Promos chocs sur les charmes tarifés

Patrick Chesneau

   Les bar girls de Thaïlande sont de l'or en bar. Elles sont un alliage de métaux rares. Donc précieux. De ceux dont on fonde l'humanité. Minerais très convoités puisqu'ils coïncident avec la pâte humaine. Le substrat de l'homme et de la femme, fait de chair, de sang, d'intelligence, d'affect et de psychologie. Le corps et l'âme. 

   Ce foisonnement miraculeux, d'aucuns voudraient pouvoir l'exploiter de façon éhontée mais c'est aussi ce que nous tous chérissons, tant notre alchimie personnelle est source potentielle de bonheur et autorise le rêve. Comme de juste, ces beautés siamoises au minois en amande, orné d'une paire d'yeux en forme de meurtrières médiévales, attribuent une valeur monétaire au plaisir mais elles sont une utile et ô combien agréable introduction aux subtilités de la culture thaïe. Pour le flot ininterrompu de touristes masculins, elles sont souvent la première porte d'entrée (expression à prendre aussi au premier degré) dans le Royaume. Elles personnifient le lieu et l'occasion d'une initiation grandeur nature et en temps réel aux réalités de la Thaïlande, cette contrée qui échappe en large partie aux principes abrupts de l'esprit cartésien, encore majoritaire à l'Ouest. Des centaines de milliers sinon des millions de visiteurs hommes s'en remettent à ces créatures installées comme le sont les têtes de gondoles dans un supermarché.  A peine arrivé, c'est elles que l'on voit en premier. 

   Le mâle européen, ci-devant conquérant, est  immanquablement décontenancé quand il débarque. La toute première fois est même un éblouissement qui peut aveugler. Perte des repères. Tant d'us et coutumes échappent à l'entendement allogène. Que peut repérer un regard excentré venu de loin ?  En tout premier lieu, il lui faut fissa apprivoiser le désir exotique qui existe ici en dose massive. Il doit impérativement découvrir la gradation rapidement ascendante de la jouissance physique, phénomène intime dont il ignorait jusqu'ici nombre de ressorts cachés, enfouis, insoupçonnés. L'érotisme n'est-il pas un art oriental ? C'est là, à ce stade inaugural, qu'interviennent les escouades joyeuses, pétulantes, expressives des auxiliaires préposées à la séduction. Le sucré salé, l'aigre doux, l'amer et l'épicé sont les premières notes de la gamme pluriséculaire du plaisir. Les ingrédients basiques d'un festin dont toute femme d'Asie est la déesse voluptueuse. Leur babil sonore est un cri de ralliement. 

   Les hommes de fraîche importation accourent ventre à terre. Elles sont l'assurance de pouvoir passer des vacances à haute valeur ajoutée, âprement méritées après tant de mois de dur labeur. Loin de " Me Too " et du calvaire imposé à l'homme occidental par les égéries du féminisme woke, essentiellement punitif, vengeur et vindicatif, les filles de Nana Plaza ou Soi Cow Boy à Bangkok, Buakaw à Pattaya, Chaweng à Koh Samui, Bangla Road à Phuket, jusqu'au coeur du pays Lanna à Chiang Mai, leur permettent de renouer avec une certaine idée du bonheur sur terre. Là où la femme française développe un comportement de sexisme inversé et s'arrime avec morgue à une attitude castratrice, punitive, vengeresse et vindicative à l'endroit de ses supposés compagnons, leurs répliques siamoises apparaissent comme un bol d'oxygène pour mieux surnager. Moment vital. Presque divin. Au risque de radoter à force de le souligner, elles sont mues, bien sûr, par d'évidentes motivations mercantiles. Il se trouve que simultanément elles charrient des trésors de gentillesse, de délicatesse et d'ingénuité. Pour beaucoup d'âmes solitaires venues du monde western spaghetti, elles permettent une forme de résurrection. Dans leur étreinte, il est plus facile de retrouver goût à la vraie vie. S'envoyer en l'air est une préoccupation fort terre à terre. Il n'empêche. Certains parviennent ainsi à redonner un sens à leur existence en déshérence. Stabiliser leur dérive affective. 

   Quand l'amour est en jachère, les hôtesses du monde noctambule agissent comme un palliatif de circonstance. Un expédient susceptible de requinquer le moral qui flanche. Une bouée de sauvetage pour cas désespérés. Une maïeutique sensuelle. Elles sont les extincteurs manucurés qui apaisent les incendies intérieurs. Ceux de la libido primitive, tapie dans les tréfonds de l'être humain. Non seulement, elles tiennent un rôle d'ordre prophylactique mais encore, dans la plupart des cas, elles se révèlent facétieuses, espiègles, délicates, enjouées, ce qui est gage de bonne humeur et de relative insouciance. A cette liste, prière d'ajouter aussitôt... redoutablement intelligentes. Ce qui n'est pas une situation exempte de danger pour l'étranger qui déboule la tronche enfarinée. Combien de bidochons en goguette, toujours en proie à l'indécrottable tropisme du mâle dominant, ont crû pouvoir jouer au plus malin avec elles, et sont devenus en un tournemain de simples jouets manipulables ? Pour ces gros naïfs, le miroir aux alouettes a fonctionné comme l'oasis pour l'arpenteur du désert. A la fois, une halte salvatrice et possiblement un mirage. Trop de douceur endort la méfiance naturelle, neutralise les mécanismes de défense. La prudence se volatilise.

