Frantz Fanon plus que jamais d'actualité

   Le 6 décembre 1961, Frantz FANON décédait d'une leucémie dans un hôpital étasunien. Sans avoir eu le temps de tenir entre ses mains ce que d'aucuns considèrent comme son oeuvre majeure à savoir Les Damnés de la terre.

   Psychiatre à l'hôpital de Blida dans l'Algérie coloniale, il avait rejoint le FLN (Front de Libération Nationale) en Tunisie où il fut l'un des rédacteurs du journal du mouvement, El Moudjahid ("Le Combattant" en français). Ambassadeur de la Révolution algérienne en Afrique noire laquelle était encore colonisée, il s'employa à tisser des liens entre pays du nord et pays du sud du Sahara. A sa mort, son cortège funéraire fut convoyé de Tunis jusqu'au sud de la Tunisie où des combattants révolutionnaires algériens s'employèrent à satisfaire son dernier voeu : être inhumé dans le pays qu'il considérait comme désormais le sien, l'Algérie. L'armée française avait alors disposé des barrières électrifiées de 30.000 volts entre l'Algérie et la Tunisie et celles-ci durent être franchies au péril de leur vie par les soldats chargés de le porter en terre algérienne. Ils réussirent à enterrer sa dépouille mortelle selon le vœu de Fanon, quoiqu'à quelques centaines de mètres à l'intérieur de l'Algérie. A l'indépendance, en 1962, son corps ainsi que celui de plusieurs éminents combattants algériens furent transportés au "Cimetière des martyrs" de la ville d'Aïn Karma où Fanon repose jusqu'à la date d'aujourd'hui. 

 

2

 

   Avec Aimé Césaire et Edouard Glissant, Frantz Fanon est l'un des trois penseurs qui ont réussi à faire exister la minuscule Martinique sur la carte du monde. Qui pourrait citer les noms d'un penseur indonésien, kazakh, norvégien, australien ou iranien alors même que leurs pays comportent des dizaines de millions d'habitants ? Et surtout que la Martinique couvrirait à peine un seul quartier des capitales de leurs pays. De ce fait, se pose alors une question : sommes-nous, Martiniquais, à la hauteur de la trajectoire et de la pensée fanoniennes ? Méritons-nous Fanon ? Chacun d'entre nous devra répondre à cette question en son âme et conscience au-delà des commémorations rituelles dont nous sommes i friands. Autre question qui elle dépasse notre ile et concerne le monde entier, surtout les peuples dits "sous-développés" ou du Sud : la pensée de Fanon est-elle encore d'actualité ? De prime abord, on serait tenté de répondre par la négative pour diverses raisons :  le monde dans lequel il avait vécu était tripolaire (Occident-Union Soviétique-Tiers-Monde) alors que celui d'aujourd'hui se divise plutôt en deux. ; la mondialisation n'existait pas ; l'Internet non plus ; les préoccupations écologistes, féministes et des minorités sexuelles non plus ; les pays occidentaux n'avaient ni ministres et encore moins premiers ministres "non-Blancs" alors qu'aujourd'hui, la Grande-Bretagne et le Portugal, pour ne prendre que ces seuls exemples, sont dirigés par des personnes d'origine indienne. Et Fanon aurait-il imaginé qu'un jour, les Etats-Unis auraient eu un président noir, élu deux fois en plus. Evidemment non ! 

   Le monde dans lequel avait vécu Fanon était très différent du nôtre. 

   Pourtant, la pensée de Fanon demeure utile, stimulante même, en cette époque où les cartes semblent brouillées, où les affrontements de classe, de race, de religion, de genre etc... ne sont plus aussi clairement définis qu'à son époque (les années 50-60). Fanon, en effet, nous enseigne la rigueur intellectuelle, le refus des compromissions, le rejet de la corruption, la détermination sans faille quant aux buts que l'on s'est fixés. Il n'est surtout pas le théoricien de la violence qu'ont décrit certains, notamment en France. Il n'était pas non plus le promoteur d'une quelconque suprématie noire ni arabe. Il croyait que l'humanité pourrait trouver les voies et moyens d'une coexistence apaisée entre les peuples à la condition de mettre en œuvre les principes qui ont guidé t sa courte vie. Sa très courte vie : Omar Ibrahim Fanon a, en effet, quitté ce monde à l'âge de 36 ans. 

   Le meilleur service que nous pourrions lui rendre, nous Martiniquais, est de lire et relire son oeuvre et ne pas nous contenter de la seule et même citation ("Chaque génération doit etc..."), répété ad nauseam par la plupart d'entre nous pour nous donner bonne conscience.

   Frantz Omar Ibrahim FANON vit encore. Plus que jamais...

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Commentaires

FANON, Frantz : un peu de décence, s'il vous plait...

Jean NEMAR

06/12/2022 - 14:04

S'agissant de FANON, Frantz (Omar Ibrahim ou pas), ne nous payons de mots, ce serait un peu trop facile. Trop facile de faire du lyrisme à bon compte.
NON, contrairement aux 9 mots constituant phrase de conclusion de cet article (dont 4 composant le patronyme de cet homme EXEMPLAIRE, s'il en est), FANON ne vit pas ENCORE, et bien moins que JAMAIS : le lyrisme de l'écrit (notamment) n'a jamais mené les peuples à quelque prise de conscience que ce soit : ça, c'est pour les "intellos de salon litttéraire et les "révolutionnaires de salon".
Si FANON s'est fait connaître à la face du monde (préfigurant un Nelson MANDELA), c'est parce qu'il a écrit, bien sûr (notamment 'Les damnés de la Terre"), MAIS aussi et SURTOUT, de par son ENGAGEMENT au côté du PEUPLE ALGÉRIEN.
Par voie de conséquence, FANON ne peut "vivre encore" qu'à condition que ceux qui se réclament de lui, se montrent DIGNES DE LUI...Tout le sreste n'est que bla-bla-bla...
Quant à CÉSAIRE et GLISSANT, en COMPARAISON...un peu de décence, s'il vous plait...

DECENCE

Albè

06/12/2022 - 14:24

Vous décernez des "brevets de décence" maintenant ? Vous ne savez pas qu'en Iran, on vient d'abolir la police des moeurs. Sinon, vous, quel a été votre engagement "révolutionnaire" pour la Martinique ? A part bien sûr écrire des commentaires sur ce site qui certes, raconte des conneries parfois mais qui sur ce coup-là est dans le vrai. Si vous n'éprouvez pas de honte à être un Nègre, c'est grâce à Césaire et à la Négritude. Si vous ressentez un malaise à ne pas faire partie de la Caraïbe, c'est grâce à Glissant et à l'Antillanité. L'article a raison : chacun des trois nous a apporté quelque chose de précieux. Et ça, contrairement à vous, je le respecte, ne me croyant pas autorisé à délivrer des brevets de décence à qui que ce soit.

amen !

Jean NEMAR

06/12/2022 - 16:45

Vous avez parfaitement raison.

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