Fondé sur des données ethnographiques recueillies lors d’une mission de terrain aux Seychelles, l’article s’intéresse aux paroles de chansons en créole seselwa comme site discursif et performatif de production du mémorial musical. En présentant et en analysant les paroles de chansons populaires seychelloises, le texte a pour objectif d’interroger les modalités de fabrique du mémorial musical à travers ce médium particulier.
Il s’agit ainsi, d’une part, de comprendre comment la mémoire des traites et des esclavages est véhiculée par l’évocation de genres musicaux spécifiques ; et d’autre part, comment la fabrique du mémorial musical seychellois s’appuie sur – et contribue à produire – une acception de la créolisation comme marque identitaire de l’archipel et de son histoire. In fine, l’article soulève d’autres enjeux liés à la place et au rôle des Seychelles dans une économie mémorielle et culturelle globalisée, montrant l’agentivité des chanteurs et des musiciens dans la fabrique d’un mémorial musical composite et inclusif tourné vers l’expression de la créolité.
La première partie de l’article prend la pièce musicale Kastor, écrite et composée par Patrick Victor, comme point de départ à la réflexion. L’intrigue, qui s’inspire d’une figure historique citée dans des documents de l’administration coloniale britannique conservés dans les archives nationales, fait du personnage de Kastor le symbole du marronnage et de la lutte contre l’esclavage aux Seychelles. Les musiques utilisées dans la pièce en lien avec les thèmes de la traite esclavagiste, du marronnage, de la créolisation s’inscrivent ainsi dans le processus de définition postcoloniale de l’identité nationale seychelloise.
La deuxième partie poursuit l’exploration de paroles de chansons produites par certains musiciens seychellois rencontrés sur le terrain, et montre comment elles façonnent – et transmettent – l’association entre musique, mémoire et créolisation. Par l’évocation de genres musicaux et dansés traditionnels (séga, moutya, kanmtolé, romans) et d’instruments de musique (triangle, tambour, mandoline, violon) en lien avec leurs contextes de production historique, le mémorial musical seychellois se construit en étroite interaction avec l’histoire des Seychelles, la mémoire des traites esclavagistes et le processus de créolisation.
La troisième partie démontre comment les enjeux du mémorial musical traité dans l’article dépassent le cadre insulaire des Seychelles et de l’océan Indien, pour tendre vers l’expression d’une pan-créolité transocéanique et rhizomatique. Les chanteurs seychellois conçoivent en effet leur créolité comme prise dans leur « relation » – au sens glissantien du terme – aux autres territoires créoles et ce, à différentes échelles, dans l’océan Indien d’abord, mais aussi au-delà dans le monde. En exprimant une histoire partagée qui se prolonge dans la contemporanéité, marquée par l’esclavage, la colonisation et la créolisation, l’ensemble des référents mobilisés par les artistes concourt à faire émerger le mémorial musical seychellois en l’inscrivant dans un dialogue transocéanique avec d’autres insularités ou territoires créoles.
Les analyses successives des paroles de chansons proposées dans l’article documentent la façon dont le mémorial musical seychellois se constitue dans un dialogue constant entre l’histoire locale de l’archipel, les dynamiques sociales et culturelles de la région indianocéanique, la conception d’une pan-créolité transocéanique susceptible d’être menée par les Seychelles, mais aussi l’agentivité de ses musiciens à l’ère contemporaine.
...OUVERT. Tel devrait être le nouveau nom de la Martinique !
Lire la suiteIl y a une quatrième raison plus puissante que les trois précédentes réunies. Lire la suite
A quand la continuité territoriale entre Grand-Rivière et Ste Anne ?
Lire la suiteMalgré la rage qui me ronge de voir mon île dévastée par des étrangers venus d'ailleurs qui sont Lire la suite
...cette précision, cela n'a rien à voir avec le fond de l'article. Me semble-t-il...
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