace en 1973, s’était abstenu de le faire.  Finalement, pour le militant qui nous quitte, il s’était agi davantage d’un acte d’engagement qu’une démission. En démissionnant de son mandat d’élu, Arthur Régis s’était, en réalité, engagé plus avant dans la défense de ses idées. Ce geste ne lui fut pas pardonné. Je salue la mémoire de l’homme avec lequel j’ai eu l’occasion de me fritter à travers nos tribunes respectives.

Fort-de-France, le 14 août 2017

Yves-Léopold Monthieux

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