FONDAS KREYOL : Pierre Sainte-Luce, vous venez de faire la pose de la première pierre à St-Martin d’une clinique dite de "soins de suite et de réadaptation", de quoi s'agit-il exactement ?
PIERRE SAINTE-LUCE :
L'activité de soins, de suite et de réadaptation s’inscrit en amont d’une hospitalisation aigüe ou dans le cadre du suivi d’une pathologie chronique. Elle a pour objet de prévenir et/ou de réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, psychologiques et/ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion.
La capacité de cette nouvelle clinique est de 30 lits en hospitalisation complète et de 20 lits en hospitalisation de jour.
L’édifice aura plusieurs niveaux et disposera d’un plateau technique moderne avec une piscine de rééducation.
FONDAS KREYOL : Qu'est-ce qui anime l'infatigable entrepreneur que vous êtes puisque, propriétaire déjà de cliniques en Guadeloupe, vous avez également investi dans l'hôtellerie et que votre soutien aux artistes, notamment les artistes-peintres, est bien connu ?
PIERRE SAINTE-LUCE
Il est assez classique que des propriétaires de cliniques soient des médecins. La prise en charge des personnes fragiles (âgées et handicapées) a été le fil conducteur de la création des établissements que nous dirigeons avec ma famille : depuis la clinique Manioukani à Gourbeyre, en 2000, jusqu’à la clinique Wataki, à Saint-Martin dont l’ouverture est prévue en 2023. La vocation d’aider les autres m’a été donnée par mon père, instituteur. Archéologue amateur, il m’a aussi transmis cette passion qui m’anime encore aujourd’hui.
Nous nous investissons également dans le cinéma. En effet le film AL, du cinéaste Christian Lara, que nous avons coproduit avec mon épouse, a été tourné dans notre Habitation Fonds Rousseau, en Martinique. Luc Saint-Eloy, a remporté le prix du meilleur acteur au cours des Sotigui Awards, à Ouagadougou pour son interprétation d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer.
FONDAS KREYOL : Le nom de votre groupe, MANIOUKANI, et celui de votre future clinique Saint-Martinoise, WATAKI, ne sont ni français ni créoles ni anglo-saxons ? D'où viennent-ils et pourquoi un tel choix ?
PIERRE SAINTE-LUCE :
La Caraïbe était occupée par de nombreux groupes dont les sociétés ont été complètement modifiées à l’arrivée des colons. Ces Amérindiens étaient les premiers créoles. Circulant entre les îles dans des kanawas, ils étaient organisés dans des réseaux d'alliances économiques et sociales et échangeaient aussi bien des objets que des idées.
Il existe aujourd’hui un fort héritage amérindien dans la vie de tous les jours, à l’échelle de la Caraïbe (mots : molokoy, ravet ; ouassou) mais aussi à travers le monde (hamac, tabac, maïs).
C’est pour rendre hommage à ces peuples effacés de l’histoire que nous avons fait le choix de nommer toutes nos cliniques de noms empruntés au vocabulaire des kalinagos des Petites Antilles, répertoriés dans les sources historiques.
Notre premier établissement : Manioukani est situé à l’embouchure de la petite rivière du même nom. A cet endroit, Yance, un vieux chef résistant Kalinago a combattu contre les premiers colons venus de Saint Christophe.
FONDAS KREYOL : Vous vous êtes lancé récemment dans la littérature avec un roman intitulé Colored et il se dit qu'un deuxième est déjà en préparation. Comment passe-t-on de la médecine, de l'aviation (vous avez un brevet de pilote), de la sociologie puisque vous possédez un doctorat dans cette discipline, de l'hôtellerie, des arts plastiques à la littérature ? D'où provient ce que d'aucuns pourraient qualifier d'activité boulimique ?
PIERRE SAINTE-LUCE :
Une amitié solide me liait à Bertène Juminer. Je passais des heures avec ce Professeur de médecine, ancien recteur d’académie et écrivain.
Il me racontait ses études à Paris avec Edouard Glissant. C’était l’époque de la décolonisation. Il a enseigné la médecine au Sénégal et en Tunisie. Il me parlait toujours en français, un français très distingué. Il m’a conduit à la philosophie et à la sociologie. Grace à lui, je suis devenu titulaire d’un Doctorat de sociologie-démographie, sur un sujet qui touche à la maternité de la femme, en particulier en Haïti.
Et comme lui, j’ai emprunté le pas de la littérature. Mon premier roman, Colored, a été nominé au prix Fetkann Maryse Condé en 2020. J’ai inventé mon ancêtre, Elsa, une muette de l’histoire. Une femme arrachée de l’Afrique à l’âge de 16 ans et qui a force de courage et de travail est devenue accoucheuse et spécialiste des plantes médicinales. Colored veut dire métissage en Afrique du Sud.
Je milite pour la fraternité entre les peuples : Colored en est ma contribution.
FONDAS KREYOL : Ne seriez-vous pas, au fond, un "Béké noir" ?
PIERRE SAINTE-LUCE :
Je fais la preuve qu’il n’y pas d’antagonisme pour un afro-descendant à être un capitaine d’industrie.
Le développement économique de nos régions passe par des investissements et de l’audace. Nous avons toutes les possibilités, pourvu que nous brisions les liens qui entravent nos rêves.
Mon goût d’entreprendre se fait dans une éthique de partage et je souhaite toujours que mes salariés bénéficient de leurs contributions au développement de notre groupe.
Notre Habitation de Martinique qui date de 1670 donne du sens à notre implication sociétale. Un lieu de souffrance, transformé en centre d’art et d’expression culturelle. Avec d’autres chercheurs notamment, Loran Ursulet, le Prix Carbet 2021, nous avons publié des articles sur la patrimonialisation (Editions Local Voices).
Votre arabophobie et vos changements incessants de pseudos pour pouvoir poster vos commentaires s Lire la suite
Je suis frappée par le peu d'enthousiasme que manifestent les media martiniquais (en général, si Lire la suite
Cette situation n'est absolument pas étonnante :au delà de cet exemple pris en France, il ne faut Lire la suite
En deux occasions, j'ai eu un sentiment ressemblant, mais heureusement de façon fugace. Lire la suite
..tu fais ce genre de confusion :même un mauvais élève de sixième ne confondrait pas Non-Blancs e Lire la suite