Qui se souvient encore du Crédit Martiniquais ?

   L'article qu'on peut lire ci-après, paru dans le quotidien français "LIBERATION", date de 1997. C'est vieux et c'est tout proche à la fois. Il n'a pas été rédigé par un indépendantiste martiniquais enragé mais par un journaliste français qui s'en est tenu aux faits, juste aux faits. 

   En Martinique, nous sommes toujours prompts à fustiger la petite délinquance (vol de moto) ou la moyenne délinquance (favoritisme pour obtenir une promotion ou un emploi), mais rares, très rares sont ceux qui ont les couilles pour dénoncer la grande délinquance dont fait partie la faillite du Crédit Martiniquais tout comme, par la suite, les scandales de la SODEM, du CEREGMIA, de CARENANTILLES, du SMTVD etc...dans lesquels des millions d'euros sont en jeu. 

   Cet article doit nous faire réfléchir par rapport à l'élection du président du Grand Port Maritime de la Martinique et à tout le cinéma qui s'en est suivi. Les seuls à ne pas être perdants dans cette affaire et qui doivent rire sous cape des bisbilles entre "Negs" sont les "parents, amis et alliés", comme on dit aux avis d'obsèques, de ceux-là mêmes qui coulèrent jadis le CREDIT MARTINIQUAIS. Cela en toute impunité jusqu'à aujourd'hui...

https://www.liberation.fr/futurs/1997/05/23/credit-martiniquais-l-etat-…

Crédit martiniquais, l'état banque pour les bekes.Au moins 300 millions de fonds publics pour la banque privée.

Renaud Lecadre ("Libération")

Le monde bancaire est renversant. Hier, le ministre de l'Economie,

Jean Arthuis, a annoncé le plan de sauvetage d'une banque privée, le Crédit martiniquais. L'air du temps était pourtant à dénoncer la mauvaise gestion des banques publiques, à privatiser au plus vite. Mais les DOM-TOM ne font pas partie de la métropole. Les dirigeants du Martiniquais ont été débarqués, et un responsable des Caisses d'épargne, Alain Dennhardt, nommé administrateur provisoire. Arthuis, qui tient à demeurer ministre jusqu'au bout, a annoncé que tout le monde sera mis à contribution: l'Etat, les banques, les actionnaires du Martiniquais.

Cette banque locale risque une perte de 1,5 milliard de francs (pour un bilan de 3 milliards). Toutes proportions gardées, c'est comme si le Crédit Lyonnais avait perdu 1 000 milliards de francs (au dernier pointage, son trou n'est que de 150 milliards). Certains contestent le calcul de la douloureuse ­ «Je ne comprends plus rien», assure un financier qui connaît bien le Martiniquais. Mais la Commission bancaire, le gendarme du secteur, sévèrement épinglée pour n'avoir pas su prévenir la déroute du Lyonnais, a voulu cette fois se montrer irréprochable. Depuis l'été, un commando de la Commission bancaire s'est installé à Fort-de-France. En décembre, il évalue les pertes à 900 millions, annonce que le Martiniquais est insolvable depuis un an (faits publiés par Libération le 5 février et le 21 avril).

Aider les amis. Depuis le début de l'année, c'est le branle-bas de combat. Le Trésor, Matignon et l'Elysée s'en mêlent. Pourquoi tant d'agitation au sommet? Le Crédit martiniquais draine 14% de l'épargne locale et accorde 20% des crédits, et sa faillite serait un coup dur pour l'économie des DOM-TOM. Mais il y a mieux: la banque est détenue à 75% par les békés, une vingtaine de familles blanches qui verrouillent l'île (ils possèdent 80% des terres agricoles et la quasi-totalité des grandes entreprises). Parmi eux, Marcel Fabre, roi de la banane et intime de Bernard Pons, ou Bernard Hayot, empereur de la distribution et proche des balladuriens.

Pour le RPR, les DOM-TOM ont toujours été une terre d'élection et une source de financement. Le gouvernement Juppé devait donc faire quelque chose pour ses amis békés. Sauf que ces derniers ont un peu poussé, en se payant sur la bête plus que de raison. C'est une spécificité du Martiniquais: il récolte l'épargne des artisans et commerçants pour ensuite prêter aux grosses fortunes de l'île, par ailleurs actionnaires de la banque. Et comme ils sont actionnaires, la banque sait se montrer clémente envers eux.

