Pour Jan Dau Melhau, conteur et éditeur en occitan du Limousin, « la langue occitane va mourir »

Jan Dau Melhau est né en 1948 à Limoges. Écrivain, musicien, chanteur, conteur et éditeur en occitan du Limousin, il a consacré sa vie à défendre la langue de ses aïeux et sa culture. Aujourd'hui, il estime que la "Lenga d'Òc" est plus que jamais en danger. Entretien.

Dans le petit monde de la littérature occitane limousine, l’homme est une légende vivante. Jan Dau Melhau a été de tous les combats pour préserver, et, surtout, faire exister cette langue romane locale toujours considérée comme vivante, mais aujourd’hui clairement sur le déclin. Entretien.

Quel regard portez-vous sur l’état actuel de la langue occitane limousine??

L’occitan, en Limousin, comme dans la partie sud de la France, où il est historiquement parlé, disparaît lentement. La langue occitane va mourir. Dans les années soixante-dix, quand j’ai commencé à lutter plus concrètement pour sa préservation, les choses étaient sauvables. À la campagne, la plupart des gens de ma génération le parlaient encore de façon naturelle. L’ayant reçu des parents. Sauf que nous avions 20 ans. Nous en avons désormais plus de 70. En 1971, après mes études, je suis rentré à Royer, commune de Meuzac. Il y avait six familles de paysans et toute la vie se faisait en occitan. En ville, à Limoges, on entendait le patois siffler dans les rues. Maintenant, le chercher serait vain. Si je veux parler ma langue, il ne reste plus qu’une seule personne pour me comprendre dans le village. La relève n’a pas été assurée. Je ne vois aucun avenir.

Pourtant, en Limousin, les initiatives se multiplient pour faire vivre la langue…

Oui, la librairie occitane, rue de la Haute-Vienne à Limoges, et l’Institut d’études occitanes du Limousin organisent de nombreuses animations, des cours notamment. Mais ce n’est pas suffisant. Lundi dernier, le cinéma Le Lido a diffusé un documentaire sur la poétesse occitane corrézienne Marcelle Delpastre. 350 personnes sont venues voir un film à 90 % en occitan sous-titré en français. C’est très bien.

« On a demandé au public s’il comprenait l’occitan et les deux tiers de la salle ont levé la main. »

Jean Dau Melhau

Il y a plus d’occitanophones qu’on ne le pense. Mais ils n’osent pas le parler ou n’en ont pas besoin. Communiquer avec est devenu un luxe. La langue est en perdition.

Le 7 février dernier, des étudiants en langue régionale ont manifesté à Paris pour demander plus de moyens sur l’enseignement bilingue. Qu’en pensez-vous??

(Il soupire…) La région Nouvelle-Aquitaine veut former des instituteurs aux langues régionales pour des classes bilingues. En Limousin, il y a seulement deux candidats, qui ont presque 60 ans. Quel avenir ça donne?? C’est trop tard. Si on avait fait ça dans les années soixante-dix, il y aurait eu beaucoup plus de volontaires. Notamment des professeurs occitanophones capables d’enseigner avec une assise linguistique car eux-mêmes locuteurs. L’État n’a pas eu la volonté de sauver les langues régionales. Autrefois ç’aurait été possible. Maintenant, je ne crois pas.Jan Dau Melhau a fondé la maison d'édition Lo Chamin de Sent Jaume, dans laquelle il publie ses ouvrages et les œuvres de la poétesse Marcelle Delpastre. On peut les retrouver à la librairie occitane à Limoges.

Dans ce cas, comment expliquez-vous que des langues comme le Basque, le Breton ou le Corse, soient encore si vivaces??

En Bretagne, la langue est plus vivante qu’en Limousin, certes, mais, on ne peut pas dire qu’elle soit en plein essor. Petit à petit, ça s’effiloche. Il y a les écoles, collèges et lycées Diwan (réseau d’écoles associatives où l’enseignement est en langue bretonne N.D.L.R) mais, tout de même, la langue peine à se diffuser. Au Pays basque, en revanche, il y a une volonté populaire de lutter pour préserver sa culture. Près de 40 % des enfants sont scolarisés dans des ikastolak (école basque). La langue y est véritablement vivante. En Corse aussi. Et puis, comme langue parlée, l’Alsacien reste vigoureux, grâce à la proximité avec l’Allemagne.

Le problème de l’aire linguistique occitane, c’est qu’elle est trop grande. Elle couvre 33 départements français. Il n’y a pas de sentiment d’appartenance. Les gens ont déjà du mal à se sentir limousins, alors occitans… C’est aussi un handicap politique. On a l’impression que l’État français ne peut supporter la moindre revendication de cet immense territoire que représente l’Occitanie linguistique. Il y a toujours cette peur du séparatisme. Le plus petit cadeau fait à la langue serait de remettre en cause l’unité de la nation.

Qu’aurait-il fallu faire pour empêcher le déclin de l’occitan limousin??

Il aurait fallu que l’État français ne soit pas ce qu’il est. C’est-à-dire centraliste. Selon l’article 2 de la Constitution : “La langue de la République est le français”. Combien de fois y a-t-il eu des projets de loi pour protéger les langues régionales?? Ils n’aboutissent jamais car anticonstitutionnels. Depuis 2008, la Constitution précise que “les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France”. Comme patrimoine, comme chose historique. Quand il n’y aura plus un locuteur occitan, on donnera des droits à la langue. Elle sera étudiée à l’université comme le latin. Mais tant qu’il restera des forces vives, rien ne se fera. 

Où, quand??

Jean Dau Melhau donne une conférence le vendredi 16 février, de 14 heures à 17 heures, à la librairie occitane, sur la création littéraire d’expression occitane de 1850 à la dernière guerre. Une autre conférence est prévue le 12 avril pour traiter de la création littéraire de la dernière guerre à nos jours. Tarif : 5 € la séance, réservation obligatoire au 05.55.32.06.44 ou à libraria.occitana@ieo-lemosin.org.

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