   Le piège se referme sans crier gare. 

   Les Apollons venus du froid tombent amoureux avec une facilité déconcertante. Raides marteaux, dirait-on avec truculence en Martinique, autre lieu d'ancrage des sens en fête. Amoureux ? Vraiment ? Oui, un peu bêtement mais irrémédiablement. En deviennent d'autant vulnérables. Leur pusillanimité les empêchant de circonvenir les affres d'une relation factice par nature. Les naïades tropicales savent aimanter. Se rendre indispensables sur l'échelle de l'envie et de la concupiscence. Outre ce descriptif intimiste, il est un aspect à ne jamais oblitérer. Leur activité lucrative représente quelques solides points de PIB dans l'économie thaïlandaise. Leur poids financier dans la structure budgétaire du Royaume est indiscutable. Elles sont une force de frappe financière qui entraine avec elle, par exemple, une région de la taille de l'Isaan. Et dans leur sillage, des millions de familles paupérisées par les effets collatéraux de la crise sanitaire. Leur entregent est le meilleur antidote au virus mortifère. Elles aident au redémarrage du secteur capital qu'est le tourisme, alias l'industrie des vacances. Elles sont un argument publicitaire de premier ordre, même pour ceux qui déclarent ne surtout pas venir en Thaïlande pour des raisons de tourisme sexuel. Elles sont à la fois une force motrice et une jolie devanture. Vitrine, certes déformante mais aguichante. Elles sont, en concentré, les splendeurs innombrables de ce magnifique pays.

    A ce point nommé, faisons litière d'un poncif. Elles ne représentent évidemment qu'une infime portion de la version féminine du peuple thai. Ne résument en rien la femme de cette latitude du bas Mekong. Mais elles incarnent une oriflamme. L'attrait incandescent qu'elles exercent sur d'impressionnantes quantités de messieurs bourlingueurs est un immense service rendu à la société vernaculaire. Littéralement, elles sont d'utilité publique...et agréable. Pour un éventail très large de raisons multiples, il faut donc aimer les bar girls jusqu'à plus soif. Succomber sans s'égarer. Avant tout jeu de mains dans la moiteur des estaminets, il convient de céder à un rituel. Commander une bière pour se rafraîchir. Au hasard, un Leo pour repriser les bas. Et une accorte hôtesse pour s'enflammer. Elle pourvoira à la promesse capiteuse des délices charnels. Sylphides à l'épiderme velouté.  L' a-t'on suffisamment dit et répété, elles sont des milliers, éparses et en tous lieux, à travers le Royaume. Excellent à répandre les sortilèges de l'Orient mystérieux. Donnent corps à la félicité des grognements repus et des râles étouffés. Il faut savoir écouter leur invite. Après trois ans de pandémie, presque une supplique. Un message si clair :  

   " On est Thaïes. Nous, filles à la peau de soie qui crisse sous les caresses empressées. On est respectueuses des doigts de l'homme. On sait que les mâles y pensent. Échange de bons procédés. Notre jeunesse est offerte quand le client, lui, peut arborer des tempes argentées. Émolument préférablement en liquide contre exploration du 7ème ciel. Bourse déliée pour un arpent de voie lactée. Farang en particulier, on vous attend de pied ferme, le métatarse en éventail, le jarret aguerri mais la cuisse légère, le bassin accueillant, la fesse intrigante, la poitrine haletante. Seuls les malotrus repoussants et indélicats seront éconduits. Telle une friandise qui s'offre dans la plus totale impudeur, nous vous garantissons le regard langoureux, la lèvre charnue, la langue vivante, le baiser profond, la main baladeuse, le massage coquin".  Et plus...si affinités pécuniaires.

Au moins dans ce cas de figure, c'est un argument de vente éprouvé.

    Triptyque magique. La Thaïlande, le sourire et les soupirs rémunérés.

Patrick Chesneau

Commentaires

Pas que bann kokez

Jodelain

31/12/2022 - 20:51

Merci à l'auteur de rappeler que ces dames de Bangkok ne sont pas que bann kokez. Elles soignent les bobos de l'âme et de la libido tout en se révélant impitoyables pour ceux qui se seraient mépris sur les émotions qu'elles proposent.
Et ça marche aussi dans l'autre sens, pour ces Européennes ou Américaines délaissées qui arpentent les plages africaines soiffardes de vit-alité nègre, en quête aussi, parfois (hélas pour elles), d'amour.

CA ME RAPELLE CE COMMENTAIRE...

Albè

01/01/2023 - 11:18

...raciste qu'on pouvait entendre dans les années 1960-80 en France contre les BUMIDOMIENS : "Son père est Martiniquais et sa mère est partie niquer".

C'est un fin dégustement

Veyative

04/01/2023 - 09:25

que cet écrit! J'aime tout particulièrement : "le sucré salé, l'aigre doux, l'amer et l'épicé"; "une maïeutique sensuelle"; la peau de soie qui crisse sous les caresses empressées".

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