«C'est choquant, souligne un banquier métropolitain qui en a pourtant vu d'autres, ils se prêtent à eux-mêmes tout en contribuant aux pertes.» Bienvenue en Martinique: les petits financent les gros qui ne remboursent pas. A eux seuls, les békés ont généré un tiers des pertes de la banque. Bref, le gouvernement, tout RPR soit-il, se devait de les tancer tout en venant à leur secours.

Les békés traînent les pieds.

Les békés paieront, donc. Outre qu'ils sont éjectés de la direction de la banque, qu'ils perdront leur quote-part des fonds propres (180 millions), ils devront en plus remettre au pot. Mais ils n'envisagent que de verser 60 millions de francs ­ pas à la hauteur des enjeux financiers. «Ils se disent insolvables, souligne un haut fonctionnaire, mais une partie de leur fortune n'est plus sur le territoire national.»

Pour les ramener à la raison, Jean Arthuis brandit la menace pénale. L'administrateur provisoire «engagera les poursuites nécessaires s'il devait apparaître que la loi n'a pas été respectée». Pierre Michaux, le président du Martiniquais, a déjà été mis en examen, l'an dernier, pour complicité de banqueroute dans l'affaire Jet Sea (escroquerie à la loi Pons).

Mais les békés sont tout de même des amis. Le gouvernement a donc demandé aux grandes banques de venir à leur secours. L'AFB (qui regroupe les banques commerciales comme la BNP, le CCF ou la Société générale) aurait pu râler d'être à nouveau mise à contribution: depuis quatre ans, elle a déjà dû indemniser les clients lésés de Pallas-Stern, de la BCP et de la BCCI ­ toutes faillies. Mais les pouvoirs publics ont été d'une subtilité remarquable en tendant également leur sébile aux banques mutualistes (Crédit agricole, Caisse d'épargne"), ennemies jurées de l'AFB, qui du coup s'en trouve ravie. Cette union sacrée des banques ne s'était pas vue depuis la faillite, dans les années 70, de la Saudi Bank. «Les békés sont élevés au rang de princes arabes», ricane un banquier.

Enfin, l'Etat y sera fatalement de sa poche, en accordant une «garantie» ultime sur la liquidité du Crédit martiniquais. Comprendre: sa contribution dépendra du bon vouloir des autres saint-bernard et elle sera impossible à chiffrer avant quelques années. «Il n'y aura pas de plafond», confirme-t-on. La version définitive du sauvetage, précisant les contributions des uns et des autres, sera finalisée dans quelques jours: les banques devraient payer 600 millions, les actionnaires 300 millions et l'Etat 300 millions ­ un plancher.

L'intérêt de la nation. C'était couru d'avance: ainsi, l'agence de rating IBCA (qui délivre des notations sur la fiabilité des entreprises) avait bien noté le Crédit martiniquais en «considérant qu'il y aurait un soutien public en cas de problème».

Il existait pourtant une autre solution: un plan de sauvetage, purement privé, imaginé par un ancien dirigeant du" Crédit Lyonnais, qui aurait épargné l'argent du contribuable. La République RPR n'en a pas voulu, au nom de l'intérêt supérieur de la nation, sûrement.

Commentaires

Merci pour cette PIQÛRE DE RAPPEL...

Frédéric C.

