Le réalisateur Michel Spinosa tente de répondre, avec l’aide d’historiens, à la question posée par la philosophe Hannah Arendt : « Comment cela a-t-il été possible ? »
D’emblée, Michel Spinosa donne le contexte : « A l’heure où les derniers témoins disparaissent et où la distorsion de la Shoah connaît une nouvelle vigueur », sa série documentaire audio, intitulée La Décision. A l’origine de l’extermination des juifs d’Europe, tente de répondre à la question que la philosophe Hannah Arendt (1906-1975) se posait déjà dans la préface des Origines du totalitarisme (1951) : « Comment cela a-t-il été possible ? »
Le scénariste et réalisateur a mené l’enquête auprès d’historiens (parmi lesquels Tal Bruttmann, Susanne Heim, Stephan Lehnstaedt) qu’il a interrogés à partir d’archives (discours, lettres de mission, rapports de tueries, journaux, télex) : « J’ai voulu que l’on s’en tienne aux textes, nous dit-il. C’est presque un travail de théologien. On est sur le texte et, surtout, on n’en dévie pas : on le creuse et, en le creusant, on réfléchit. »
Le résultat de son travail est remarquable, par le sérieux des entretiens menés et des sources consultées ; par l’aveu, aussi, de ne proposer qu’une tentative de réponse, parce que les historiens ne sont pas tous d’accord entre eux et que, sur le sujet, il reste encore beaucoup à faire ; par, enfin, la façon dont il a choisi de nous donner à l’entendre : Michel Spinosa nous emmène consulter les archives, sur les lieux où les décisions se sont prises, où les crimes ont eu lieu. Saluons aussi la réalisation, justement sobre, de Julie Beressi.
Génocide à l’est
A l’épisode 1, l’historien Florent Brayard rappelle que, dès 1923, Hitler déclare : « La question juive est un cancer qui ronge le corps national allemand. (…) Nous devons éliminer les juifs. » Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis multiplient les exactions et les plans d’expulsion et de « réserve juive » en Pologne, à Madagascar, ou bien en Sibérie.
Avec l’invasion de l’Union soviétique, le génocide prend, à l’est, des proportions effroyables (épisode 2) et, à l’automne 1941 (épisode 3), alors que l’émigration des juifs est interdite, commencent les premières déportations au départ du Reich. Dans le district de Lublin, en Pologne occupée, est planifiée la construction du centre de mise à mort de Belzec. L’historien Nicolas Patin rappelle alors le massacre de Babi Yar, dans la banlieue de Kiev (Ukraine), les 29 et 30 septembre 1941 : « 33 771 juifs assassinés par les Einsatzgruppen… Quelqu’un va me dire : “Oui, mais quand est-ce qu’on a décidé quoi ?” Mais c’est déjà décidé. (…) La transformation de la solution finale d’une solution territoriale en une solution d’assassinat s’invente à l’est. »
Au quatrième et dernier épisode, les historiens interrogent ce qui a pu se dire, le 20 janvier 1942, lors de la conférence de Wannsee. Une chose est certaine : au printemps suivant aura lieu « la concrétisation tragique d’un plan généralisé », comme le dit Michel Spinosa.
« Un imaginaire antisémite commun »
Cette enquête lui a pris trente ans de lectures, quatre années de plongée intensive dans les archives, quelques mois d’enregistrements, avant le montage, à la mi-février, qui l’a laissé exsangue : « C’était la nausée, jusqu’à me demander pourquoi je faisais ça, parce qu’au bout du compte ils voulaient tuer les juifs et ils l’ont fait. »
C’est pour ne pas avoir à entendre seulement « les horreurs de ces horribles personnages » (dont les textes sont lus, en grande partie, par Eric Ruf, de la Comédie-Française) qu’il fait dire aussi, par la lumineuse Isabelle Carré, des extraits du journal d’Hélène Berr (« 8 juillet 42 : on a emmené des enfants. On a séparé les mères des enfants. Je note les faits parce qu’il ne faut pas oublier ») et de celui d’Etty Hillesum, laquelle appelle de ses vœux une époque plus humaine et des temps nouveaux. La première mourra au camp de Bergen-Belsen en 1945, la seconde fut assassinée, comme toute sa famille, à Auschwitz en 1943.
Rappelons, alors que l’antisémitisme connaît en France une inquiétante recrudescence, ce que dit Nicolas Patin à l’épisode 3 : « La Shoah est un projet nazi qui n’aurait jamais pu avoir l’ampleur qu’elle a eue s’il n’y avait pas eu un imaginaire antisémite commun à l’échelle de l’Europe. » Et Michel Spinosa de confier : « Si, après avoir écouté le documentaire, des gens disent : “Comment est-ce possible qu’il y ait encore des négationnistes ?” , alors je n’aurais peut-être pas fait tout ça pour rien. »
La Décision. A l’origine de l’extermination des juifs d’Europe, podcast de Michel Spinosa, réalisé par Julie Beressi (Fr., 2024, 4 × 58 min). Dans le cadre de l’émission « LSD, la série documentaire ». Disponible à la demande sur France Culture et sur toutes les plates-formes d’écoute habituelles.
Votre arabophobie et vos changements incessants de pseudos pour pouvoir poster vos commentaires s Lire la suite
Je suis frappée par le peu d'enthousiasme que manifestent les media martiniquais (en général, si Lire la suite
Cette situation n'est absolument pas étonnante :au delà de cet exemple pris en France, il ne faut Lire la suite
En deux occasions, j'ai eu un sentiment ressemblant, mais heureusement de façon fugace. Lire la suite
..tu fais ce genre de confusion :même un mauvais élève de sixième ne confondrait pas Non-Blancs e Lire la suite
Commentaires
Ce texte intéressant mériterait...
Frédéric C.
18/06/2024 - 13:26
... quelques commentaires et questionnements, surtout ces temps-ci... Mais comme certains commentaires sont considérés comme du squattage ou de la masturbation intellectuelle (n'est ce pas "Albè"?) autant s'abstenir. Si éséyé yizé kabèch nou sé bat dous...Hon! autant laisser cette "activité" (ha ha!) aux "penseurs" (ha ha: bat dous) "professionnels" (re haha!).