16/07/2023 - 04:41

...et N'HÉSITEZ PAS À NOUS EN FAIRE D'AUTRES, dans tous les domaines. Car nous autres on oublie vite, et notre amnésie collective s'est renforcée ces dernières années. On vote de plus en plus pour n'importe qui. On oublie ou occulte ce que fait la direction du P"P"M, alors qu'à lui seul il contrôle l'essentiel de la "classe" politique institutionnelle depuis des décennies (le GS est une coalition, pas un parti politique à lui seul, contrairement au P"P"M!). Des politiciens s'affichent "souverainistes" tout en menant des campagnes électorales sans mots d'ordre précis sur le statut à revendiquer, mais sont élus quand même ! L'un d'eux ose même voter une motion de censure présentée par l'extrême-droite française, tout en sachant que cette extrême-droite est raciste-négrophobe: ce "souverainiste" Mquais retrouvera son siège au Parlement car il fait dans le siyak permanent , le "sénoulenm sénoumenm!", et hélas ça marche toujours ces kouyonnad démagogiques... Oui, nous tombons dans le gouffre de l'oubli, limite Alzheimer collectif, et très peu d'organisations politiques font le travail pédagogique ou de rappel de certaines bases historiques... Sinon, la photo en tête d'article semble très ancienne: les véhicules sont une 203 et une 15CV Citroën je crois ; et il me semble qu'à cet endroit, dès les 1980's c'était la Chasse Manhattan Bank qui était là. "En ces temps-là", comme écrivait R.Ménil...

" En Martinique, nous sommes…

Karl

09/08/2023 - 08:53

" En Martinique, nous sommes toujours prompts à fustiger la petite délinquance (vol de moto) ou la moyenne délinquance (favoritisme pour obtenir une promotion ou un emploi), mais rares, très rares sont ceux qui ont les couilles pour dénoncer la grande délinquance dont fait partie la faillite du Crédit Martiniquais tout comme, par la suite, les scandales de la SODEM, du CEREGMIA, de CARENANTILLES, du SMTVD etc...dans lesquels des millions d'euros sont en jeu. "

Comment expliquer que nos élus qui se voient à la tête d'un Etat Martiniquais autonome voir indépendant, qui veulenet disposer d'un pouvoir normatif, se soient tenus aussi silencieux par delà les alternances politiques? Pourquoi une plénière n'a jamais été consacrée à ces dossiers qui l'auraient amplement mérité?

Comment expliquer que les Martiniquais soient invités à leur apporter leur suffrage alors que nous savons pertinamment que cela ne changera rien, à l'exception du cercle des parents, amis et alliés qui trouveront le gite et le couvert?

En définitive, ne sommes nous pas les premiers responsables?
N'a-t-on pas les élus que l'on mérite?

Karl, je partage et je ne partage pas....

Frédéric C.

10/08/2023 - 13:55

... Il n'est pas prévu au CGCT, ni dans le bloc Constitution-Lois-organiques, de mécanismes de démocratie semi-directe permettant par exemple, sur proposition par pétition populaire, de destituer un élu à mi-mandat, par exemple. Le vote Blanc n'est pas non plus pris en compte. C'est la "démocratie représentative" dans toute son abjection, qui permet aux candidats de dire en substance au corps électoral : "Votez pour moi et après on verra"... Ne resterait que les mobilisations massives, dans la rue, contre tel ou tel élu particulièrement dégueulasse ou corrompu (cette dégueulasserie ou/et cette corruption étant avérée)! Mais l'esprit civique a tellement reculé (il conviendrait de déterminer précisément pourquoi) que bien des gens préfèrent aller s'amuser facilement au Vauclin ou à Rivière-Salée, plutôt que de se mobiliser sur des thématiques impliquant des opérations où ce sont leurs impôts (ne serait-ce que locaux) qui servent de pompe à fric... Tout ça pour dire : est-ce assez précis de dire "On a les élus qu'on mérite"? Il est possible que si certains mécanismes de remise en question du mandat des élus, voire les mécanismes d'élection (vote Blanc) existaient dans les textes juridiques, les "élus" ou "candidats" feraient un peu plus attention à ce qu'ils font (ou ne font pas)... Ils devraient être en permanence sous contrôle de leurs "mandants". Les électeurs, notamment Mquais, seraient-ils disposés à faire ces efforts de citoyenneté ? Si oui, si ces droits étaient exercés, là votre phrase finale serait tout-à-fait pertinente... Mais avec la législation actuelle, on est dans le flou. Ce qui ne veut pas dire que la situation n'est pas dangereuse. Car faute de pouvoir ainsi respirer, la "démocratie" est menacée par des explosions populaires pouvant se traduire par des votes "exutoires" qui pourrait déboucher sur sa liquidation par tel parti politique arrivant au pouvoir.

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